L’occupation américaine par les États-Unis entre 1915 et 1934 peut être considérée comme un moment de rupture dans la lutte pour la construction d’un modèle d’État autonome en Haïti où la stabilité politique - aucun président n’arrive au terme de son mandat constitutionnel - et le développement économique et social ne semblent plus constituer un horizon d’attente : en plus d’une centaine d’années d’indépendance nationale, dans les difficultés de reconnaissance internationale et sous la pression des dettes intérieures et extérieures, les élites au pouvoir n’ont pas réussi à stabiliser la situation politique, ni à établir et développer une situation économique et sociale prenant en compte les besoins et les aspirations du peuple ; la socialisation de la paysannerie et la modernisation de l’agriculture sont laissées à elles-mêmes ; les couches populaires urbaines ont un accès très limité à l’instruction, alors que les couches sociales les plus favorisées, vivant des rentes de l’agriculture et du commerce, des importations et des exportations, envoient leurs enfants se former en Europe. À la suite de l’assassinat du président Vilbrun Guillaume Sam, le 28 juillet 1915, dans un contexte régional de domination géopolitique des États-Unis de plus en plus affirmé, toutes les options semblent fermées. La séquence a pour objectif de questionner les situations intérieure et extérieure, pour interpréter l’intervention des États-Unis sous ses différentes formes, l’occupation américaine pendant une vingtaine d’années et ses conséquences dans l’histoire et l’avenir de la nation et de l’État haïtiens.
La démarche de la séquence a ainsi pour objectif de développer et approfondir les compétences historiques de périodisation et d’analyse critique des documents d’époque confrontés avec leur utilisation et leur interprétation au XXe et au XXIe siècles.
L’occupation américaine d’Haïti et le processus d’institutionnalisation du modèle totalitaire (1915- 1934)⚓
Présentation de la séquence et documents à télécharger⚓
Compétence(s) ciblée(s)
Rassembler, critiquer, analyser et synthétiser une documentation historique. En communiquer la synthèse.
Périodiser et maîtriser les temporalités plurielles des sociétés présentes et passées.
Construire en histoire une conscience citoyenne apte à développer un agir social.
Savoirs, savoir-faire, savoir-être/attitudes à acquérir
À travers la critique, la comparaison et la synthèse de documents, la réalisation de chronologies et de cartes :
Identifier, questionner et interpréter, à différentes échelles historiques, les causes, la situation et le contexte de l’intervention et de l’occupation américaine et les différentes lectures qui en ont été faites jusqu’à nos jours.
Questionner les structures politiques, économiques et sociales de l’occupation, en analyser le fonctionnement de l’appareil administratif et militaire et leurs conséquences sur le développement politique, économique, social et culturel d’Haïti.
Identifier et questionner les formes de résistances et la dynamique des luttes, régionales et nationales dans la société haïtienne, le mouvement nationaliste et leurs effets dans le développement politique, économique, social et culturel d’Haïti.
Questionner la collaboration d’une fraction de l’Elite haïtienne avec les occupants, la mise en tutelle des dirigeants et de l’action du gouvernement et de l’administration, le modèle d’institutionnalisation imposé par les occupants et ses conséquences dans l’histoire politique d’Haïti.
Prérequis
La séquence suppose un minimum de connaissances sur l’histoire économique, sociale et politique d’Haïti au XIXe siècle, tant au plan intérieur qu’au plan extérieur, notamment la question de la dette (voir la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette » téléchargeable sur Canopé) ainsi que les rapports entre l’évolution et le développement d’Haïti et les conditions imposées de la reconnaissance internationale depuis 1806. Il s’agit, pour aborder la question de l’occupation américaine, de faire comprendre au préalable qu’elle est l’aboutissement d’un processus développé tout au long du XIXe siècle autant dans les relations internationales d’Haïti que dans la domination étatsunienne de l’Amérique latine et la Caraïbe. La séquence suppose donc la connaissance de la doctrine Monroe (voir en annexe 1, un extrait du discours du président James Monroe Le 2 décembre 1823, lors de son septième message annuel au Congrès des États-Unis) et de la politique d’expansion et d’intervention dite du « big stick » (« gros bâton ») menée par Theodore Roosevelt en Amérique latine, et plus particulièrement dans la zone Caraïbe : guerre hispano-américaine de 1898 et traité de Paris (10 décembre 1898), indépendance de Cuba, occupation des Philippines, Porto Rico et Guam ; séparation de Panama de la Colombie en 1903 ; prise de contrôle des droits de douane de la République Dominicaine (1905-1941) ; pressions diverses et interventions : Nicaragua (1909-1912), Mexique (1913-1916), République dominicaine (1916-1924)…
Stratégie d’enseignement-apprentissage
La séquence est à penser ensemble dans le temps long de l’histoire d’Haïti et de sa reconnaissance internationale, et dans celui des décolonisations et des pratiques de domination néocoloniale. Si possible, la séquence sera organisée autour du film d’archives de Guy Ferolus, suivie par l’analyse critique de documents et de sources historiques, leur utilisation et leurs interprétations comme sources de débat jusqu’à nos jours. Les élèves poursuivent la rédaction du glossaire et des fiches biographiques ainsi que la construction de la chronologie élaborées en 8e et en début de 9e année (voir les séquences « La Révolution haïtienne (1791-1806) » et « La formation de l’État haïtien 1804-1843, téléchargeables sur Canopé). Par le questionnement et l’interprétation des documents et sources historiques, ils construisent un état de la situation nationale et internationale au début du XXe siècle et un récit historique de l’occupation américaine et de ses conséquences dans le développement politique, économique, social et culturel aux XXe et XXIe siècles. Par la lecture critique de la presse historique et contemporaine, ils se forgent peu à peu une culture du débat.
La séquence est organisée en différents temps permettant de développer la compétence de prise de note d’informations sur un film, une intervention du professeur et des élèves.
Découpage en séances
Séance (Titre et durée) | Thème, place dans la séquence et très brève description |
---|---|
séance 1 Le contexte externe et interne ou les préludes à l’occupation (1 à 2 h) | Après vérification des prérequis, la séance a pour objectif, à travers un travail de groupe questionnant divers ensembles documentaires, de faire un état de la situation intérieure d’Haïti et des contextes extérieurs au début du XXe siècle : doctrine Monroe et politique impérialiste dite du « big stick » de Theodore Roosevelt, Première Guerre mondiale, crise économique, sociale et politique en Haïti. |
séance 2 La mise sous tutelle de l’État haïtien ? (1 à 2 h) | La séance s’organise autour du questionnement et de l’interprétation de la perte de la souveraineté nationale. |
séance 3 L’occupation et le processus d’institutionnalisation (1 à 2 h) | La séance s’organise autour du questionnement et de l’interprétation de l’institutionnalisation de la dépendance et du contrôle de la population. |
séance 4 Les résistances à l’occupation (1 à 2 h) | La séance a pour objectif de questionner les diverses formes de résistances à l’occupation et à l’État autoritaire. |
séance 5 La collaboration avec l’occupant, des relations complexes et changeantes (1 à 2 h) | Les acceptations et les collaborations ont évolué dans le temps et ont pris différentes formes que la séance propose d’interroger. |
séance 6 Vers un bilan de l’occupation américaine ? (1 à 2 h) | L’occupation américaine a des répercussions jusqu’à aujourd’hui (voir les débats de la commémoration en 2015), la séance a pour objectif d’explorer dans le temps long les conséquences politiques, économiques, sociales et culturelles de l’occupation. |
Support et matériel
Avertissement : Nous avons choisi de reproduire en annexe la plupart des documents in extenso ou dans des citations longues pour l’information du professeur. L’utilisation avec les élèves suppose de les découper en courts extraits.
La séquence utilise largement les textes des constitutions d’Haïti publiées par Louis-Joseph Janvier (Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica]) et sur le site de la Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm], ainsi que les lois et règlements de la République d’Haïti publiés par année dans le Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices à la page Haïti [https://www.archontology.org/nations/haiti/01_sources.php]. Le professeur guidera les élèves dans l’utilisation de ces sites de référence indispensables.
Les encyclopédies en ligne, traditionnelles ou collaboratives, offrent de nombreuses informations sur l’occupation américaine et le contexte international du début du XXe siècle. Compte tenu de leur facilité d’accès à partir d’une recherche simple ou d’une recherche multicritère, il n’a pas semblé utile de les lister dans les « Supports ». L’utilisation des encyclopédies « wiki » nécessite cependant une attention particulière dans le développement des compétences critiques notamment par la prise en compte de l’origine de l’article (traduction partielle ou complète d’un article publié dans une autre langue), de la « Discussion », du « Texte source » et de « l’historique » ainsi que de la source originelle des documents, de leur auteur, du lieu de conservation ou de la publication, et des droits qui y sont attachés.
En histoire contemporaine, la presse constitue à la fois une source d’informations et un support pour approfondir les compétences de lecture critique et développer une culture du débat. En fonction de l’actualité médiatique (commémorations, publications, retour sur l’histoire de l’occupation américaine, ses conséquences sur l’histoire présente d’Haïti, les comparaisons avec la situation des dernières décennies…), le professeur pourra s’appuyer par exemple sur les articles suivants, parmi de nombreux autres, et proposer aux élèves de les utiliser comme base pour constituer un dossier de presse et un suivi de l’actualité sur l’occupation américaine :
« Haïti/1915-100 ans », AlterPresse, voir les interviews de Georges Michel et les articles de Leslie Péan (2 janvier et 24 juillet 2015) et de Stephen Ralph Henry (24 juillet 2015) [https://www.alterpresse.org/].
Bruny Rebecca, « L’emprise actuelle de l’occupation américaine d’Haïti », AyiboPost, 19 juillet 2021 [https://ayibopost.com/lemprise-actuelle-de-loccupation-americaine-dhaiti/].
Denis Watson, « Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie/Nouvelle publication. Chronologie de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934) », Le Nouvelliste, 8 février 2016 [https://lenouvelliste.com/article/161369/chronologie-de-loccupation-americaine-dhaiti-1915-1934]. Compte rendu du programme d’activités de remémoration du centenaire de l’occupation américaine d’Haïti, voir le colloque « L’occupation américaine d’Haïti (1915-1934). Repères, Ruptures et Continuités », les 8-10 décembre 2016. Voir aussi de Watson Denis le compte rendu de, Édouard Roberson, Calixte Fritz (dir.), Le devoir d’insoumission. Regards croisés sur l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016, in Revue d’histoire de l’Amérique française, « Le passé des autres : lectures, emprunts et appropriations en contexte québécois », Volume 71, numéro 3-4, hiver–printemps 2018, p. 175–178 [https://www.erudit.org/fr/revues/haf/2018-v71-n3-4-haf03789/1048523ar/].
Dossier « Ransom », en anglais, créole et français du New York Times publié en mai-juin 2022 [https://www.nytimes.com/fr/2022/05/20/world/haiti-france-dette-reparations.html], notamment « Envahissez Haïti, exhorte Wall Street. Les États-Unis s’exécutent » [https://www.nytimes.com/fr/2022/05/20/world/haiti-etats-unis-occupation.html]. Voir la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette » (téléchargeable sur Canopé).
« A dossier of articles from The Nation on the United States Occupation of Haiti, 1915-1934. Black history in white times », The Public Archive, 24 avril 2015. Voir notamment Herbert J. Seligmann, « The Conquest of Haiti », The Nation, 111, July 10, 1920 [https://windowsonhaiti.com/windowsonhaiti/haiti_occupation_series_01.shtml], voir Annexe 13.
François Jeannot, « Les conséquences de l'occupation américaine de 1915 », Le Nouvelliste, 28 juillet 2020 [https://lenouvelliste.com/public/article/219062/les-consequences-de-loccupation-americaine-de-1915].
Gilbert Myrtha, « Les impacts de l'occupation américaine d'Haïti 1915-1934 », Le Nouvelliste, 8 février 2018 [https://lenouvelliste.com/article/182657/les-impacts-de-loccupation-americaine-dhaiti-1915-1934].
Péguy F. C. Pierre, « L’Occupation américaine : ils étaient là ! », Le nouvelliste, 8 juillet 2017 [https://lenouvelliste.com/article/174369/loccupation-americaine-ils-etaient-la]. L’article propose un compte rendu du court métrage de Frantz Voltaire, qui dirige la Revue d‘Histoire Haïtienne / Revi kritik sou Istwa Ayiti [https://www.revuehh.org/], Haïti 1900-1934, CIDIHCA, s.d., 22 minutes.
La bibliographie ancienne et contemporaine est abondante sur le sujet, on pourra retenir, parmi de nombreux autres, les titres suivants, notamment ceux accessibles sur Internet, qui pourront servir de base de recherches d’informations, de rédaction de résumés et de synthèse comme de compte rendu critique pour les élèves (développement des compétences sur l’utilisation des tables des matières, des index, recherche simple et multicritères dans les éditions électroniques, utilisation de logiciels pour l’analyse de données qualitatives, etc.), pour compléter, voir aussi la « Bibliographie sur l’occupation américaine », Haïti Référence [https://www.haiti-reference.info/pages/plan/histoire-et-societe/bibliographies/occupation-americaine/] :
Balch Emily Greene, Occupied Haiti; being the report of a committee of six disinterested Americans representing organizations exclusively American, who, having personally studied conditions in Haiti in 1926, favor the restoration of the independence of the Negro Republic, New York, Writers Publishing Company, 1927. New York, Negro Universities Press,1969, reedition New York, Garland, 1972.
Barnett George, Report on affairs in the Republic of Haiti, June 1915 to June 30 1920, Washington US Marine Corps, 1920. Voir aussi Posner Walter H., American Marines in Haiti, 1915-1922, The Americas, Vol. 20, No. 3, Jan. 1964, Cambridge University Press, pp. 231-266 [https://www.jstor.org/stable/979070].
Bellegarde Dantès Louis, L’occupation américaine d’Haïti, ses conséquences morales et économiques, Première édition, Port-au-Prince Chéraquit, 1929 [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/Occupation_americaine_Haiti/Occupation.html]. Réédition Port-au-Prince, Les Éditions Fardin, 2013. Sur Dantès Bellarde voir : Île en île [https://ile-en-ile.org/bellegarde/].
Bellegarde Dantès Louis, La résistance haïtienne (L’occupation américaine d’Haïti). Récit d'histoire contemporaine, Montréal, Éditions Beauchemin, 1937, accessible dans Les classiques des sciences sociales [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/resistance_haitienne/resistance_haitienne.html].
Beede Benjamin R., The War of 1898 and U.S. Interventions, 1898-1934: An Encyclopedia, New York, Garland, 1994.
Blancpain François, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999.
Blancpain François, Louis Borno, président d’Haïti, CIDIHCA, Éditions indépendantes, 1998.
Castor Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html]. Thèse de doctorat soutenue à l’université nationale autonome du Mexique, Occupación norteamericana de Haití y sus consecuencias (1915-1934).
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Craige John Houston, Cannibal cousins, New York, Minton, Balch & Company, 1934.
Danache Berthoumieux, Le président Dartiguenave et les Américains, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1950. Réédition Éditions Fardin, 2003.
Dohrman Richard, The cross of Baron Samedi, Boston, Houghton Mifflin, 1958.
Dubois Laurent, The Aftershocks of History, New York, Metropolitan Books/Henry Holt & Company.
Duvivier Max U., Trois études sur l'occupation américaine (1915-1934), Mémoire d'encrier. Le livre reprend trois articles parus dans la Revue de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie, « La mission de Paul Fuller Jr en Haïti (17 mai-5 juin 1915) », 62e année, vol. 45, n° 155, juin 1987 ; « L’occupation américaine en Haïti et la Convention haïtiano-américaine du 16 septembre 1915 », 62e année, vol. 45, n° 156-157, septembre-décembre 1987 ; « La Commission Forbes à Port-au-Prince, 28 février-16 mars 1930 », 63e année, vol. 46, n° 158-159, mars-juin 1988.
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Gaillard Roger, Les Blancs debarquent, Port-au-Prince, Le Natal, 1974. Tome II, Les Cent Jours de Rosalvo Bobo ou une mise à mort politique, 1974 ; T. III. Premier écrasement du cacoïsme, 1981 ; T. IV. La république autoritaire, 1981 ; T. V. Hinche mise en croix, 1982 ; T. VI. Charlemagne Péralte le Caco, 1982 ; T. VII. La Guérilla de Batraville, 1983.
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Manigat Leslie F., Eventail d’Histoire vivante d’Haïti : des préludes à la Révolution de Saint-Domingue jusqu'à nos jours (1789-2003), Port-au-Prince, CHUDAC, 2003.
McCrocklin James H., Garde d’Haiti, 1915-1934; twenty years of organization and training by the United States Marine Corps, Annapolis, United States Naval Institute, 1956.
Marvin George, "Assassination And Intervention in Haiti: Why The United States Government Landed Marines On The Island And Why It Keeps Them There". The World's Work: A History of Our Time, February 1916, XXXI, pp. 404-410.
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Narcisse Berhmann D., Les préludes au débarquement : Haïti, 1915, Montréal, CIDIHCA, 1991.
Nicolas Hogar, L’occupation américaine d’Haïti. La revanche de l’histoire, Madrid, Industrias graficas Espa [Équation] 1956.
Pamphile Léon Dénius, L’éducation en Haïti sous l’occupation américaine : 1915-1934, Port-au-Prince, Imprimerie des Antilles, 1988. Voir aussi Clash of cultures: America’s educational strategies in occupied Haiti, 1915-1934, Lanham, University Press of America, 2008.
Pamphile Léon Dénius, La croix et le glaive : l’Eglise catholique et l’occupation américaine d’Haïti 1914-1934, Port-au-Prince, Editions des Antilles S.A., 1991.
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Pierre-Paul Antoine, La première protestation armée contre l’intervention américaine de 1915 et 260 jours dans le maquis, Port-au-Prince, Imprimerie Panorama, 196 ?
Price-Mars Jean, Ainsi parla l’oncle. Essais d’ethnographie, New York, Parapsychology Foundation Inc., 1928. [http://classiques.uqac.ca/classiques/price_mars_jean/ainsi_parla_oncle/ainsi_parla_oncle.html]. Nouvelle édition, 1954, Ainsi parla l’oncle suivi de Revisiter l’oncle, Montréal, Mémoire d’Encrier, 2009. Sur Jean Price-Mars voir : Île en île [https://ile-en-ile.org/price-mars/].
Renda Mary A., Taking Haiti: military occupation and the culture of U.S. imperialism, 1915-1940, Chapel Hill University of North Carolina Press, 2001.
Rodríguez Marcia, Haití, un pueblo rebelado, 1915-1981, México, Ediciones Macció, 1982. Le livre comporte um prologue de Juan Bosch, ex-président de la République dominicaine qui a subi deux occupations américaines (1916-1924 et 1965-1966).
Schmidt Hans, The United States occupation of Haiti, 1915-1934.New Brunswick, N.J., Rutgers University Press, 1971. Réédition 1995.
Séjourné Georges, La Constitution d’Haïti en face de la convocation à l’extraordinaire des Chambres législatives et de l’Accord américano-haïtien du 7 août 1933, Port-au-Prince, Imprimerie Nouvelle, 1933.
Shannon Magdaline W., Jean Price-Mars, the Haitian elite and the American occupation, 1915-1935, New York, St. Martin’s Press, 1996.
Soukar Michel (dir.), Cent ans de domination des Etats-Unis d’Amérique du Nord sur Haïti (1915-2015), Delmas, C3 Editions, 2015.
Spector Robert M., W. Cameron Forbes and the Hoover commissions to Haiti, 1930, Lanham, University Press of America, 1985.
Sylvain Georges, Dix années de lutte pour la liberté, 1915-1925, Port-au-Prince, H. Deschamps, s.d. [https://dloc.com/fr/AA00008908/00001]. Sur Georges Sylvain, voir : Ferolus Guy, « Georges Sylvain, écrivain engagé contre l'occupation américaine », Haïti Inter, La Fabrique littéraire, 3 avril 2020 [https://www.haitiinter.com/georges-sylvain-ecrivain-engage-contre-loccupation-americaine/].
Turnier Alain, 1. Les Etats-Unis et le marché haïtien, 2. Quand La Nation demande des comptes, 3. La société des baïonnettes : un regard nouveau, s.d., s.l., réédition, Port-au-Prince, 2017.
Vernet E. Louis., Tonton Georges et le fils de l'Oncle Sam, Port-au-Prince, Imp. V. Valcin, 1939. Le livre discute, entre autres, l’utilisation du créole pour l’instruction du peuple, voir à ce sujet Hoffmann Léon-François, Haïti : couleurs, croyances, créole, Montréal, Les Editions du CIDIHCA, 1989.
Vincent Sténio, Paroles d’un bâtonnier, Montréal, Éditions de l’Arbre, 1946.
Weinstein Brian, Segal Aaron, Haiti: Political Failures, Cultural Successes, Praeger Publishers, 1984.
Weston Rubin Francis, Racism in U.S. Imperialism: The Influence of Racial Assumptions on American Foreign Policy, 1893-1946, Columbia, S.C., University of South Carolina Press, 1972.
Plusieurs documents audiovisuels (podcasts audio et vidéo), accessibles pour la plupart sur YouTube, proposent des interviews et des images d’archives (photographies et extraits de films) qui permettent de développer les compétences d’analyse critique, une sélection parmi d’autres :
Ferolus Guy, Haïti, 1915 : les dessous de l’invasion américaine, Haïti Inter, Plein Midi, 24 octobre 2022 [https://www.haitiinter.com/haiti-1915-les-dessous-de-loccupation-americaine/].
Les cacos ces paysans résistants, Haïti Inter, 20 janvier 2021 [https://www.haitiinter.com/les-cacos-ces-paysans-resistants/]
Voltaire Frantz, Haïti 1900-1934, CIDIHCA, s.d.
Modalités d’évaluation :
Evaluation initiale (diagnostique) :
La séquence nécessite un minimum de connaissance sur l’histoire d’Haïti (voir les séquences sur la formation de l’État haïtien et la dette, téléchargeables sur Canopé), de la Caraïbe, des Amériques et du monde aux XIXe et XXe siècles. L’évaluation diagnostic peut se faire sur la base d’une chronologie de quelques dates choisies et commentées par les élèves (voir Annexe 11) ainsi que sur la base d’une carte de la situation des Amériques au début du XXe siècle (voir Annexe 2.1.) qui sera reprise dans la séance 1.
Evaluation finale (bilan) et critères/indicateurs de réussite :
En complément des (auto-)évaluations (voir les fiches d’autoévaluation dans le Guide du professeur, téléchargeables sur Canopé) et de l’évaluation des différents exercices proposés dans les séances (chronologie, carte, dossier de presse, notices biographiques, glossaire historique…), rédaction d’une synthèse problématisée de l’occupation américaine et de ses répercussions dans la situation contemporaine en Haïti.
Prolongements éventuels
La séquence nécessite une maîtrise de l’histoire de la dépendance obligée d’Haïti à l’étranger (emprunts, politique de la canonnière, concessions…). Il n’est donc pas inutile de revenir sur ces éléments abordés dans les séquences précédentes et de les approfondir, en proposant par petits groupes des recherches sur quelques points :
chronologie de la dette depuis 1825 et relation de la dette et du cours du café pour les paysans producteurs ;
réforme agraire ;
affaires Batsch en 1872 et Lüders en 1897.
Voir la trilogie d’Alain Turnier, 1. Les Etats-Unis et le marché haïtien, 2. Quand La Nation demande des comptes, 3. La société des baïonnettes : un regard nouveau, s.d., s.l., réédition, Port-au-Prince, 2017.
La séquence est une base pour étudier les impérialismes aux XXe et XXIe siècles :
cartes des colonies, des décolonisations et des guerres d’indépendance ainsi que des interventions néocoloniales des anciens colonisateurs et des États-Unis (en interdisciplinarité avec les cours de français, d’anglais et d’espagnol) ;
langues et phénomènes de naissance des langues créoles ;
mouvements de libération et mouvements tiersmondistes avec biographie des acteurs de ceux-ci ;
mouvements anti-raciaux avec biographie des acteurs de ceux-ci.
Les littératures haïtienne et américaine font de nombreuses références à la période de l’occupation américaine, romans, témoignages, récits d’occupation, etc. Dans une approche interdisciplinaire, notamment avec le français et le créole, proposer la lecture suivie ou l’analyse littéraire et historique d’extraits d’œuvres, en invitant les élèves à rechercher et à présenter en quelques lignes les événements et les personnages dont il est question dans ces œuvres. On pourra proposer par exemple, parmi de nombreux autres :
Alexis Stephen, Le Nègre masqué, Port-au-Prince, 1933 [http://classiques.uqac.ca/classiques/Alexis_Stephen/Negre_masque/Negre_masque.html].
Belin Biais Maggy, Rose-Mercie, Léchelle, Zellige, 2017.
Craige John Houston, Cannibal cousins, New York, Minton, Balch & Company, 1934.
Desroy Annie, Le Joug, Port-au-Prince, Imprimerie Modèle, James T. Benjamin & fils, 1934 [https://sites.duke.edu/haitilab/files/2010/11/Le-Joug.pdf].
Dohrman Richard, The cross of Baron Samedi, Boston, Houghton Mifflin, 1958.
Jean-Jacques Maurouard Elvire, Contes des îles savoureuses, suivi de :, Paris, Éditions des Écrivains, 2004. Voir dans L'hymne des héros L'Hymne des héros, Charlemagne Péralte et Benoît Batraville.
Laleau Léon, Le Choc, Chronique Haïtienne des années 1915 à 1918, Librairie la Presse [https://dloc.com/fr/AA00008920/00001/].
Métellus Jean, Les Cacos, Paris, Gallimard, 1989.
Pierre-Paul Antoine, La première protestation armée contre l’intervention américaine de 1915 et 260 jours dans le maquis, Port-au-Prince, Imprimerie Panorama, s.d.
Soukar Michel, La dernière nuit de Cincinnatus Leconte, Mémoire d´encrier, 2013 ; La prison des jours, Mémoire d´encrier, 2012. Sur l’analyse de ces ouvrages, voir Vargas Canales Margarita Aurora, « Bouleverser la non fiction : Haïti chez Michel Soukar », Cahiers d'études romanes, 38, 2019, Territoires de la non fiction, pp. 221-241 [https://journals.openedition.org/etudesromanes/9319].
- Sylvain Georges, Cric ? Crac ! Fables de La Fontaine racontées par un montagnard haïtien et transcrites en vers créoles, Paris, Ateliers Haïtiens, 1901 [https://dloc.com//UF00076576/00001]. Voir notamment : « Captainn ac Majò-Cabritt / Le Berger et la Mer », pp. 121-129. Sur Georges Sylvain, voir Ferolus Guy, « Georges Sylvain, écrivain engagé contre l'occupation américaine », Haïti Inter, La Fabrique littéraire, 3 avril 2020 [https://www.haitiinter.com/georges-sylvain-ecrivain-engage-contre-loccupation-americaine/]
Quelques figures et événements de la période de l’occupation américaine ont inspiré ou ont été utilisés par différents artistes, voir par exemple :
Sur Charlemagne Péralte et la mise en scène de son assassinat, voir Belizaire Assedius, « Mise en exposition du corps de Charlemagne Péralte. L’image révélée », 2018 [https://fr.linkedin.com/pulse/mise-en-exposition-du-corps-de-charlemagne-p%C3%A9ralte-belizaire-assedius] ainsi que :
Mangonès Albert, Piéta de Péralte, esquisse pour un monument, 1982, voir la reproduction dans Duvivier Max U., Trois études sur l'occupation américaine (1915-1934), Mémoire d'encrier, s.d., p. 5.
Obin Philomé, Crucifixion de Charlemagne Péralte pour la liberté, huile sur isorel, 49 x 39 cm, 1948 [https://haitianartsociety.org/philome-obin-crucifixion-de-charlemagne-peralte-pour-la-liberte-1948].
Intervention d’Ernest Pignon-Ernest en Haïti, voir l’exposition à la galerie Lelong, septembre-novembre 1921, Ernest Pignon-Ernest. Haïti, le secret cheminement du sang [https://www.galerie-lelong.com/fr/exposition/124/ernest-pignon-ernest-haiti-le-secret-cheminement-du-sang]. La reprise de la photographie de la « crucifixion de Charlemagne Péralte », analysée dans de nombreuses ressources, par Ernest Pignon-Ernest a donné lieu à de nombreux articles de journaux et de revues accessibles sur Internet.
Prophète Ernst, Recrucifixion de Charlemagne Péralte, in Enseigner l'Histoire d'Haïti. L’Occupation Américaine, Duke University [https://sites.duke.edu/histoirehaiti/20eme-siecle/loccupation-americaine/].
Valère Laurent, Charlemagne Péralte [https://www.laurentvalereartstudio.com/charlemagne-peralte-1].
Les cacos ces paysans résistants ! Haïti Inter, 20 janvier 2021 [https://www.haitiinter.com/les-cacos-ces-paysans-resistants/]
En interdisciplinarité avec la musique : Occide Jeanty dont l’œuvre « 1804 », écrite en commémoration du 100e anniversaire de l’Indépendance, fut adopté comme cri de ralliement contre les forces militaires américaines ; Nibo de Ludovic Lamothe, méringue écrite pour la compétition carnavalesque de 1934 célèbre la fin de l’occupation américaine ; les œuvres de Justin Elie. Voir Michael Largey, Musique et Résistance [http://islandluminous.fiu.edu/french/part08-slide15.html].
Différenciation et adaptation aux élèves à besoins éducatifs particuliers
L’utilisation de documents audio et audiovisuels et la part importante des propositions de travail oral permettent d’adapter facilement les contenus aux besoins de tous les élèves.
Mise au point pour l’enseignant
Dans le temps long de construction, de la reconnaissance et de l’action internationales de la nation et de l’État haïtien, l’occupation américaine constitue une rupture qui a des répercussions dans l’histoire d’Haïti jusqu’à nos jours. L’affirmation par les États-Unis d’un domaine américain réservé, justifié par la doctrine dite de Monroe, les conduit à la fin du XIXe et au début du XXe siècle à intervenir à leur profit dans les affaires et le pouvoir des colonies et des ex-colonies européennes, Cuba, Puerto-Rico, Panama et Colombie, République Dominicaine, Nicaragua, au Mexique…, à s’opposer aux autres impérialismes dans le cadre de la Première guerre mondiale.
En Haïti, au début du XXe siècle, l’État et la société vivent une quasi-faillite du fait de la dette d’indépendance imposée par la France et de la gestion des fonds publics (voir la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette » téléchargeable sur Canopé), des fluctuations du budget de l’État, des politiques d’emprunts et de concessions (voir par exemple la concession à la Haitian Exploration Cie en 1899 ou le contrat avec la Mac Donald Cie en 1910), de l’abandon de la paysannerie et des populations les plus pauvres par les élites qui gouvernent le pays, voir à ce sujet les ouvrages de Jean Price-Mars (La vocation de l’élite, Port-au-Prince, Imprimerie Chenet, 1919) et de Gérard Barthélémy (Le pays en dehors, Port-au-Prince, Deschamps, 1989). Sur le plan financier la National City Bank se substitue aux banques françaises dans la mainmise sur la dette et sur la banque nationale et plusieurs puissances se concurrencent pour prendre possession des douanes, principal revenu de l’État haïtien. L’instabilité politique est devenue chronique. Après la présidence de Pierre Nord-Alexis (1902-1908), chassé du pouvoir par son successeur, se succèdent à la présidence Antoine Simon (1908-1911), Cincinnatus Leconte (août 1911-août 1912), Tancrède Auguste (août 1912- mai 1913), Michel Oreste (mai 1913-janvier 1914), Oreste Zamor (février-novembre 1914), Dalvimar Théodore (novembre 1914-février 1915), Vilbrun Guillaume Sam (mars 1915-juillet 1915) dont l’assassinat offre le prétexte aux Américains pour débarquer en Haïti et l’occuper durant 19 ans (1915-1934). L’opposition et les réactions de divers secteurs de la société haïtienne et le repli des États-Unis lié à la crise et à une politique de repli entrainent la désoccupation du pays en 1934. Cet évènement majeur dans l’histoire nationale aura de graves conséquences d’ordre politique, économique, social, moral et culturel dont le pays vit encore aujourd’hui les séquelles.
Séance 1. Le contexte externe et interne ou les préludes à l’occupation⚓
Supports et matériel
Cette séance, comme les suivantes, utilise largement les textes des constitutions d’Haïti publiées dans Louis-Joseph Janvier, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica] et sur le site de la Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm], ainsi que les lois et règlements de la République d’Haïti publiés par année dans le Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices à la page Haïti [https://www.archontology.org/nations/haiti/01_sources.php]. Le professeur guidera les élèves dans l’utilisation de ce site et des sites semblables.
De nombreux sites éducatifs proposent des ressources pour élèves et enseignants, ils nécessitent cependant pour leur utilisation en classe une analyse critique systématique des producteurs et diffuseurs de ces sites et de leur source. Parmi de nombreux autres, à soumettre à la réalisation d’une fiche critique du site par les élèves, « Diplomatie de la canonnière : la politique du « gros bâton » de Teddy Roosevelt », Greelane [https://www.greelane.com/fr/sciences-humaines/probl%C3%A8mes/gunboat-diplomacy-4774988/], présente, avec la caricature de William Allen Rogers, « The Big Stick in the Caribbean Sea » publiée dans Harper’s Weekly en 1904 (Annexe 2.1.), un résumé de la « diplomatie de la canonnière » et quelques orientations bibliographiques.
Carte à compléter des interventions américaines à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, SciencesPo Bibliothèque numérique [https://bibnum.sciencespo.fr/] (Annexe 2.2.).
Extraits de constitutions haïtiennes, Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm] (Annexe 3).
Ferolus Guy, Haïti, 1915 : les dessous de l’invasion américaine, Haïti Inter, Plein Midi, 24 octobre 2022 [https://www.haitiinter.com/haiti-1915-les-dessous-de-loccupation-americaine/ ; disponible aussi sur YouTube].
Brzezinski Zbigniew, Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde, Paris, Bayard, 1997.
Bickel Keith B., Mars learning: the Marine Corps development of small wars doctrine, 1915-1940, Boulder, Colo., Westview Press, 2001.
Blancpain François, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999.
Blancpain François, Louis Borno, président d’Haïti, CIDIHCA, Éditions indépendantes, 1998.
Castor Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html].
Duvivier Max U., « La mission de Paul Fuller Jr en Haïti (17 mai-5 juin 1915) », Revue de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie, 62e année, vol. 45, n° 155, juin 1987, repris in Trois études sur l'occupation américaine (1915-1934), Mémoire d'encrier.
Fujimoto Masaru, « Black Ships of 'shock and awe' »,The Japanese Times, 1er juin 2003 [https://www.japantimes.co.jp/community/2003/06/01/general/black-ships-of-shock-and-awe/].
Gaillard Roger, Les Blancs debarquent, Port-au-Prince, Le Natal, 1974.
Healy David, Gunboat diplomacy in the Wilson era: the U.S. Navy in Haiti, 1915-1916, Madison, University of Wisconsin Press, 1976.
Journal of Haitian Studies, Vol. 21, No. 2, Special Issue on the US Occupation of Haiti, 1915–1934, Santa Barbara, University of California, 2015, [https://www.jstor.org/stable/i40150921].
Marvin George, "Assassination And Intervention in Haiti: Why The United States Government Landed Marines On The Island And Why It Keeps Them There". The World's Work: A History of Our Time, February 1916, XXXI, pp. 404-410.
McCoy, Alfred W. "Une nouvelle ère de diplomatie de la canonnière - et une nouvelle zone de conflit." Salon, 16 avril 2018, https://www.salon.com/2018/04/16/gunboat-diplomacy-and-the-ghost-of-captain-mahan_partner/ .
McKinley, Mike. "Croisière de la Grande Flotte Blanche." Naval History and Heritage Command , US Navy, https://www.history.navy.mil/research/library/online-reading-room/title-list-alphabetically/c/cruise-great-white-fleet-mckinley.html].
Millspaugh Arthur Chester, Haiti under American control, Boston, Mass., 1915-1930, World Peace Foundation, 1931. Réédition Westport, CT, Negro Universities Press, 1970.
Narcisse Berhmann D., Les préludes au débarquement : Haïti, 1915, Montréal, CIDIHCA, 1991.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 Initiation à la recherche et à l’utilisation de documents juridiques en préparation à la séance 6 | 5 min | Guider les élèves dans la navigation et l’utilisation des sites sur les lois et règlements de la République d’Haïti, avec une recherche d’occurrence simple sur l’éducation en préparation de la séance 6 (voir notamment les années 1924 et 1929). | S’initier à l’utilisation des sites sur les lois et règlements de la République d’Haïti. Mener en préparation de la séance 6 une recherche des occurrences de l’éducation dans les lois et règlements de la République d’Haïti (années 1924 et 1929). |
Temps 2 L’occupation américaine, une chronologie ? | 20 min | Si possible, projeter le film de Guy Ferolus avec comme consigne aux élèves de prendre des notes qui seront réutilisées par la suite et d’en faire un bref résumé écrit. | Regarder le film en prenant des notes, puis rédiger un bref résumé. |
Temps 3 Une souveraineté menacée (1) | Variable selon qu’il y a eu recherche préalable au cours ou non | La classe divisée en 6 groupes, chacun disposant de documents différents ou les ayant recherchés au préalable ainsi que d’une question à traiter :
Demander à chaque groupe de désigner un rapporteur. | Chaque groupe répond à la question en utilisant les documents :
|
Temps 4 Une souveraineté menacée (2) | 15 à 20 min | Réunir les rapporteurs en table-ronde. Désigner un modérateur pour les temps de parole. Les rapporteurs disposent de 3 minutes pour présenter la question et la réponse apportée par le groupe, puis d’une dizaine de minutes pour débattre ensemble sur le contexte intérieur et extérieur en 1915. Puis, selon le temps disponible répondre aux questions des autres élèves. | Les rapporteurs réunis en table-ronde présentent la question et la réponse apportée par le groupe en 3 minutes maximum. Ils disposent ensuite d’une dizaine de minutes pour débattre ensemble sur le contexte intérieur et extérieur en 1915 et, selon le temps disponible pour répondre aux questions des autres élèves. Les autres élèves prennent des notes sur la table-ronde. |
Temps 5 Le contexte intérieur et extérieur au début du XXe siècle | 10 à 15 min | Guider chaque groupe dans la rédaction d’un résumé sur le contexte intérieur et extérieur au début du XXe siècle. | À partir des notes prises pendant le film et pendant la table-ronde, chaque groupe rédige un résumé sur le contexte intérieur et extérieur au début du XXe siècle et complète la chronologie, les cartes des interventions américaines (Annexe 2) et des puissances belligérantes de la Première Guerre mondiale. |
Temps 6 Un dictionnaire biographique historique (suite) | Variable | Guider la poursuite du glossaire et du dictionnaire biographique à partir du relevé des noms de tous les acteurs apparus dans les quatre temps précédents. L’habitude étant acquise, ce travail peut être réalisé par une recherche individuelle ou de groupe en dehors du cours. | Poursuivre le glossaire et le dictionnaire biographique. |
Production attendue
Prise de note et rédaction d’un résumé.
Réalisation de la carte des interventions américaines et de la chronologie des débuts du XXe siècle.
Poursuite du glossaire et des biographies.
Trace écrite pour l’élève
Résumé rédigé par l’élève et repris collectivement.
Carte des interventions américaines et chronologie.
Glossaire et biographies.
Évaluation et régulation
Carte et résumé.
Éléments de remédiation
Reprise des éléments précédents à partir de l’analyse d’une ou de plusieurs séquences du film de Guy Ferolus ou de celui de Frantz Voltaire, Haïti 1900-1934.
Séance 2. La mise sous tutelle de l’État haïtien ?⚓
Supports et matériel
Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm]. Voir « Message adressé par le président Monroe au Congrès des États-Unis (2 décembre 1823) », Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/textes/monroe02121823.htm], Annexe 1.
Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices [https://www.archontology.org/nations/haiti/01_sources.php].
Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe : Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907, Section III, Articles 42 à 56 [https://ihl-databases.icrc.org/fr/ihl-treaties/hague-conv-iv-1907]. Voir aussi Union académique internationale, Dictionnaire de la terminologie du droit international, préface Jules Basdevant, Paris, Sirey, 1960.
Convention de 1915 entre Haïti et les États-Unis [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht1915.htm].(Annexe 4).
Déclaration de Raymond Cabèche, député de Gonaïves, le 6 octobre 1915 à la Chambre des députés, cité in Bellegarde Dantès, La résistance haïtienne (L’occupation américaine d’Haïti). Récit d'histoire contemporaine, Montréal, Editions Beauchemin, 1937 [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/resistance_haitienne/resistance_haitienne.html]. (Annexe 5).
Blancpain François, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999.
Blancpain François, Louis Borno, président d’Haïti, CIDIHCA, Éditions indépendantes, 1998.
Castor Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html].
Danache Berthoumieux, Le président Dartiguenave et les Américains, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1950. Réédition Éditions Fardin, 2003.
Duvivier Max U., « L’occupation américaine en Haïti et la Convention haïtiano-américaine du 16 septembre 1915 », Revue de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie, 62e année, vol. 45, n° 156-157, septembre-décembre 1987 repris in Trois études sur l'occupation américaine (1915-1934), Mémoire d'encrier.
Gaillard Roger, Les Blancs débarquent, Port-au-Prince, Le Natal, 1974. Tome II, Les Cent Jours de Rosalvo Bobo ou une mise à mort politique, 1974.
Healy David, Gunboat diplomacy in the Wilson era: the U.S. Navy in Haiti, 1915-1916, Madison, University of Wisconsin Press, 1976.
Journal of Haitian Studies, Vol. 21, No. 2, Special Issue on the US Occupation of Haiti, 1915–1934, Santa Barbara, University of California, 2015, [https://www.jstor.org/stable/i40150921].
Marvin George, "Assassination And Intervention in Haiti : Why The United States Government Landed Marines On The Island And Why It Keeps Them There". The World's Work: A History of Our Time, February 1916, XXXI, pp. 404-410.
Millspaugh Arthur Chester, Haiti under American control, Boston, Mass., 1915-1930, World Peace Foundation, 1931. Réédition Westport, CT, Negro Universities Press, 1970.
Morpeau Moravia, L’inconstitutionnalité de la Convention américano-haïtienne discours prononcé à la séance du Sénat du 11 novembre 1915, Port-au-Prince, Imprimerie Centrale, 1929.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 La doctrine Monroe, une justification de l’impérialisme américain | 10 min | Guider la lecture orale collective de l’extrait du message du président James Monroe au Congrès des États-Unis le 2 décembre 1823, puis guider l’analyse de la caricature de William Allen Rogers et la poursuite de la chronologie. | Lire l’extrait du message du président James Monroe au Congrès des États-Unis le 2 décembre 1823 et relever tous les termes qui évoquent la politique des États-Unis sur le continent américain. Participer à l’analyse orale de la caricature et compléter la chronologie (voir séance précédente) avec les différentes interventions des Etats-Unis en Amérique latine. En une phrase ou deux, rédiger une définition de ce qu’on appelle « la doctrine Monroe » et de sa mise en œuvre par Theodore Roosevelt. |
Temps 2 L’attaque du palais présidentiel et le débarquement des troupes américaines (juillet 1915) | 5 min | Projeter de nouveau quelques extraits du film de Guy Ferolus et analyser collectivement les images d’archives du débarquement des troupes américaines. | Participer à l’analyse collective des images d’archives. |
Temps 3 La convention de 1915, fondement et base légale de l’occupation américaine | 15 à 20 min | Soit collectivement, soit en distribuant des articles différents à des petits groupes, faire relever ou surligner tous les termes et expressions qui précisent ou relèvent de :
| Relever ou surligner dans les articles de la convention les termes et expressions qui précisent ou relèvent de :
|
Temps 4 L’occupation, une notion du droit coutumier des rapports internationaux | 10 à 15 min | Guider les élèves dans la rédaction d’une définition de l’occupation qui pourra ensuite être comparée avec les extraits de la Convention de La Haye de 1907. | Rédiger une définition de la notion d’occupation. |
Temps 5 La perte de la souveraineté nationale | 5 à 10 min | Proposer une discussion collective de la déclaration de Raymond Cabèche (dernier paragraphe de l’annexe 5 et notamment du passage : « Par cette convention nous décrétons pour le peuple haïtien la servitude morale en place de l'esclavage physique qu'on n'ose plus aujourd'hui rétablir. Elle compromet les droits de la nation. »), député de Gonaïves. | Participer, en argumentant, à la discussion collective. |
Temps 6 Un dictionnaire biographique historique (suite) | Variable, à réaliser par une recherche hors du cours | Guider la poursuite du glossaire et du dictionnaire biographique à partir du relevé des noms des acteurs (Pauleus Sannon, Philippe Sudre Dartiguenave, Louis Borno…). L’habitude étant acquise, ce travail peut être réalisé par une recherche individuelle ou de groupe en dehors du cours. | Poursuivre le glossaire et le dictionnaire biographique. |
Production attendue
Définition écrite de « la doctrine Monroe » et de la notion d’occupation.
Poursuite du glossaire et des biographies.
Trace écrite pour l’élève
Définitions.
Chronologie.
Glossaire et biographies.
Évaluation et régulation
Définitions, chronologie, glossaire et biographies.
Éléments de remédiation
Reprise de l’analyse collective de la déclaration de Raymond Cabèche et de son contexte historique.
Séance 3. L’occupation et le processus d’institutionnalisation⚓
Supports et matériel
Dossier « Ransom », en anglais, créole et français du New York Times publié en mai-juin 2022 [https://www.nytimes.com/fr/2022/05/20/world/haiti-france-dette-reparations.html], notamment « Envahissez Haïti, exhorte Wall Street. Les États-Unis s’exécutent » [https://www.nytimes.com/fr/2022/05/20/world/haiti-etats-unis-occupation.html]. Voir la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette » (téléchargeable sur Canopé).
Bauduy Jennifer, “The 1915 U.S. Invasion of Haiti: Examining a Treaty of Occupation“, Social Education, 79(5), National Council for the Social Studies, 2015, pp. 244-249 [https://www.socialstudies.org/sites/default/files/USInvadesHaiti.pdf].
Blancpain François, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999.
Blancpain François, Louis Borno, président d’Haïti, CIDIHCA, Éditions indépendantes, 1998.
Castor Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html]. Thèse de doctorat soutenue à l’université nationale autonome du Mexique, Occupación norteamericana de Haití y sus consecuencias (1915-1934).
Danache Berthoumieux, Le président Dartiguenave et les Américains, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1950. Réédition Éditions Fardin, 2003.
Duvivier Max U., Trois études sur l'occupation américaine (1915-1934), Mémoire d'encrier.
Farmer Paul, The Uses of Haiti, Common Courage Press, 1994.
Gaillard Roger, Les Blancs debarquent, Port-au-Prince, Le Natal, 1974. Tome II, Les Cent Jours de Rosalvo Bobo ou une mise à mort politique, 1974 ; T. III. Premier écrasement du cacoïsme, 1981 ; T. IV. La république autoritaire, 1981 ; T. V. Hinche mise en croix, 1982 ; T. VI. Charlemagne Péralte le Caco, 1982 ; T. VII. La Guérilla de Batraville, 1983.
Journal of Haitian Studies, Vol. 21, No. 2, Special Issue on the US Occupation of Haiti, 1915–1934, Santa Barbara, University of California, 2015, [https://www.jstor.org/stable/i40150921].
Millspaugh Arthur Chester, Haiti under American control, Boston, Mass., 1915-1930, World Peace Foundation, 1931. Réédition Westport, CT, Negro Universities Press, 1970.
Morpeau Moravia, L’inconstitutionnalité de la Convention américano-haïtienne discours prononcé à la séance du Sénat du 11 novembre 1915, Port-au-Prince, Imprimerie Centrale, 1929.
Turnier Alain, 1. Les Etats-Unis et le marché haïtien, 2. Quand La Nation demande des comptes, 3. La société des baïonnettes : un regard nouveau, s.d., s.l., réédition, Port-au-Prince, 2017.
Voltaire Frantz, Haïti 1900-1934, CIDIHCA, s.d.
Journal of Haitian Studies, Vol. 21, No. 2, Special Issue on the US Occupation of Haiti, 1915–1934, Santa Barbara, University of California, 2015, [https://www.jstor.org/stable/i40150921]. Voir entre autres: Bellegarde-Smith Patrick, Dupuy Alex, Fatton Robert Jr., Renda Mary, St. Jacques Ermitte, Sommers Jeffrey, “Haiti and Its Occupation by the United States in 1915: Antecedents and Outcomes“, pp. 10-43.
François Jeannot, « Les conséquences de l'occupation américaine de 1915 », Le Nouvelliste, 28 juillet 2020 [https://lenouvelliste.com/public/article/219062/les-consequences-de-loccupation-americaine-de-1915] (Annexe 7).
Schmidt Hans, The United States Occupation of Haiti, 1915-1934, New Jersey, Rutgers University Press, 1995.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 Une façade légale : l’appareil bureaucratique de l’occupation | 15 à 20 min | Faire relever dans la convention de 1915 le titre, le rôle et les fonctions des principaux responsables politiques et financiers et leur mode de nomination : receveur général, conseiller financier, fonctionnaires, officier supérieur chargé de l’organisation de la gendarmerie, ingénieurs. Lire collectivement l’article XI (voir séance 1, temps 2). À partir de tous ces éléments, faire compléter la définition de l’occupation (séance 2 temps 4) en guidant la réflexion des élèves sur la place et le rôle des dirigeants et des fonctionnaires haïtiens. | Relever dans le traité de 1915 le titre, le rôle et les fonctions des principaux responsables politiques et financiers et leur mode de nomination. Participer à la réflexion collective sur la place et le rôle des dirigeants et des fonctionnaires haïtiens. |
Temps 2 L’institutionnalisation de la dépendance, la Constitution de 1918 | 10 à 15 min | Proposer à des petits groupes différents extraits de la Constitution du 19 juin 1918, notamment les articles 4, 5, 6, 16 à 22, 28, 29, 74, 75 et 118. | Lire les extraits et répondre par écrit à la question : est-ce que ces extraits correspondent à la convention de 1915, comment et pourquoi ? |
Temps 3 L’institution militaire, pilier de l’occupation | 10 à 15 min | Faire rechercher dans la convention de 1915 le terme « armée » et dans la Constitution de 1918 (articles 75 et 118) et en faire déduire le sort de l’armée haïtienne (voir aussi l’Annexe 9). En accompagnant ou non la lecture orale collective de l’article 10 de la convention de 1915 et de l’article 118 de la Constitution du 19 juin 1918 par la projection des séquences du film de Guy Ferolus où apparaissent les militaires américains, des photographies ou des pages de journaux d’époque collectées sur Internet, relever dans l’article ainsi que dans les noms des dirigeants et fonctionnaires nommés en 1915, la place et le rôle de l’armée américaine. En guider une analyse collective. | Rechercher le mot « armée » dans la convention de 1915 et dans la Constitution de 1918. Expliquer ce que cela signifie pour l’armée haïtienne. Relever et analyser la place et le rôle de l’armée américaine. |
Temps 4 La gendarmerie urbaine et rurale, un outil du contrôle des populations | 10 à 15 min | Reprendre la lecture collective ou individuelle de l’article 10 et en faire relever ou surligner de couleur différente les principaux termes pour en faire une analyse lexicale :
À partir des éléments relevés ou surlignés, guider l’analyse orale collective du rôle de cette gendarmerie dans le contrôle de la population haïtienne et plus particulièrement de la population rurale. | Après avoir relu l’article 10, relever ou surligner de couleur différente :
En s’appuyant sur les éléments relevés ou surlignés, participer à l’analyse collective en précisant les arguments pour interpréter le rôle de cette gendarmerie et son contrôle. |
Temps 5 La gendarmerie et la corvée (voir aussi le temps 3 de la séance 4) | 10 à 15 min | Guider l’analyse en petits groupes de l’institution de la corvée et de ses effets dans la population haïtienne (Annexes 15). | À partir de l’analyse des documents, répondre par écrit aux deux questions :
|
Temps 6 La question de l’enseignement (voir aussi le temps 4 de la séance 4) | 10 à 15 min | Guider au préalable la recherche des lois et règlements sur l’éducation pendant la période de l’occupation américaine (voir séance 1), puis la comparaison d’extraits de la lettre (Annexe 17) de John H. Russel, Haut Commissaire américain, avec les règlements et programmes de l’éducation. Guider la réflexion collective sur les limites de la collaboration à partir de l’exemple de l’éducation. | Avant la séance, rechercher ce qui concerne l’éducation dans la Convention de 1915, puis dans les lois et règlements de la République d’Haïti (notamment les années 1924 et 1929) voir séance 1). Participer à la comparaison collective orale avec les exigences du Haut Commissaire américain en 1922. |
Production attendue
Définition de l'occupation appuyée sur la lecture de la convention et prise d'informations pour une analyse orale collective.
Trace écrite pour l’élève
Extraits de la convention de 1915 avec éléments d’analyse.
Évaluation et régulation
Participation argumentée à l’analyse orale collective.
Éléments de remédiation
Reprise orale collective de l’analyse du document.
Séance 4. Les résistances à l’occupation⚓
Supports et matériel
Acacia Michel, « Autour de Jacques Roumain : Louis Borno et les nationalistes », Le Nouvelliste, 29 octobre 2007 [https://lenouvelliste.com/article/49952/autour-de-jacques-roumain-louis-borno-et-les-nationalistes].
Bellegarde Dantès Louis, La résistance haïtienne (L’occupation américaine d’Haïti). Récit d'histoire contemporaine, Montréal, Éditions Beauchemin, 1937, accessible dans Les classiques des sciences sociales [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/resistance_haitienne/resistance_haitienne.html]. Sur Dantès Bellarde voir : Île en île [https://ile-en-ile.org/bellegarde/].
Castor Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html].
Gaillard Roger, Les Blancs debarquent, Port-au-Prince, Le Natal, 1974. Tome II, Les Cent Jours de Rosalvo Bobo ou une mise à mort politique, 1974 ; T. III. Premier écrasement du cacoïsme, 1981 ; T. IV. La république autoritaire, 1981 ; T. V. Hinche mise en croix, 1982 ; T. VI. Charlemagne Péralte le Caco, 1982 ; T. VII. La Guérilla de Batraville, 1983.
Georges Jacques-Raphaël, Cacoïsme littéraire. La fonction du personnage américain dans le roman haïtien à partir de 1915, Peter Lang, 2004.
Journal of Haitian Studies, Vol. 21, No. 2, Special Issue on the US Occupation of Haiti, 1915–1934, Santa Barbara, University of California, 2015, [https://www.jstor.org/stable/i40150921]. Voir entre autres le chapiter Resistance : Marxsen Patti M., “Listen to My Clamor: Jacques Roumain's "Call to Arms", pp. 228-240 ; Roberts Shearon, “Then and Now: Haitian Journalism as Resistance to US Occupation and US-Led Reconstruction”, pp. 241-268 ; Alexis Yveline, “Mwen Pas Connait as Resistance: Haitians' Silence against a Violent State”, pp. 269-288.
Mathon Alix, La relève de Charlemagne : les cacos de la plume : chronique romancée, Port-au-Prince, Éditions Fardin, 1984.
Métellus Jean, Les Cacos, Paris, Gallimard, 1989. Voir le site de l’Association des Amis de Jean Métellus [http://www.jeanmetellus.com/] ainsi que « Les Cacos » de Jean Métellus. Portrait de révolutionnaires haïtiens, Cases rebelles [https://www.cases-rebelles.org/les_cacos/], Épisode n°17, Toutes sortes de révoltes, octobre 2011 [https://www.cases-rebelles.org/emission-n17-octobre-2011/]. Salien Jean-Marie, « L'histoire et le mythe dans "Les Cacos" de Jean Métellus », Journal of Haitian Studies, Vol. 7, No. 1, 2001, Santa Barbara, University of California, pp. 78-89 [https://www.jstor.org/stable/41715083].
Michel Georges, Charlemagne Péralte, Port-au-Prince, 1989. Voir aussi Debout les morts, Port-au-Prince, 1998.
Millet Kethly, Les Paysans haïtiens et l'occupation américaine d'Haïti : 1915-1930, La Salle (Québec), Collectif paroles, 1978.
Nicholls David, « Idéologie et mouvements politiques en Haïti, 1915-1946 », Annales Économies Sociétés Civilisations, 1975, 30-4, pp. 654-679 [https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1975_num_30_4_293637].
Pamphile Léon Dénius, L’éducation en Haïti sous l’occupation américaine : 1915-1934, Port-au-Prince, Imprimerie des Antilles, 1988. Voir aussi Clash of cultures: America’s educational strategies in occupied Haiti, 1915-1934, Lanham, University Press of America, 2008.
Pierre-Paul Antoine, La première protestation armée contre l’intervention américaine de 1915 et 260 jours dans le maquis, Port-au-Prince, Imprimerie Panorama, s.d.
Price-Mars Jean, Ainsi parla l’oncle. Essais d’ethnographie, New York, Parapsychology Foundation Inc., 1928. [http://classiques.uqac.ca/classiques/price_mars_jean/ainsi_parla_oncle/ainsi_parla_oncle.html]. Nouvelle édition, 1954, Ainsi parla l’oncle suivi de Revisiter l’oncle, Montréal, Mémoire d’Encrier, 2009. Sur Jean Price-Mars voir : Île en île [https://ile-en-ile.org/price-mars/]. Voir l’Annexe 8.
Sylvain Georges, Dix années de lutte pour la liberté, 1915-1925, Port-au-Prince, H. Deschamps, s.d. [https://dloc.com/fr/AA00008908/00001]. Voir l’Annexe 9.
Turnier Alain, 1. Les Etats-Unis et le marché haïtien, 2. Quand La Nation demande des comptes, 3. La société des baïonnettes : un regard nouveau, s.d., s.l., réédition, Port-au-Prince, 2017.
Vernet E. Louis., Tonton Georges et le fils de l'Oncle Sam, Port-au-Prince, Imp. V. Valcin, 1939. Le livre discute, entre autres, l’utilisation du créole pour l’instruction du peuple, voir à ce sujet Hoffmann Léon-François, Haïti : couleurs, croyances, créole, Montréal, Les Editions du CIDIHCA, 1989.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 La résistance des intellectuels | 10 à 15 min | Proposer à la classe répartie en petits groupes des extraits de Jean Price-Mars et Georges Sylvain (et éventuellement d’autres intellectuels haïtiens) et guider les élèves dans la recherche des arguments développés par les intellectuels haïtiens contre l’occupation américaine et dans la rédaction d’une courte synthèse écrite. | Lire les extraits et présenter en un texte court les arguments développés par les intellectuels haïtiens contre l’occupation américaine. |
Temps 1 bis La résistance des intellectuels (suite éventuelle) | Variable | Proposer aux élèves de mener une recherche sur les journaux et revues haïtiennes luttant contre l’occupation américaine : La Patrie (Georges Sylvain, Edmond Laforest, Marcelin Jocelyn…), Haïti Intégrale (Elie Guérin, Félix Viard), La Ligue (Chrysostome Rosemond, Furcy Châtelain, Constantin Dumervé), La Nouvelle Ronde, La Trouée, La Revue Indigène (Émile Roumer, Normil Sylvain, Jacques Roumain, Antonio Vieux, Philippe Thoby-Marcelin, Daniel Heurtelou, Carl Brouard), Le Petit Impartial, Le Courrier Haïtien (Joseph Jolibois), Stella… et la réalisation d’une fiche d’identité sur ces journaux et revues. | Mener une recherche sur les revues et journaux patriotes du temps de l’occupation américaine et rédiger une fiche pour les présenter :
|
Temps 1 ter La résistance des intellectuels, les lois sur la presse (suite éventuelle) en lien avec l’éducation à la citoyenneté | Variable | En lien avec la lecture et l’analyse de journaux contemporains sur les débats concernant la nécessité ou non d’une loi sur la presse, guider la lecture collective et orale, l’analyse et la comparaison des articles de la Constitution du 18 juin 1918 et des amendements apportés par le plébiscite des 10 et 11 janvier 1928. Proposer aux élèves de mener une recherche sur les différentes lois sur la presse prise lors des mandats du président Louis Borno : 15 décembre 1922, 23 janvier 1924, 18 juin 1924, 4 août 1924, 2 août 1926, 18 janvier 1929 (voir aussi les « Prolongements éventuels »). | Lire, analyser et comparer les articles de la Constitution de 1918 et des amendements de 1928. Compléter le glossaire historique. |
Temps 2 La résistance armée | 15 à 20 min et variable | Selon les possibilités, proposer aux élèves de mener une recherche ou leur donner quelques extraits de manuels et d’ouvrages d’historiens pour :
| À partir de la lecture des extraits de textes, réaliser une chronologie et une carte de la lutte armée contre l’occupation. Relever les noms des principaux acteurs (cacos et américains) et réaliser des fiches biographiques. |
Temps 3 La résistance des étudiants, des femmes et des paysans (1) | 20 à 30 min avec une recherche préalable | En petits groupes avec chacun un sujet différent, guider des recherches à partir de récits d’historiens (voir les supports) sur :
| À partir des extraits fournis par le professeur, établir une chronologie des résistances et de la répression et une courte synthèse des faits. |
Temps 4 La résistance des étudiants, des femmes et des paysans (2) | 10 à 15 min | Guider la présentation orale des chronologies et des synthèses pour établir une chronologie générale. | Présenter oralement la chronologie et la synthèse. |
Production attendue
Résumé de textes, fiche de présentation critique de documents, synthèse.
Chronologie, glossaire, fiches biographiques.
Trace écrite pour l’élève
Résumé de textes, fiche de présentation critique de documents, synthèse.
Chronologie, glossaire, fiches biographiques.
Évaluation et régulation
(Auto-)évaluation d’un résumé de textes à partir d’une présentation collective. Pour l’autoévaluation, voir la grille sur le Guide du professeur (téléchargeable sur Canopé).
(Auto-)évaluation d’une fiche de présentation critique de documents et d’une synthèse.
(Auto-)évaluation de la chronologie, du glossaire et des fiches biographiques à partir de la reprise collective.
Éléments de remédiation
Analyse orale collective de la chronologie appuyée sur les documents.
Séance 5. La collaboration avec l’occupant, des relations complexes et changeantes⚓
Supports et matériel
La lecture des journaux d’époque constitue le meilleur moyen pour appréhender les rapports complexes avec l’occupant, par exemple les journaux Le Matin, La Presse de Placide David, La Plume 1914-1915 et Le Temps (1922 à 1938) de Charles Moravia (Annexes 12), Le Petit Impartial de Georges J. Petit. Sur d’autres aspects de Charles Moravia, voir Guy Ferolus, « Charles Moravia, le dramaturge de la Crête-à-Pierrot », Haïti Inter, Fabrique littéraire, 19 juin 2021 [https://www.haitiinter.com/charles-moravia-le-dramaturge-de-la-crete-a-pierrot/]. Sur la presse haïtienne, voir Desquiron Jean, Haïti à la une. Une anthologie de la presse haïtienne de 1724 à 1934, Volume 4, 1915-1921, 1995 ; plusieurs périodiques sont accessibles sur le site de la Bibliothèque numérique des Caraïbes [https://dloc.com/fr/] ; Haitian Periodicals in the Saint Louis de Gonzague Collection [https://www.crl.edu/sites/default/files/d6/attachments/pages/Haitian%20periodicals.pdf].
Les manifestations marquant le centenaire de l’occupation américaine ont donné lieu à de nombreux débats. Les articles publiés dans ce contexte offrent à la fois un retour sur l’histoire, un argumentaire et des prises de position comparant la situation en 1915 et la situation actuelle. Pour développer et approfondir les compétences dans la lecture critique de la presse, le professeur pourra retenir, en complément des articles signalés dans les supports généraux, les articles suivants :
Péan Leslie, « Les responsabilités haïtiennes dans les occupations américaines », Alai (Agencia Latinoamericana de Información), (1/2) 6 août 2015 [https://www.alai.info/171591-2/], (2/2) AlterPresse, 5 août 2015 [https://www.alterpresse.org/spip.php?article18625].
Cadet Rubens, « L'Eglise et l'Occupation américaine. Essai d'explication des sentiments du clergé catholique français vis-à-vis de la tutelle », Le Nouvelliste, 18avril 2005 [https://lenouvelliste.com/article/15324/leglise-et-loccupation-americaine].
Castor Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html].
Clorméus Lewis Ampidu, « Des Leaders protestants haïtiens dans la vague anticléricale et nationaliste (1927-1929) », Journal of Haitian Studies, Vol. 21, N° 2, Special Issue on the US Occupation of Haiti, 1915–1934, University of California, Santa Barbara, 2015, pp. 88-120 [https://www.jstor.org/stable/43741123].
Corten, André. « Pentecôtisme, baptisme et système politique en Haïti », Histoire, monde et cultures religieuses, vol. 29, no. 1, 2014, pp. 119-132. [https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2014-1-page-119.htm].
Hurbon Laënnec, Religion et lien social. L'Église et l'État moderne en Haïti, Paris, Cerf, 2004. Voir le chapitre VIII « De l'occupation américaine (1915-1934) à la dictature de Duvalier (1957) ».
Pamphile Léon Dénius, La croix et le glaive : l’Eglise catholique et l’occupation américaine d’Haïti 1914-1934, Port-au-Prince, Editions des Antilles S.A., 1991.
Pamphile Léon Dénius, L’éducation en Haïti sous l’occupation américaine : 1915-1934, Port-au-Prince, Imprimerie des Antilles, 1988. Voir aussi Clash of cultures: America’s educational strategies in occupied Haiti, 1915-1934, Lanham, University Press of America, 2008.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 5. « L’occupation américaine comme conséquence de l’effondrement de l’État haïtien (1915-1934) », pp. 157-184 [https://books.openedition.org/pum/15184?lang=fr].
Séjourné Georges, La Constitution d’Haïti en face de la convocation à l’extraordinaire des Chambres législatives et de l’Accord américano-haïtien du 7 août 1933, Port-au-Prince, Imprimerie Nouvelle, 1933.
Shannon Magdaline W., Jean Price-Mars, the Haitian elite and the American occupation, 1915-1935, New York, St. Martin’s Press, 1996.
Spector Robert M., W. Cameron Forbes and the Hoover commissions to Haiti, 1930, Lanham, University Press of America, 1985.
Vincent Sténo, Paroles d’un bâtonnier, Montréal, Éditions de l’Arbre, 1946.
Weinstein Brian, Segal Aaron, Haiti: Political Failures, Cultural Successes, Praeger Publishers, 1984.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 Collaboration et revirement chez les intellectuels (1) : l’exemple de Charles Moravia | 15 à 20 min | Proposer aux élèves, en deux temps, l’analyse d’extraits des journaux : Charles Moravia, La Plume (1915) et Le Temps (1926) ainsi qu’une recherche sur la carrière de Charles Moravia (Annexes 12). | Mener une recherche pour rédiger des fiches informatives e présentation sur les journaux Le Matin, La Plume, Le Temps (voir aussi le temps 2) : date de création et de publications, fondateur(s), principaux collaborateurs, prises de position par rapport à l’occupation américaine accompagnée En rédiger une présentation rapide accompagnée d’une citation précisément référencée. Lire l’extrait de La Plume (1915), relever les arguments de Charles Moravia pour soutenir l’occupation américaine. Lire l’extrait du Temps (1926), procéder de même. Mener une recherche sur la carrière de Charles Moravia. |
Temps 1 bis Collaboration et revirement chez les intellectuels (2) facultatif | Variable (facultatif) | Si c’est possible, proposer aux élèves de poursuivre la recherche sur les journaux (par exemple Le Matin, et les intellectuels (par exemple Marcel Gouraige, Louis Dorsainvil, Elie Janvier, Justin Elie, Clément Magloire, Louis Callard, Nerva Gousse, Joseph Adam, Alexandre Villejoint, Charles Fombrun, Emile Saint-Clair, Georges Léon, Victor Thomas) qui ont soutenu, au moins dans ses débuts, l’intervention américaine. | Poursuivre la recherche sur quelques-uns des journaux et des intellectuels qui soutiennent l’intervention américaine. |
Temps 2 La collaboration de l’élite politique | 15 à 20 min | Guider l’analyse par de petits groupes d’extraits des documents sur la collaboration avec les autorités d’occupation (Annexes 14, 16 et 17). | En petits groupes, relever les différentes formes et moyens de la collaboration des gouvernements ainsi que les critiques adressées à celles-ci. En rédiger une courte synthèse qui sera présentée oralement et discutée par la classe. |
Temps 3 Les positions nuancées des clergés catholique et protestant : une interrogation par la presse contemporaine | 15 à 20 min |
|
|
Temps 4 Chronologie, glossaire et biographies | Variable | Guider les élèves dans la poursuite de la chronologie, du glossaire et des biographies. | Poursuivre la rédaction de la chronologie, du glossaire et des biographies. |
Production attendue
Relevé d’informations dans la presse de l’époque de l’occupation américaine et dans la presse contemporaine (centenaire e l’occupation américaine).
Trace écrite pour l’élève
Fiches de lecture et résumé collectif.
Évaluation et régulation
Fiches de lecture.
Éléments de remédiation
Lecture critique collective d’un article de presse.
Séance 6. Vers un bilan de l’occupation américaine ?⚓
Supports et matériel
Comme pour la séance précédente, la lecture des journaux d’époque constitue le meilleur moyen pour appréhender les rapports complexes avec l’occupant et la difficile haïtianisation, en complément de ceux cités dans la séance précédente, on retiendra plus particulièrement le journal fondé par Sténio Vincent, Haïti Journal, qui publie, dès son premier numéro, daté du 20 janvier 1930, éditoriaux et articles aussi bien de eux qui préconisent une fin de l’occupation progressive et négociée que ceux qui exigent un départ immédiat des Américains, voir par exemple :
« Ce qu’il fallait faire », Le Matin, 4 mars 1931 ; « La Chambre d’Haïti demande la fin de l’occupation des Etats-Unis », Le Matin, 1er juillet 1931.
Il n’est pas question dans cette séance d’étudier dans le détail les accords et traités américano-haïtiens, mais éventuellement le professeur pourra faire comparer quelques articles avec ceux de la convention de 1915 ou faire réfléchir les élèves sur le terme d’haïtianisation :
Accord du 5 août 1931, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1931, pp. 196-199 [https://ia802605.us.archive.org/18/items/bulletindesloise13hait/bulletindesloise13hait.pdf]
Traité du 3 septembre 1932, voir la Proclamation de Sténio Vincent du 16 septembre 1932, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1932, pp. 232-235 [https://ia802608.us.archive.org/10/items/bulletindesloise12hait/bulletindesloise12hait.pdf].
Accord du 7 août 1933, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1933, pp. 202-206 [https://ia800706.us.archive.org/8/items/bulletindesloise11hait/bulletindesloise11hait.pdf].
Proclamation au peuple haïtien du 21 mai 1934, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1934, pp. 112-114 [https://ia800906.us.archive.org/17/items/bulletindesloise10hait/bulletindesloise10hait.pdf], voir Annexe 18.1.
Accord du 24 juillet 1934, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1934, pp. 177-178 [https://ia800906.us.archive.org/17/items/bulletindesloise10hait/bulletindesloise10hait.pdf], voir Annexe 18.2.
Fuller Joseph V., Dennett Tyler (ed.), Papers relating to the foreign relations of the United States, 1930, Volume III, United States Government Printing Office, Washington, 1945 [https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1930v03] : Haiti: (Documents 162-224), The President’s Commission for the study and review of conditions in the Republic of Haiti (Documents 162-220) [https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1930v03/ch23], Assumption by the Minister in Haiti of functions previously exercised by the American High Commissioner (Document 221) [https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1930v03/ch24], Negotiations between the United States and Haiti for the Haitianization of the Treaty Services (Documents 222-224) [https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1930v03/ch25].
Report of the President’s Commission for the Study and Review of Conditions in the Republic of Haiti, Washington , March 26, 1930, Report of the President’s Commission for the Study and Review of Conditions in the Republic of Haiti, March 26, 1930, United States Government Printing Office, Washington, 1930 [accessible en Google Books et sur Hati Trust [https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=pur1.32754081233847&view=1up&seq=12], voir aussi [https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1930v03/d185].
Shannon Magdaline W., « The U. S. Commission for the Study and Review of Conditions in Haiti and Its Relationship to President Hoover's Latin American Policy », Caribbean Studies, Institute of Caribbean Studies, UPR, Rio Piedras Campus Vol. 15, N° 4, Jan. 1976, pp. 53-71 [https://www.jstor.org/stable/25612723].
De la même façon, voir les débats qui ont marqué le centenaire de l’occupation américaine dans la presse autour de 2015, voir par exemple les articles suivants :
Péan Leslie, « L’occupation américaine d’Haïti et le vrai visage de Sténio Vincent », Alterpresse [https://www.alterpresse.org/spip.php?article14880] (1 de 5) 17 juillet 2013
Pour les temps suivants, la séance peut être construite à partir de l’article de Jeannot François, « Les conséquences de l'occupation américaine de 1915 », Le Nouvelliste, 28 juillet 2020 [https://lenouvelliste.com/public/article/219062/les-consequences-de-loccupation-americaine-de-1915], comme base de recherche pour les élèves.
Bellegarde Dantès Louis, L’occupation américaine d’Haïti, ses conséquences morales et économiques, Première édition, Port-au-Prince Chéraquit, 1929 [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/Occupation_americaine_Haiti/Occupation.html]. Réédition Port-au-Prince, Les Éditions Fardin, 2013. Sur Dantès Bellegarde voir : Île en île [https://ile-en-ile.org/bellegarde/].
Delince Kern, Les Forces Politiques en Haïti. Manuel d’histoire contemporaine, Paris, Karthala-Pegasus Book, 1993.
Bordes Ary, Haïti, médecine et santé publique sous l’occupation américaine 1915-1934, Port-au-Prince, Imprimerie H. Deschamps, 1992.
Etienne Sauveur Pierre, Haïti, La République Dominicaine et Cuba. État, économie et société (1492-2009), Paris, L’Harmattan, 2018.
Gilbert Myrtha, « Les impacts de l'occupation américaine d'Haïti 1915-1934 », Le Nouvelliste, 8 février 2018 [https://lenouvelliste.com/article/182657/les-impacts-de-loccupation-americaine-dhaiti-1915-1934].
Nau Maurice, Telhomme Nemours, Code domanial : contenant les lois et actes relatifs aux droits de propriété en Haïti à l'arpentage et au notariat, 1804-1930, Port-au-Prince, Impr. N. Telhomme, 1930.
Péguy F. C. Pierre, « L’Occupation américaine : ils étaient là ! », Le nouvelliste, 8 juillet 2017 [https://lenouvelliste.com/article/174369/loccupation-americaine-ils-etaient-la]. L’article propose un compte rendu du court métrage de Frantz Voltaire, qui dirige la Revue d‘Histoire Haïtienne / Revi kritik sou Istwa Ayiti [https://www.revuehh.org/], Haïti 1900-1934, CIDIHCA, s.d., 22 minutes.
Denis Watson, « Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie/Nouvelle publication. Chronologie de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934) », Le Nouvelliste, 8 février 2016 [https://lenouvelliste.com/article/161369/chronologie-de-loccupation-americaine-dhaiti-1915-1934]. Compte rendu du programme d’activités de remémoration du centenaire de l’occupation américaine d’Haïti, voir le colloque « L’occupation américaine d’Haïti (1915-1934). Repères, Ruptures et Continuités », les 8-10 décembre 2016. Voir aussi de Watson Denis le compte rendu de, Édouard Roberson, Calixte Fritz (dir.), Le devoir d’insoumission. Regards croisés sur l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016, in Revue d’histoire de l’Amérique française, « Le passé des autres : lectures, emprunts et appropriations en contexte québécois », Volume 71, numéro 3-4, hiver–printemps 2018, p. 175–178 [https://www.erudit.org/fr/revues/haf/2018-v71-n3-4-haf03789/1048523ar/].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
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Temps 1 La crise mondiale | 10 à 15 min | À partir d’une recherche simple (manuels ou Internet), faire établir collectivement une chronologie des événements internationaux du début des années 1930. | Etablir une chronologie des principaux événements internationaux du début des années 1930. |
Temps 2 La fin de l’occupation américaine, l’haïtianisation et le néocolonialisme (1) | 10 à 15 min | Après avoir fait établir une courte biographie d’Eugène Roy et de Sténio Vincent, éventuellement, faire rechercher les occurrences du terme « haïtianisation » dans les différents accords, traités et proclamations du début des années 1930, guider un questionnement oral collectif et une interprétation du terme employé et les corps et institutions qu’il concerne. La recherche peut être poursuivie dans le Bulletin des lois et actes pour les années 1930-1934. | Rédiger une courte biographie d’Eugène Roy et de Sténio Vincent. Éventuellement, rechercher les occurrences du terme « haïtianisation » dans le Bulletin des lois et actes, en noter les emplois pour participer à sa définition orale collective. Inscrire la définition dans le glossaire historique. |
Temps 3 La fin de l’occupation américaine, l’haïtianisation et le néocolonialisme (2) | 10 à 15 min | Guider l’étude orale collective d’extraits de la Proclamation au peuple haïtien du 21 mai 1934 et de l’Accord du 24 juillet 1934 autour de la question de l’haïtianisation et de la fin de l’occupation américaine. | Lire les extraits et en s’appuyant sur ceux-ci répondre à la question : En quoi ces textes marquent-ils la fin de l’occupation américaine et ouvrent-ils la voie à une néocolonisation ? |
Temps 4 Les conséquences de l’occupation américaine, la question agraire | 10 à 15 min | Faire relire l’article 5 des constitutions de 1918 et 1932, puis guider une recherche par petits groupes dans toutes les constitutions ultérieures sur le statut de la propriété et le droit des étrangers relativement à la propriété. Organiser et guider un questionnement collectif à partir de la question : Quelles peuvent être les conséquences des lois sur la propriété dans le développement de Haïti à la suite de l’occupation américaine ? | Rechercher dans les constitutions postérieures à 1918 quel est le statut de la propriété, notamment pour les étrangers et répondre à la question dans une réflexion orale collective : Quelles peuvent être les conséquences des lois sur la propriété dans le développement de Haïti à la suite de l’occupation américaine ? |
Temps 5 L’occupation américaine un siècle plus tard | 10 à 15 min | Si possible avant la séance, proposer la lecture individuelle ou en petits groupes de l’article de Jeannot François et une recherche d’articles parus lors du centenaire de l’occupation américaine. En reprenant les analyses des séances précédentes, guider une synthèse des articles et un bilan de l’occupation américaine. | Relever dans l’article de Jeannot François et dans les articles issus de la recherche ce que les auteurs présentent comme positif et négatif à court et à long terme et les termes qu’ils utilisent pour le qualifier. En réaliser une synthèse qui soit :
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Production attendue
Prise d’information et participation au questionnement collectif.
Trace écrite pour l’élève
Chronologie, glossaire historique et biographies.
Évaluation et régulation
Participation orale.
Éléments de remédiation
Reprise orale collective des différents questionnements.
Annexes⚓
Annexe 1. « Message adressé par le président Monroe au Congrès des États-Unis (2 décembre 1823) »,
Annexe 1. « Message adressé par le président Monroe au Congrès des États-Unis (2 décembre 1823) », Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/textes/monroe02121823.htm].
Il a été dit, au commencement de la dernière session, que l'Espagne et le Portugal faisaient de grands efforts pour améliorer le sort du peuple de ces pays, et que cette noble tâche paraissait conduite avec une modération extraordinaire. Il est à peu près superflu de remarquer que le résultat a été fort différent de ce qu'on espérait alors. Nous avons toujours suivi avec curiosité et intérêt les événements qui ont lieu dans cette partie du globe avec laquelle nous avons tant de relations, et à laquelle nous devons notre origine. Les citoyens des États-Unis sont animés des sentiments les plus amicaux pour la liberté et du bonheur de leurs frères de l'autre côté de l'Atlantique. Nous ne nous sommes jamais mêlés dans les guerres des puissances européennes pour des affaires les concernant ; telle est notre politique. Ce n'est que lorsqu'on attaque, ou qu'on menace sérieusement nos droits, que nous nous regardons comme offensés ou que nous faisons des préparatifs pour notre défense.
Les événements de cet hémisphère nous touchent nécessairement de plus près ; le motif en est bien clair pour tout observateur impartial et informé. Le système politique des puissances alliées est essentiellement différent à cet égard du système politique de l'Amérique. Cette différence vient de celle qui existe entre leurs gouvernements respectifs et notre gouvernement. C'est à la défense de nôtre gouvernement, conquis au pris de tant de sang et de ressources, mûri par la sagesse de nos citoyens les plus éclairés, et sous lequel nous avons joui d'une félicité sans exemple, que toute la nation est dévouée.
Nous devons cependant à la bonne foi et aux relations amicales qui existent entre les puissances alliées et les États-Unis, de déclarer que nous considérerions toute tentative de leur part pour étendre leur système à quelque partie de cet hémisphère, comme dangereuse pour notre tranquillité et notre sécurité. Quant aux colonies existantes ou dépendances des puissances européennes, nous ne sommes pas intervenus et n'interviendrons pas dans leurs affaires. Mais, quant aux gouvernements qui ont déclaré leur indépendance, qui l'ont maintenue, et dont nous avons reconnu l'indépendance, après sérieux examen, et sur des justes principes, nous ne pourrions voir l'intervention d'une puissance européenne quelconque dans le but de les opprimer ou de contrarier d'une manière quelconque leur destinée, que comme la manifestation d'une disposition inamicale à l'égard des États-Unis. Dans la guerre entre ces nouveaux gouvernements et l'Espagne, nous avons déclaré notre neutralité à l'époque de leur reconnaissance, et nous y sommes restés fidèles ; nous continuerons d'y rester fidèles, pourvu qu'il n'y ait pas de changement qui, du jugement des autorités compétentes de notre gouvernement nécessite aussi de notre part un changement indispensable à leur propre sécurité.
Les derniers événements en Espagne et au Portugal montrent que l'Europe est encore troublée. La preuve la plus forte de ce fait important, c'est que les puissances alliées ont jugé convenable, d'après des principes qu'elles ont adoptés, d'intervenir par la force dans les troubles de l'Espagne. Jusqu'où peut s'étendre une telle intervention, d'après le même principe ? C'est là une question à laquelle sont intéressées toutes les puissances indépendantes dont les gouvernements diffèrent de ceux des puissances alliées, et aucun n'y est plus intéressé que les États-Unis. La politique que nous avons adoptée à l'égard de l'Europe, dès le début des guerres qui ont si longtemps agité cette partie du globe, est toujours restée la même, elle consiste à ne jamais nous interposer dans les affaires intérieures d'aucune des puissances de cette partie de la Terre ; à considérer le gouvernement « de facto » comme le gouvernement légitime à nos yeux ; à établir avec ce gouvernement des relations amicales, et à les conserver par une politique franche, ferme et courageuse, en admettant, en toute circonstance, les justes réclamations de toutes les puissance, mais en ne souffrant les injures d'aucune. Il est impossible que les puissances alliées étendent leur système politique à une partie de ce continent, sans mettre en danger notre paix et notre bonheur ; et aucune d'entre elles ne peut croire que nos frères [d'Amérique] du Sud, s'ils le pouvaient, l'adopteraient de leur propre gré. Il nous serait donc également impossible de rester spectateur indifférent de cette intervention, sous quelque forme qu'elle eût lieu. A présent, si nous considérons la force et les ressources de l'Espagne et celles des nouveaux gouvernements de l'Amérique, ainsi que la distance qui les sépare, il est évident que l'Espagne ne pourra jamais parvenir à les soumettre. La véritable politique des États-Unis est donc toujours de laisser les parties à elles-mêmes, dans l'espoir que les autres puissances adopteront la même attitude.
Annexe 2. Les interventions américaines à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Annexe 2. 1. Carte à compléter des interventions américaines à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, SciencesPo Bibliothèque numérique [https://bibnum.sciencespo.fr/].
Annexe 2. 2. William Allen Rogers, « The Big Stick in the Caribbean Sea », Harper’s Weekly, 1904, National Museum of American History Behring Center [https://americanhistory.si.edu/].
Annexe 3. Extraits de constitutions haïtiennes
Annexe 3. Extraits de constitutions haïtiennes, Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm].
Constitution du 20 mai 1805
Article 12. Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne mettra le pied sur ce territoire, à titre de maître ou de propriétaire et ne pourra à l'avenir y acquérir aucune propriété.
Article 12. Toute propriété qui aura ci-devant appartenu à un blanc français est incontestablement et de droit confisquée au profit de l'État.
Constitution du 27 décembre 1806
Article 27. Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre le pied sur ce territoire à titre de maître ou de propriétaire.
Constitution du 17 février 1807
Article 41. Le gouvernement garantit solennellement aux commerçants étrangers la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés, et leur assure la protection la plus efficace.
Constitution du 2 juin 1816
Article 38. Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre le pied sur ce territoire à titre de maître ou de propriétaire.
Article 39. Sont reconnus Haïtiens, les blancs qui font partie de l'armée, ceux qui exercent des fonctions civiles, et ceux qui sont admis dans la République à la publication de la Constitution du 27 décembre 1806 ; et nul autre à l'avenir, après la publication de la présente révision, ne pourra prétendre au même droit, ni d'être employé, ni de jouir du droit de citoyen, ni acquérir de propriété dans la République.
Constitution du 15 novembre 1846
Article 7. Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre le pied sur le territoire haïtien à titre de maître ou de propriétaire, et ne pourra, à l'avenir, y acquérir aucun immeuble, ni la qualité d'Haïtien.
Constitution du Second Empire 20 septembre 1849
Article 7. Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre le pied sur le territoire haïtien à titre de maître ou de propriétaire, et ne pourra, à l'avenir, y acquérir aucun immeuble, ni la qualité d'Haïtien.
Constitution du 14 juin 1867
Article 5. Nul, s'il n'est Haïtien, ne peut être propriétaire de biens fonciers en Haïti, à quelque titre que ce soit, ni y acquérir aucun immeuble.
Constitution du 6 août 1874
Article 7. Nul, s'il n'est Haïtien ne peut être propriétaire d'immeubles en Haïti. Néanmoins, sur la proposition du Président d'Haïti, le Corps législatif pourra délivrer des titres de naturalité à tout étranger de bonnes mœurs, qui, après sept années de résidence dans le pays, y aura introduit un art ou un métier utile, formé des élèves ou rendu des services réels et efficaces à la République.
La loi règle les formalités de cette naturalisation.
Tout Haïtien qui se fait naturaliser dans le pays par-devant un représentant quelconque d'une puissance étrangère agit contre le droit commun des nations, et cette prétendue naturalisation demeure nulle et non avenue.
Tout Haïtien qui se fera naturaliser étranger en due forme, ne pourra revenir dans le pays qu'après cinq années.
Constitution du 18 décembre 1879.
Article 6. Nul, s'il n'est Haïtien, ne peut être propriétaire de biens fonciers en Haïti, à quelque titre que ce soit, ni acquérir aucun immeuble.
Constitution du 16 décembre 1888
Article 3. Nul, s'il n'est Haïtien, ne peut être propriétaire de biens immeubles en Haïti. Néanmoins, le Pouvoir Législatif peut, sur la proposition du Pouvoir Exécutif, concéder le droit de propriété immobilière aux établissements étrangers reconnus d'utilité publique. Dans ce cas, les dommages et contestations survenus à l'occasion des biens immeubles ainsi acquis, suivant la condition juridique de la propriété haïtienne, ne peuvent donner lieu à aucune intervention diplomatique
Constitution du 9 octobre 1889
Article 6. Nul, s'il n'est Haïtien, ne peut être propriétaire de biens fonciers en Haïti, à quelque titre que ce soit, ni acquérir aucun immeuble.
Constitution du 19 juin 1918
Article 5. Le droit de propriété immobilière est accordé à l'étranger résidant en Haïti et aux sociétés formées par des étrangers pour les besoins de leurs demeures, de leurs entreprises agricoles, commerciales, industrielles ou d'enseignement.
Ce droit prendra fin dans une période de cinq années, après que l'étranger aura cessé de résider dans le pays ou qu'auront cessé les opérations de ces compagnies.
Annexe 4. Convention de 1915 entre Haïti et les États-Unis
Annexe 4. Convention de 1915 entre Haïti et les États-Unis [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht1915.htm].
Au début du XXe siècle, Haïti est l'enjeu d'une tentative allemande pour s'implanter en Amérique et de la volonté des États-Unis de s'assurer le contrôle de la région et de l'accès au canal de Panama, après la guerre contre l'Espagne qui leur permet d'occuper Cuba et Porto-Rico, puis d'acheter les îles Vierges danoises (31 mars 1917).
La gabegie et l'instabilité politique chronique du pays favorisent les projets d'intervention des États-Unis.
La chute du général Antoine Simon, renversé par une révolte paysanne, le 2 août 1911, ouvre une période de troubles, durant laquelle six présidents et trois comités révolutionnaires exercent successivement le pouvoir, quelques semaines ou quelques mois chacun. Le dernier d'entre eux, Guillaume-Sam, fait massacrer ses opposants mulâtres, le 27 juillet 1915, et est lui-même lynché par la foule, le lendemain. La marine des États-Unis, le même jour, occupe Port-au-Prince. L'Occupation durera jusqu'au 21 août 1934.
Une Constitution est rédigée et approuvée lors d'une consultation populaire le mercredi 12 juin 1918 : 98.294 oui contre 769 non (Bulletin des lois et actes, p. 45). Cette Constitution est d'inspiration libérale, mais durant la longue révolte paysanne contre l'Occupation, le seul article appliqué fut l'article spécial qui garantit l'impunité aux forces de l'Occupation et à leurs agents haïtiens. Le pays était alors co-dirigé par le président haïtien et le général commandant les forces d'Occupation.
Le traité du 16 septembre 1915 est l'instrument juridique de cette Occupation. Il place les finances haïtiennes sous le contrôle d'un conseiller financier "proposé" par le président des États-Unis. Les droits de douane sont perçus directement par un Receveur général proposé par le président des États-Unis, pour assurer le remboursement de la dette d'Haïti à l'égard des banques américaines et aussi pour financer la création d'une gendarmerie haïtienne, encadrée par des officiers américains, afin de maintenir l'ordre et notamment réprimer les révoltes suscitées par l'imposition de la corvée. C'est seulement en 1934 que le président Sténio Vincent obtient de Roosevelt la fin de l'Occupation.
Approbation par la Chambre haïtienne le 15 novembre 1915 ; par le Sénat des États-Unis le 28 février 1916. Echange des ratifications le 3 mai 1916.
La République d'Haïti et les États-Unis d'Amérique, désirant raffermir et resserrer les liens d'amitié qui existent entre eux par la coopération la plus cordiale et par des mesures propres à leur assurer de mutuels avantages ;
La République d'Haïti, désirant, en outre, remédier à la situation actuelle de ses finances, maintenir l'ordre et la tranquillité sur son territoire, mettre à exécution des plans pour son développement économique et la prospérité de la République et du peuple haïtien ;
Et les États-Unis sympathisant avec ces vues et objets et désirant contribuer à leur réalisation ;
Ont résolu de conclure une Convention à cette fin ;
Et ont été nommés à cet effet comme Plénipotentiaires,
Par le Président de la République d'Haïti :
Monsieur Louis Borno, Secrétaire d'État des Relations Extérieures et de l'Instruction Publique.
Par le Président des États-Unis d'Amérique :
Monsieur Robert Beale Davis Jr., Chargé d'Affaires des États-Unis d'Amérique ;
Lesquels s'étant communiqués leur pleins pouvoirs respectifs trouvés en bonne et due forme, ont convenu de ce qui suit :
Article premier.
Le Gouvernement des États-Unis, par ses bons offices, aidera le Gouvernement d'Haïti à développer efficacement ses ressources agricoles, minières et commerciales et à établir sur une base solide les finances haïtiennes.
Article 2.
Le Président d'Haïti nommera, sur la proposition du Président des États-Unis, un Receveur général et tels aides et employés qui seront jugés nécessaires pour recouvrer, recevoir et appliquer tous les droits de douanes, tant à l'importation qu'à l'exportation, provenant des diverses douanes et ports d'entrée de la République d'Haïti.
Le Président d'Haïti nommera, en outre, sur la proposition du Président des États-Unis, un Conseiller financier, qui sera un fonctionnaire attaché au Ministère des Finances, auquel le Secrétaire d'État prêtera une aide efficace pour la réalisation de ses travaux. Le Conseiller financier élaborera un système adéquat de comptabilité publique, aidera à l'augmentation des revenus et à leur ajustement aux dépenses, enquêtera sur la validité des dettes de la République, éclairera les deux Gouvernement relativement à toutes dettes éventuelles, recommandera les méthodes perfectionnées d'encaisser et d'appliquer les revenus et fera au Secrétaire d'État des Finances telles autres recommandations qui peuvent être jugées nécessaires au bien-être et à la prospérité d'Haïti.
Article 3.
Le Gouvernement de la République d'Haïti pourvoira, par une loi ou par un décret approprié, à ce que le paiement de tous les droits de douane soit fait au Receveur général ; et il accordera au bureau de la recette et au Conseiller financier toute aide et protection nécessaires à l'exécution des pouvoirs qui leur sont conférés et aux devoirs qui leur sont imposés par les présentes, et les États-Unis, de leur côté, accorderont la même aide et protection.
Article 4.
A la nomination du Conseiller financier, le Gouvernement de la République d'Haïti, en coopération avec le Conseiller financier, collationnera, classera, arrangera et fera un relevé complet de toutes les dettes de la République, de leur montant, caractère, échéance et conditions, des intérêts y afférents, et de l'amortissement nécessaire à leur complet paiement.
Article 5.
Toutes les valeurs recouvrées et encaissées par le Receveur général seront appliquées :
1° au paiement des appointements et allocations du Receveur général, de ses auxiliaires et employés et des dépenses du bureau de la recette qui comprendront les appointements et les dépenses du Conseiller financier, les salaires devant être déterminés suivant accord préalable ;
2° à l'intérêt et l'amortissement de la dette publique de la République d'Haïti ;
3° à l'entretien de la police visée à l'article 10 ; et le solde au Gouvernement haïtien pour les dépenses courantes
En faisant ces applications, le Receveur général procédera au paiement des appointements et allocations mensuels, et des dépenses telles qu'elles se présentent ; et au premier de chaque mois, il mettra à un compte spécial le montant des recouvrements et recettes du mois précédent.
Article 6.
Les dépenses du bureau de la recette, y compris les allocations et appointements du Receveur général, de ses auxiliaires et employés et les dépenses et salaire du Conseiller financier ne devront pas dépasser 5% (cinq pour cent) des recouvrements et recettes provenant des droits de douane, à moins d'une Convention entre les deux Gouvernements.
Article 7.
Le Receveur général fera un rapport mensuel aux fonctionnaires haïtiens compétents et au Département d'État des États-Unis sur tous les recouvrements, les recettes et les dépenses ; ces rapports seront soumis en tout temps à l'examen et à la vérification des autorités compétentes de chacun des dits Gouvernements.
Article 8.
La République d'habit ne devra pas augmenter la dette publique sauf accord préalable avec le Président des États-Unis, ni contracter aucune obligation financière à moins que, les dépenses du Gouvernement défrayées, les revenus de la République, disponibles à cette fin, soient suffisants pour payer les intérêts et pourvoir à un amortissement pour l'extinction complète d'une telle dette.
Article 9.
La République d'Haïti, à moins d'une entente préalable avec le Président des États-Unis, ne modifiera pas les droits de douane d'une façon qui en réduirait les revenus ; et, afin que les revenus de la République puissent être suffisants pour faire face à la dette publique et aux dépenses du Gouvernement, pour préserver la tranquillité et promouvoir la prospérité matérielle, le Gouvernement d'Haïti coopérera avec le Conseiller financier dans ses recommandations relatives à l'amélioration des méthodes de recouvrer et de dépenser les revenus et aux sources nouvelles de revenus qui font besoin.
Article 10.
Le Gouvernement haïtien, en vue de la préservation de la paix intérieure, de la sécurité des droits individuels et de la complète observance de ce traité s'engage à créer sans délai une gendarmerie efficace, rurale et urbaine, composée d'Haïtiens. Cette gendarmerie sera organisée par des officiers Américains nommés par le Président d'Haïti sur la proposition du Président des États-Unis. Le Gouvernement haïtien les revêtira de l'autorité nécessaire et les soutiendra dans l'exercice de leurs fonctions. Ils seront remplacés par des Haïtiens, lorsque ceux-ci, après examen effectué par un comité choisi par l'officier chargé de l'organisation de la gendarmerie, en présence d'un Délégué du Gouvernement haïtien, seront jugés aptes à remplir convenablement leurs fonctions. La gendarmerie ici prévue aura, sous la direction du Gouvernement haïtien, la surveillance et le contrôle des armes et munitions, des articles militaires et du commerce qui s'en fait dans tout le pays. Les Hautes Parties Contractantes reconnaissent que les stipulations de cet article sont nécessaires pour prévenir les luttes des factions et les désordres.
Article 11.
Le Gouvernement d'Haïti convient de ne pas céder aucune partie du territoire de la République d'Haïti par vente, bail ou autrement, ni de conférer juridiction sur son territoire à aucune puissance ou gouvernement étranger, ni de signer avec aucune puissance aucun traité ni contrat qui diminuerait ou tendrait à diminuer l'indépendance d'Haïti.
Article 12.
Le Gouvernement haïtien convient de signer avec les États-Unis un protocole pour le règlement, par arbitrage ou autrement, de toutes les réclamations pécuniaires pendantes entre les corporations, compagnies, citoyens ou sujets étrangers et Haïti.
Article 13.
La République d'Haïti, désirant pousser au développement de ses ressources naturelles, convient d'entreprendre et d'exécuter telles mesures qui, dans l'opinion des deux Hautes Parties Contractantes, peuvent être nécessaires au point de vue de l'hygiène et du développement matériel de la République, sous la surveillance et direction d'un ou de plusieurs ingénieurs qui seront nommés par le Président d'Haïti sur la proposition du Président des États-Unis, et autorisés à cette fin par le Gouvernement d'Haïti.
Article 14.
Les deux Hautes Parties Contractantes auront autorité pour assurer, par tous les moyens nécessaires, l'entière exécution des clauses de la présente Convention et les États-Unis, le cas échéant, prêteront leur aide efficace pour la préservation de l'Indépendance haïtienne et pour le maintien d'un Gouvernement capable de protéger la vie, la propriété et la liberté individuelle.
Article 15.
Le présent Traité sera approuvé et ratifié par les Hautes Parties Contractantes conformément à leurs lois respectives, et les ratifications seront échangées dans la ville de Washington aussitôt que possible.
Article 16.
Le présent Traité restera en force et vigueur pendant une durée de dix ans à partir du jour de l'échange de ratifications, et en outre pour une autre période de dix ans si, suivant des raisons précises formulées par l'une ou l'autre des Hautes Parties Contractantes, les vues et objets de la Convention ne sont pas accomplis.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signés la présente Convention en double, en anglais et en français, et y ont apposé leurs sceaux.
Fait à Port-au-Prince (Haïti) le 16 septembre, de l'année de notre Seigneur 1915.
Robert Beales Davis Jr.
Chargé d'Affaires des États-Unis d'Amérique
Louis Borno
Secrétaire d'État des Relations Extérieures et de l'instruction Publique.
Annexe 5. Déclaration de Raymond Cabèche, député de Gonaïves
Annexe 5. Déclaration de Raymond Cabèche, député de Gonaïves, le 6 octobre 1915 à la Chambre des députés, cité in Bellegarde Dantès, La résistance haïtienne (L’occupation américaine d’Haïti). Récit d'histoire contemporaine, Montréal, Editions Beauchemin, 1937, pp. 42-43, accessible dans Les classiques des sciences sociales [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/resistance_haitienne/resistance_haitienne.html].
Au nom de l'humanité, le Gouvernement des États-Unis — suivant les déclarations de ses agents — a opéré dans notre pays une intervention armée. Et il nous a présenté, à la pointe des baïonnettes et avec l'appui des canons de ses croiseurs, une convention que, du haut de son impérialisme, il nous invite à ratifier. Qu'est-ce que cette convention ? Un protectorat imposé à Haïti par M. Wilson — le même Wilson qui disait dans un discours à Mobile, en faisant allusion aux républiques-sœurs de l'Amérique latine : « Nous ne pouvons être leurs amis intimes que si nous les traitons comme des égales ». Et voici qu'il prétend aujourd'hui mettre Haïti sous le protectorat des États-Unis ! Pour combien de temps ? Dieu i seul le sait, quand on envisage les conditions auxquelles sont subordonnés lie retrait des troupes d'occupation et le renouvellement de cet instrument de honte.
Je ne suis point du tout partisan d'une république fermée. Je ne pense pas que l'isolement soit un facteur de progrès pour une nation. Je ne crois nullement que le principe du patriotisme réside dans la haine de l'étranger et dans le refus d'accepter toute aide étrangère même quand elle est sincère. Mais je ne crois pas non plus que ce soit une chose honorable de sacrifier, contraint ou non, la dignité de sa patrie. De la sacrifier pour assurer quoi ? L'ordre dans la honte ? La prospérité dans les chaînes dorées ? La prospérité, nous l'aurons, peut-être. Les chaînes, nous les aurons, sûrement.
Par cette convention nous décrétons pour le peuple haïtien la servitude morale en place de l'esclavage physique qu'on n'ose plus aujourd'hui rétablir. Elle compromet les droits de la nation. La Chambre, en la votant, a pris une grave responsabilité. Je ne veux pas partager avec elle [43] une telle responsabilité ! Quand le peuple gémira dans les chaînes qui viennent de lui être forgées, quand les générations futures maudiront la mémoire des auteurs de leur infortune, je ne veux pas qu'on dise que j'ai été l'un de ceux-là. Je ne permettrai pas que mon nom apparaisse au bas du procès-verbal de cette séance où a été opérée la vente de tout un peuple par quelques-uns de ses membres. Je remets ma démission de député de la 28e Législature, en criant une dernière fois : Je proteste, au nom du peuple haïtien, au nom de ses droits, de sa souveraineté, de son indépendance, contre le projet de convention américano-haïtienne.
Annexe 6. Extraits de la Constitution du 19 juin 1918
Annexe 6. Extraits de la Constitution du 19 juin 1918, Constitution de la République d'Haïti, Imprimerie nationale, Port-au-Prince, 1918. Bulletin des lois et actes, année 1918, Imprimerie nationale, 1919, pp. 45-65 [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht1918.htm].
Article 4. Tout étranger qui se trouve sur le territoire d'Haïti jouit de la même protection accordée aux Haïtiens.
Article 5. Le droit de propriété immobilière est accordé à l'étranger résidant en Haïti et aux sociétés formées par des étrangers pour les besoins de leurs demeures, de leurs entreprises agricoles, commerciales, industrielles ou d'enseignement.
Ce droit prendra fin dans une période de cinq années, après que l'étranger aura cessé de résider dans le pays ou qu'auront cessé les opérations de ces compagnies.
Article 20. Les Haïtiens ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes pour s'occuper de toutes questions, en se conformant aux lois qui peuvent régir l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.
Cette disposition ne s'applique point aux rassemblements dans les lieux publics, lesquels restent entièrement soumis aux lois de police.
Article 75.
Le Président de la République nomme et révoque les Secrétaires d'État.
Il est chargé de veiller à l'exécution des traités de la République.
[…] Il est chargé de faire exécuter la Constitution et les lois, actes et décrets du Corps Législatif et de l'Assemblée nationale.
Il fait tout règlement et arrêté nécessaires à cet effet, sans pouvoir jamais suspendre et interpréter les lois, actes et décrets eux-mêmes, ni se dispenser de les exécuter.
Il ne nomme aux emplois et fonctions publiques, qu'en vertu de la Constitution ou de la disposition expresse d'une loi et aux conditions qu'elle prescrit.
Il pourvoit d'après la loi à la sûreté intérieure et extérieure de l'État.
Il fait tous traités ou conventions internationales, sauf la sanction de l'Assemblée nationale.
Il a le droit de grâce et de commutation de peine, relativement aux condamnations contradictoires passées en force de chose jugée excepté le cas de mise en accusation par les tribunaux ou par la Chambre des députés, ainsi qu'il est prévu aux articles 100 et 101 de la présente Constitution.
Il accorde toute amnistie en matière politique selon les prévisions de la loi.
Il commande et dirige les forces armées de la République et il confère les grades selon la loi.
Il peut demander par écrit l'avis du principal fonctionnaire de chacun des départements ministériels sur tout objet relatif à la conduite de leurs départements respectifs.
Article 118. Une force armée désignée sous le nom de Gendarmerie d'Haïti est établie pour maintenir l'ordre, garantir les droits du peuple et exercer la police dans les villes et les campagnes.
Elle est la seule force armée de la République.
Article 119. Les règlements en vue du maintien de la discipline dans la Gendarmerie et de la répression des délits commis par son personnel seront établis par le Pouvoir Exécutif. Ils auront force de loi.
Ces règlements établiront l'organisation des cours martiales de Gendarmerie, prescriront leurs pouvoirs et détermineront les obligations de leurs membres et les droits des individus qui doivent être jugés par elles.
Les jugements des cours martiales de Gendarmerie ne sont sujets qu'à la révision par le Tribunal de Cassation, et seulement sur les questions de juridiction et d'excès de pouvoir.
AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE
Le Président de la République ordonne que la Constitution ci-dessus, soumise au suffrage populaire, ratifiée le 12 Juin 1918, soit revêtue du sceau de la République, imprimée, publiée et exécutée.
Donné au Palais national, à Port-au-Prince, le 19 Juin 1918, an 115e de l'Indépendance.
DARTIGUENAVE.
Par le président :
Osmin Cham, Secrétaire d'État de l'Intérieur et des Cultes ;
Dr. Edmond Héraux, Secrétaire d'État des Finances et du Commerce ;
Furcy Chatelain, Secrétaire d'État des Travaux publics et de l'Agriculture ;
Edmond Dupuy, Secrétaire d'État des Relations extérieures et de la Justice ;
Auguste Scott, Secrétaire d'État de l'Instruction publique.
Annexe 7. François Jeannot, « Les conséquences de l'occupation américaine de 1915 »
Annexe 7. François Jeannot, « Les conséquences de l'occupation américaine de 1915 », Le Nouvelliste, 28 juillet 2020 [https://lenouvelliste.com/public/article/219062/les-consequences-de-loccupation-americaine-de-1915].
Ce 28 juillet 2020, à l’occasion de l’anniversaire de l’occupation américaine d’Haïti, tenant compte des circonstances difficiles que connait le pays actuellement, je crois opportun de revenir sur les conséquences de cette tranche spéciale de notre histoire.
D’entrée de jeu, disons que l’occupation américaine d’Haïti en 1915 est en soi un acte d’agression d’un pays indépendant par un autre. À ce titre, elle est condamnable au nom du respect du principe de la souveraineté et du droit à l’autodétermination des peuples. Elle avait été envisagée dans le cadre de l’expansion des intérêts américains en Amérique centrale et dans le bassin des Caraïbes ; elle avait pour objectif de déloger les Européens, en particulier les Allemands, qui contrôlaient une bonne partie de l’économie de la région.
D’un autre côté, l’occupation avait été réalisée par un pays qui, chez lui, pratiquait la ségrégation raciale. À cette époque, le corps des Marines des États-Unis n’acceptait pas de Noirs dans ses rangs. La majorité du personnel des troupes d’occupation venait du Sud des États-Unis, région où la ségrégation raciale était la plus forte. Dans ce contexte, les préjugés de type racial ou culturel de la part de l’occupant occasionnaient toutes sortes d’abus dont la presse locale ne manquait pas de faire l’écho.
Ceci étant dit, j’aimerais faire deux mises au point. Tout d’abord, ce serait irréaliste, compte tenu des circonstances historiques et des enjeux de l’époque, de croire que la rencontre des peuples haïtien et américain pouvait se faire sur le mode de la concorde et d’embrassements collectifs. Autrement dit, les abus et les bavures des forces d’occupation étaient inévitables. Ensuite, on risque de se fourvoyer si l’on s’amuse à faire l’exercice infantile de savoir si l’occupation était moralement justifiable ou pas. La question n’est pas là ; le vrai débat est plutôt de savoir si, au départ des troupes d’occupation, le pays avait une orientation qui lui était favorable du point de vue de ses besoins pour le progrès social et économique. C’est de là qu’il faut situer l’essence des leçons à tirer de l’occupation. Tout le reste est littérature.
Je ne suis pas naïf au point de croire que l'occupant avait un objectif philanthropique ou une mission civilisatrice au moment de débarquer en Haïti en 1915 ; cependant, il faut reconnaitre que, au-delà de toute considération d'ordre nationaliste, le pays avait véritablement profité de la période d'occupation.
Le rétablissement de l’ordre :
À travers l’écrasement du cacoïsme, l’occupation américaine avait pour premier effet de rétablir l’ordre en Haïti, inaugurant dans le pays une longue période stabilité indispensable au progrès. Evidemment, on peut toujours reprocher à l’occupant d’avoir commis des atrocités pour écraser la résistance armée ; cependant, il faut comprendre que la lutte de l’occupant contre les Cacos doit être placée dans un contexte de guerre où les choses ne sont pas nécessairement noires ou blanches.
Il faut aussi souligner que, à l’origine, le cacoïsme était un mouvement d’avant-garde, œuvrant à l’amélioration des conditions de vie des paysans. Mais, avec le temps, le mouvement avait été dévoyé. Dès le début XXe siècle, les Cacos étaient devenus une bande de mercenaires au service de politiciens traditionnels dont les actions contribuaient à faire perpétuer la guerre civile. Les Cacos perturbaient la vie dans les campagnes en pratiquant l’embrigadement forcé des paysans mâles et en procédant à la saisie des récoltes des paysans. D’ailleurs, je pense que si le cacoïsme était un mouvement organisé avec un leadership éclairé, les Cacos ne se seraient jamais alliés au mouvement d’opposition contre le gouvernement populaire de Sylvain Salnave.
En fait, si les Américains n’avaient pas mis fin au mouvement caco, tout autre gouvernement responsable allait devoir le faire. Ce qui compliquait la situation, c’est que le mouvement caco de l’époque d’occupation était dirigé contre un pouvoir supporté par des troupes étrangères. Un contexte particulier qui imprime à ce mouvement un cachet nationaliste lui permettant de s’associer à une cause dont la noblesse est difficilement contestable.
La remise en question des privilèges de l’élite traditionnelle :
Avant 1915, l’élite traditionnelle, composée pour la plupart de mulâtres, jouissait de tous les privilèges lui permettant de dominer les autres catégories sociales en ce qui concerne l’éducation, la richesse et le pouvoir politique. À partir de 1915, les privilèges de l’élite traditionnelle avaient été remis en question par l’élimination des pratiques de corruption et de trafic d’influence qui lui permettait de consolider ses positions quel que soit le type de gouvernement. Par ailleurs, à travers une politique d’éducation progressive, la restructuration et la modernisation de l’administration publique, les reformes dans les forces armées, un climat favorable à la création d’emplois et l’entrepreneuriat, l’occupant avait permis la promotion d’une classe moyenne noire qui dorénavant avait la capacité de contrebalancer le pouvoir des élites traditionnelles. En fait, la commission Forbes, traitant des questions relatives aux rapports de classes en Haïti pendant l’occupation, indique à juste titre que « L’élite voit dans l’élévation d’une classe moyenne une menace à la continuation de son propre privilège de direction. »
L’établissement de la bonne gouvernance :
L’occupation américaine a permis d’instituer les principes de bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques en Haïti. Ceci est reconnu par de nombreux auteurs, même parmi ceux-là qui sont connus comme des farouches critiques des forces d’occupation.
Par exemple, Selon Suzy Castor, pendant l’occupation, on procéda « à la réforme de l’administration publique par la création de nouvelles institutions, la rénovation de quelques autres et à la formation de cadres administratifs efficaces. » Plus loin, elle ajoute que le « Ministère de l’Economie et des Finances (organisme à caractère technico-administratif) commença à régulariser la vie financière du pays. On réforma le Service des Douanes et le Service des Contributions, ce qui rend plus efficace le fonctionnement des finances publiques, résolvant l’imbroglio administratif et financier qui avait caractérisé la vie d’Haïti durant l’époque précédant l’occupation. »
Toutes ces réformes administratives, monétaires et fiscales avaient pour effet de rationaliser les méthodes de gestion des services de l’État, d’augmenter les recettes publiques, de consolider la dette externe et d’éliminer la corruption. À ce sujet, Kern Delince rapporte : « une conséquence heureuse des nouvelles mesures de gestion financière est l’élimination, pour un temps, de la corruption comme méthode de gouvernement : l’ensemble des recettes publiques est réservé exclusivement au règlement des dépenses de l’État, sans possibilité de détournement au profit de la classe dirigeante. »
Les grands travaux d’infrastructure :
Les problèmes que confrontait l’administration américaine après l’éclatement de la première guerre mondiale, les priorités accordées localement au rétablissement de l’ordre, à la consolidation et au remboursement de la dette externe font que, au début de l’occupation, hormis la finition du Palais national, peu de travaux d’infrastructure de grande envergure avaient été réalisés. Cependant après la réforme de 1922, le pays était devenu un véritable chantier. Jamais dans l’histoire d’Haïti, l’État ne réalisa autant de travaux d’infrastructure en si peu de temps.
Selon Sauveur Pierre Etienne qui résume le rapport de l’exercice fiscal 1929-1930 de l’ingénieur américain en chef des Travaux publics, dans l’ensemble, l’occupant avait permis la construction de : « 16 casernes et 61 avant-postes pour la Garde d’Haïti ; 11 hôpitaux et 133 dispensaires ruraux ;7 douanes ; l’école d’agriculture et 69 fermes écoles rurales, 10 écoles industrielles ; 2 écoles nationales et 11 écoles religieuses ; l’hôtel de ville de Port-au-Prince et le palais de justice ; et 1,700 kilomètres de route ». A cela, il faut ajouter la construction du Palais des Ministères et de la Faculté de médecine de Port-au-Prince.
L’occupant avait permis également d’améliorer considérablement le système d’adduction d'eau potable ; déjà en 1928, près de 10 villes du pays avaient un système complet d’alimentation en eau potable. Les communes qui ne pouvaient pas bénéficier d’un système d’adduction moderne recevaient l’eau par l’intermédiaire de puits équipés de pompes.
Dès 1915, l’assainissement des grandes villes du pays est apparu, aux yeux de l’occupant, comme une priorité. Dans ce contexte, on procéda au nettoyage des rues et à la collecte des immondices qui étaient placées dans des poubelles installées dans les coins de rue. Ces détritus étaient ensuite transportés hors des villes á l’aide de brouettes ou de tombereaux à mules ; par la suite des camions étaient utilisés dans le système de collecte et de transport des immondices. Déjà en 1924, Port-au-Prince disposait de 10 camions à fatras.
En 1915, le système national d’irrigation qui datait de l’époque coloniale était en très mauvais état ; en raison du manque d’entretien, les canalisations entaient bouchées et les barrages complètement endommagés par les inondations. En 1917, l’opération, la maintenance du système d’irrigation ainsi que la construction de nouveaux ouvrages avaient été placées sous la responsabilité de la Direction générale des Travaux publics. Entre 1917 et 1919, 7 projets d’irrigation avaient été exécutés permettant l’irrigation de 60 000 hectares de terre. Des études avaient été réalisées pour 15 projets additionnels devant permettre l’irrigation de 106 hectares de terre.
Dans le domaine de la navigation maritime, au moment de l’intervention, il n’existait en Haïti que quatre phares, trois à Port-au-Prince et une au Cap-Haïtien ; ce qui était largement insuffisant. En 1929, au total, il y avait en service dans le pays 15 phares dont l’allumage était assuré à l’acétylène en lieu et place du kérosène. Pour faciliter les activités d’importation et d’exportation, le wharf de Port-au-Prince, construit avant l’occupation, avait été renforcé par une structure en béton armé. Des réparations avaient été également effectuées dans les vieux ports de Port-de-Paix, des Gonaïves, de saint-Marc, de Petit-Goâve, du Cap-Haïtien et des Cayes. En 1925, un programme de construction de nouveaux wharfs avait démarré. Les villes de Saint-Marc, de Jacmel, de Jérémie et des Gonaïves avaient bénéficié de ces nouvelles constructions.
Avant l`occupation, il y avait à Port-au-Prince une petite compagnie privée de téléphone qui offrait des services locaux ; elle avait cessé ses opérations en 1911. Le service de télégraphe, propriété de l'État haïtien, opérait avec un réseau de 41 stations et environ 1 100 kilomètres de ligne en mauvais état. En 1922, un réseau moderne de télégraphie et de téléphonie avait été inauguré à Port-au-Prince, la première ville de l’Amérique latine à en disposer selon le professeur Sauveur P. Etienne. Le service avait été étendu aux villes du Cap-Haïtien, des Gonaïves, de Saint-Marc, de Petit-Goâve, de Jacmel et des Cayes. Le nouveau réseau avait permis une augmentation considérable des abonnés qui est passé de 104 en 1922 à 1,200 en 1929.
Il faut rappeler que, toujours selon le professeur Sauveur P. Etienne, tous ces travaux avaient été réalisés avec les ressources du Trésor public sans l’apport d’assistance étrangère.
Réforme des systèmes de santé et d’éducation
Selon le Dr. Ary Bordes, au moment du débarquement, « du point de vue hospitalier, les Américains trouvent un pays tout à fait démuni avec à Port-au-Prince, une seule institution publique, l’Hôpital militaire en vétusté et inefficient et deux petites institutions privées qui arrivent à peine à se donner un niveau technique acceptable. Les malades des villes de province n’ont point à leur disposition des facilités hospitalières. » En fait, en dehors de Port-au-Prince, il n’existait dans le pays, avant l’occupation, que des asiles pour pauvres, vieillards et infirmes.
Déjà en 1930, la politique sanitaire du gouvernement avait permis la construction de l’hôpital général de Port-au-Prince, de dix hôpitaux de district auxquels s’ajoutent les deux hôpitaux de la Garde d'Haïti et l’Asile des aliénés de Beudet. Autour de ces hôpitaux, il y avait également 133 dispensaires et 147 postes de cliniques rurales.
L’occupant a également facilité les activités de prévention de maladie par la promotion de mesures d’hygiène publique. L’État avait lancé les programmes de lutte contre certaines maladies endémiques comme la tuberculose, la malaria, la syphilis et les parasitoses intestinales. La campagne d’éradication du pian avait été lancée depuis l’époque de l’occupation.
Dans le domaine de l’éducation, l’occupant avait procédé à la réforme de la formation classique en privilégiant la formation des maîtres et la création de nouveaux établissements scolaires, particulièrement dans les villes de province. L’enseignement universitaire avait été amélioré par les réformes des écoles de médecine, d’agronomie, de droit ainsi que l’école de formation des infirmières et l’école normale. Mais, l’accent avait été mis surtout sur la formation technique par l’intermédiaire de 68 écoles techniques et de ferme-écoles sous la supervision du Service Technique d’Agriculture (STA). Ce choix n’avait pas été accepté par l’élite et un large secteur des classes moyennes qui développaient un certain dégoût pour les activités manuelles.
Ce bref rappel historique a le mérite de démontrer que l’occupant, peut-être sans délibérément le souhaiter, avait favorisé une véritable entreprise de reconstruction nationale à tous les niveaux. À ce sujet, le professeur Sauveur P. Etienne nous rappelle : « Les Américains posent véritablement les jalons de la modernisation politique, économique et sociale d’Haïti entre 1915 et 1934. Il appartient aux élites politiques locales d’assurer la relève au départ de l’occupant. » Ce qui n’a pas été fait ; et c’est peut-être l’occasion, dans le contexte actuel, de relancer les débats sur les relations de nos élites avec les Américains et la communauté internationale en général et surtout de reconsidérer les responsabilités des dirigeants locaux dans la crise que nous vivons aujourd’hui.
Annexe 8. Price-Mars Jean, Ainsi parla l’oncle. Essais d’ethnographie.
Annexe 8. Price-Mars Jean, Ainsi parla l’oncle. Essais d’ethnographie, New York, Parapsychology Foundation Inc., 1928 [http://classiques.uqac.ca/classiques/price_mars_jean/ainsi_parla_oncle/ainsi_parla_oncle.html]. Nouvelle édition, 1954, Ainsi parla l’oncle suivi de Revisiter l’oncle, Montréal, Mémoire d’Encrier, 2009. Sur Jean Price-Mars voir : Île en île [https://ile-en-ile.org/price-mars/]. Préface. Pétionville, le 15 décembre 1927.
Nous avons longtemps nourri l'ambition de relever aux yeux du peuple haïtien la valeur de son folklore. Toute la matière de ce livre n'est qu'une tentative d'intégrer la pensée populaire haïtienne dans la discipline de l'ethnographie traditionnelle.
Par un paradoxe déconcertant, ce peuple qui a eu, sinon la plus belle, du moins la plus attachante, la plus émouvante histoire du monde - celle de la transplantation d'une race humaine sur un sol étranger dans les pires conditions biologiques - ce peuple éprouve une gêne a peine dissimulée, voire quelque honte, à entendre parler de son passé lointain. C'est que ceux qui ont été pendant quatre siècles les artisans de la servitude noire parce qu'ils avaient a leur service la force et la science, ont magnifié l'aventure en contant que les nègres étaient des rebuts d'humanité, sans histoire, sans morale, sans religion, auxquels il fallait infuser n'importe comment de nouvelles valeurs morales, une nouvelle investiture humaine. Et lorsque a la faveur des crises de transmutation que suscita la Révolution française, la communauté d'esclaves de Saint-Domingue s'insurgea en réclamant des titres que personne jusque-là ne songeait à lui reconnaître, le succès de ses revendications fut pour elle tout a la fois un embarras et une surprise - embarras, inavoué d'ailleurs, du choix d'une discipline sociale, surprise d'adaptation d'un troupeau hétérogène a la vie stable du travail libre. Évidemment le parti le plus simple pour les révolutionnaires en mal de cohésion nationale était de copier le seul modèle qui s'offrit a leur intelligence. Donc, tant bien que mal, ils insérèrent le nouveau groupement dans le cadre disloque de la société blanche dispersée, et, ce fut ainsi que la communauté nègre d'Haïti revêtit la défroque de la civilisation occidentale au lendemain de 1804. Dès lors, avec une constance qu'aucun échec, aucun sarcasme, aucune perturbation n'a pu fléchir, elle s'évertua à réaliser ce qu'elle crut être son destin supérieur en modelant sa pensée et ses sentiments, à se rapprocher de son ancienne métropole, à lui ressembler, a s'identifier à elle. Tâche absurde et grandiose ! Tâche difficile, s'il en fut jamais !
Mais c'est bien cette curieuse démarche que la métaphysique de M. de Gaultier appelle un bovarysme collectif c'est-à-dire la faculté que s'attribue une société de se concevoir autre qu'elle n'est. Attitude étrangement féconde si cette société trouve en elle-même les ressorts d'une activité créatrice qui la hausse au-dessus d'elle-même parce qu'alors la faculté de se concevoir autre qu'elle n'est devient un aiguillon, un moteur puissant qui la presse à culbuter les obstacles dans sa voie agressive et ascensionnelle. Démarche singulièrement dangereuse si cette société alourdie d'impedimenta, trébuche dans les ornières des imitations plates et serviles, parce qu'alors elle ne parait apporter aucun tribut dans le jeu complexe des progrès humains et servira tôt ou tard du plus sûr prétexte aux nations impatientes d'extension territoriale, ambitieuses d'hégémonie pour la rayer de la carte du monde. Malgré des sursauts de redressement et des bouffées de clairvoyance, c'est par la mise en œuvre du second terme du dilemme qu'Haïti chercha une place parmi les peuples. Il y avait des chances que sa tentative fût considérée dénuée d'intérêt et d'originalité. Mais, par une logique implacable, au fur et à mesure que nous nous efforcions de nous croire des Français « colorés », nous désapprenions à être des Haïtiens tout court, c'est-à-dire des hommes nés en des conditions historiques déterminées, ayant ramassé dans leurs âmes, comme tous les autres groupements humains, un complexe psychologique qui donne à la communauté haïtienne sa physionomie spécifique. Dès lors, tout ce qui est authentiquement indigène - langage, mœurs, sentiments, croyances - devient-il suspect, entache de mauvais goût aux yeux des élites éprises de la nostalgie de la patrie perdue. À plus forte raison, le mot nègre, jadis terme générique, acquiert-il un sens péjoratif. Quant à celui « d'Africain », il a toujours été, il est l'apostrophe la plus humiliante qui puisse être adressée à un Haïtien. A la rigueur, l'homme le plus distingué de ce pays aimerait mieux qu'on lui trouve quelque ressemblance avec un Esquimau, un Samoyède ou un Toungouze plutôt que de lui rappeler son ascendance guinéenne ou soudanaise. Il faut voir avec quel orgueil quelques-unes des figures les plus représentatives de notre milieu évoquent la virtualité de quelque filiation bâtarde ! Toutes les turpitudes des promiscuités coloniales, les hontes anonymes des rencontres de hasard, les brèves pariades de deux paroxysmes sont devenues des titres de considération et de gloire. Quel peut être l'avenir, quelle peut être la valeur d'une société où de telles aberrations de jugement, de telles erreurs d'orientation se sont muées en sentiments constitutionnels ? Dur problème pour ceux qui réfléchissent et qui ont la tache de méditer sur les conditions sociales de notre milieu ! En tout cas, il apparaîtra au lecteur combien notre entreprise est téméraire d'étudier la valeur du folklore haïtien devant le public haïtien. Notre audace apparaîtra plus nette quand nous avouerons que c'est sous la forme de conférences de vulgarisation que nous avions conçu le dessein originel de ce livre. Au fait, nous jetâmes l'amorce de deux conférences sur la division du sujet qui nous sembla la plus accessible au public amateur de frivolités et de bagatelles. Pour le reste, nous jugeâmes plus opportun de lui réserver le cadre d'une monographie. Alors, nous modifiâmes le plan primitif et nous joignîmes bout à bout les essais qui sont ici réunis. Nous confessons sans tarder que de toute la matière du folklore les modalités des croyances populaires, leurs origines, leur évolution, leur manière d'être actuelle, les explications scientifiques qui découlent de leur mécanisme ont été les problèmes qui ont le plus vivement sollicité nos recherches. C'est pourquoi elles tiennent une plus grande place dans ce recueil. Les solutions auxquelles nous avons souscrit sont-elles définitives ? Nous n'avons garde de le prétendre. C'est l'éternel souci de l'esprit scientifique de ne jamais considérer que comme provisoires les conclusions auxquelles aboutit l'étude des phénomènes d'ordre biologiques selon les méthodes et les acquisitions les plus récentes de la science. Du moins nous nous sommes efforces d'utiliser les plus doctes travaux qui fussent susceptibles de nous aider a comprendre notre sujet dans ses modalités essentielles. Nous souhaitons que d'autres creusent plus avant le sillon et répandent une plus large profusion de semences...
Mais, nous dira-t-on, a quoi bon se donner tant de peine à propos de menus problèmes qui n'intéressent qu'une très infime minorité d'hommes, habitant une très infime partie de la surface terrestre ?
On a peut-être raison.
Nous nous permettrons d'objecter cependant que ni l'exiguïté de notre territoire, ni la faiblesse numérique de notre peuple ne sont motifs suffisants pour que les problèmes qui mettent en cause le comportement d'un groupe d'hommes soient indifférents au reste de l'humanité. En outre, notre présence sur un point de cet archipel américain que nous avons « humanisé », la trouée que nous avons faite dans le processus des événements historiques pour agripper notre place parmi les hommes, notre façon d'utiliser les lois de l'imitation pour essayer de nous faire une âme d'emprunt, la déviation pathologique que nous avons infligée au bovarysme des collectivités en nous concevant autre que nous ne sommes, l'incertitude tragique qu'une telle démarche imprime à notre évolution au moment où les impérialismes de tous ordres camouflent leurs convoitises sous des dehors de philanthropie, tout cela donne un certain relief à l'existence de la communauté haïtienne et, devant que la nuit vienne, il n'est pas inutile de recueillir les faits de notre vie sociale, de fixer les gestes, les attitudes de notre peuple, si humble soit-il, de les comparer à ceux d'autres peuples, de scruter leurs origines et de les situer dans la vie générale de l'homme sur la planète. Ils sont des témoins dont la déposition ne peut être négligeable pour juger la valeur d'une partie de l'espèce humaine.
Tel est, en dernière analyse, le sens de notre entreprise, et quel que soit l'accueil qu'on lui réserve, nous voulons qu'on sache que nous ne sommes pas dupes de son insuffisance et de sa précarité.
Pétionville, le 15 décembre 1927.
Annexe 9. Sylvain Georges, Dix années de lutte pour la liberté
Annexe 9. Sylvain Georges, Dix années de lutte pour la liberté, 1915-1925, Port-au-Prince, H. Deschamps, s.d., pp. 6-9, 79-80 et 141-149 [https://dloc.com/fr/AA00008908/00001].
Annexe 10. Extraits de la Constitution haïtienne du 19 juin 1918 et des amendements apportés par le plébiscite des 10 et 11 janvier 1928.
Annexe 10. Extraits de la Constitution haïtienne du 19 juin 1918 et des amendements apportés par le plébiscite des 10 et 11 janvier 1928, Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm].
Constitution du 19 juin 1918 | Constitution du 19 juin 1918, amendée par le plébiscite des 10 et 11 janvier 1928 | |
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Article 16 | Chacun a le droit d'exprimer ses opinions en toutes matières, d'écrire, d'imprimer et de publier ses pensées. Les écrits ne peuvent être soumis à aucune censure préalable. Les abus de ce droit sont définis et réprimés par la loi, sans qu'il puisse être porté atteinte à la liberté de la presse. | La liberté de la Presse est garantie, sous les conditions déterminées par la loi. |
Article 19 | Le jury est établi en matière criminelle et pour délit politique et de presse. | Le Jury est établi en matière criminelle, dans les cas qui seront déterminés par la loi. |
Article 96 | Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre public et les bonnes mœurs ; dans ce cas, le tribunal le déclare par jugement. En matière de délit politique et de presse, le huis clos ne peut être prononcé. | Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre public et les bonnes mœurs ; dans ce cas, le tribunal le déclare par jugement. En matière de délit politique et de presse, le huis clos ne peut être prononcé. |
Annexe 11. Évaluation diagnostic.
Nom : | |
Prénom : |
Compléter le tableau en choisissant quelques dates de l’histoire d’Haïti, de la Caraïbe et du monde et précisant en deux ou trois phrases les événements auxquels renvoient ces dates.
Date | Histoire d’Haïti et des Caraïbes | Histoire américaine | Histoire mondiale |
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... | ... | ... | ... |
Annexe 12. Extraits de journaux.
Annexe 12.1. Charles Moravia, La Plume, 25 août 1915, cité par Suzy Castor, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), 1988, p. 88 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/Castor_Suzy/Occupation_americaine_Haiti/Occupation_americaine_Haiti.html].
« Nous ne sommes pas en guerre contre les États-Unis, nous sommes en guerre contre l'humanité, que nous avons offensée depuis un siècle. Les Américains sont ennemis du despotisme souverain, et, pour empêcher sa restauration, ils ont occupé le pays ».
Annexe 12.2. Charles Moravia, La Plume, 1er septembre 1915, cité par François Blancpain, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999, p. 245.
« […] J’ai dit que ce peuple, par sa passivité devant le mal, est la cause de sa ruine et de sa décadence et qu’il doit faire son mea-culpa au lieu de s’aigrir contre les Américains qui ne sont pas venus conquérir notre pays mais s’interposer entre nos partis pour nous défendre contre nous-mêmes et nous remettre dans la voie perdue du progrès et de la civilisation […] Je dis que le patriotisme à l’heure actuelle doit être plutôt la haine des cacos que celle des Américains, car les actes seuls de ceux-là nous ont amenés ceux-ci […] »
Annexe 12.3. Le Temps, 6 juin 1926, à venir.
Annexe 13. Seligmann Herbert J., « The Conquest of Haiti »
Annexe 13. Seligmann Herbert J., « The Conquest of Haiti », The Nation, 111, July 10, 1920 [https://windowsonhaiti.com/windowsonhaiti/haiti_occupation_series_01.shtml], in « A dossier of articles from The Nation on the United States Occupation of Haiti, 1915-1934. Black history in white times », The Public Archive, 24 avril 2015.
To Belgium's Congo, to Germany's Belgium, to England's India and Egypt, the United States has added a perfect miniature in Haiti. Five years of violence in that Negro republic of the Caribbean, without sanction of international law or any law other than force, is now succeeded by an era in which the military authorities are attempting to hush up what has been done. The history of the American invasion of Haiti is only additional evidence that the United States is among those Powers in whose international dealings democracy and freedom are mere words, and human lives negligible in face of racial snobbery, political chicane, and money. The five years of American occupation, from 1915 to 1920, have served as a commentary upon the white civilization which still burns black men and women at the stake. For Haitian men, women, and children, to a number estimated at 3,000, innocent for the most part of any offense, have been shot down by American machine gun and rifle bullets; black men and women have been put to torture to make them give information; theft, arson, and murder have been committed almost with impunity upon the persons and property of Haitians by white men wearing the uniform of the United States. Black men have been driven to retreat to the hills from actual slavery imposed upon them by white Americans, and to resist the armed invader with fantastic arsenals of ancient horse pistols, Spanish cutlasses, Napoleonic sabres, French carbines, and even flintlocks. In this five years' massacre of Haitians less than twenty Americans have been killed or wounded in action.
Of all this Americans at home have been kept in the profoundest ignorance. The correspondent of the Associated Press in Cape Haitien informed me in April, 1920, that he had found it impossible in the preceding three years, owing to military censorship, to send a single cable dispatch concerning military operations in Haiti, to the United States. Newspapers have been suppressed in Port au Prince and their editors placed in jail on purely political grounds. Even United States citizens in Haiti told me of their fear that if they too frankly criticised "the Occupation," existence in Haiti would be made unpleasant for them. During my stay of something over a month in Haiti several engagements occurred between Haitian revolutionists and United States Marines. Early in April, Lieutenant Muth, of the Haitian gendarmery, was killed, his body mutilated, and a marine wounded. In that engagement, as in others which occurred within a few weeks of it, Haitian revolutionists or cacos suffered casualties of from five to twenty killed and wounded. No report of these clashes and casualties, so far as I know, has been published in any newspaper of the United States. The United States Government and the American military Occupation which has placed Haiti under martial law do not want the people of the United States to know what has happened in Haiti.
For this desire for secrecy there are the best of reasons. Americans have conceived the application of the Monroe Doctrine to be protection extended by the United States to weaker States in the western hemisphere, against foreign aggression. Under cover of that doctrine the United States has practiced the very aggressions and tyrannies it was pretending to fight to safeguard weaker states against. In 1915, during a riot in the capital of Haiti, in which President Vilbrun Guillaume Sam was killed, the mob removed a man from the sanctuary he had claimed in the French legation. It is said the French threatened to intervene, also that the German Government had, before the European war, demanded control of Haitian affairs. In justifying its invasion of Haiti in 1915, the United States makes use of the pretext with which the Imperial German Government justified its invasion of Belgium in 1914. The invasion was one of defense against any Power which, taking control of Haiti, a weaker state, might use its territory as a base for naval action against the Panama Canal or the United States.
Instead of maintaining a force of marines at Port au Prince sufficient to safeguard foreign legations and consulates against violence, the United States proceeded to assume control of the island. The American hold was fortified by a convention empowering the United States to administer Haitian customs and finance for twenty years, or as much longer as the United States sees fit; and by a revised constitution of Haiti removing the prohibition against alien ownership of land, thus enabling Americans to purchase the most fertile areas in the country. Thenceforward Haiti has been regarded and has been treated as conquered territory. Military camps have been built throughout the island. The property of natives has been taken for military use. Haitians carrying a gun were for a time shot at sight. Many Haitians not carrying guns were also shot at sight. Machine guns have been turned into crowds of unarmed natives, and United States marines have, by accounts which several of them gave me in casual conversation, not troubled to investigate how many were killed or wounded. In some cases Haitians peaceably inclined have been afraid to come to American camps to give up their weapons for fear they would be shot for carrying them.
The Haitians in whose service United States marines are presumably restoring peace and order in Haiti are nicknamed "Gooks" and have been treated with every variety of contempt, insult, and brutality. I have heard officers wearing the United States uniform in the interior of Haiti talk of "bumping off" (i.e., killing) "Gooks" as if it were a variety of sport like duck hunting. I heard one marine boast of having stolen money from a peaceable Haitian family in the hills whom he was presumably on patrol to protect against "bandits." I have heard officers and men in the United States Marine Corps say they thought the island should be "cleaned out"; that all the natives should be shot; that shooting was too good for them; that they intended taking no prisoners; that many of those who had been taken prisoners had been "allowed to escape," that is, shot on the pretext that they had attempted flight. I have seen prisoners' faces and heads disfigured by beatings administered to them and have heard officers discussing those beatings; also a form of torture -- "sept" -- in which the victim's leg is compressed between two rifles and the pressure against the shin increased until agony forced him to speak. I know that men and women have been hung by the neck until strangulation impelled them to give information. I have in my possession a copy of a "bon habitant" (good citizen) pass which all Haitians in the interior have been required to carry and present to any marine who might ask to inspect it. Failure to carry the pass formerly involved being shot or arrested. Arrest for trivial offenses has involved detention in Cape Haitien and Port au Prince for as long as six months. In justice to the officers and men of the Marine Corps, it should he said that many of them detest what they have had to do in Haiti. One officer remarked to me that if he had to draw a cartoon of the occupation of Haiti he would represent a black man held down by a white soldier, while another white man went through the black man's pockets. Other officers and men have criticised the entire Haitian adventure as a travesty upon humanity and civilization and as a lasting disgrace to the United States Marine Corps. But the prevailing attitude of mind among the men sent to assist Haiti has been such determined contempt for men of dark skins that decency has been almost out of the question. The American disease of color prejudice has raged virulently.
The occupation points with pride to military roads. These roads were in large part built by Haitian slaves -- I intend the word literally -- under American taskmasters. An old Haitian law of corvée, or enforced road labor, rarely if ever invoked, authorizing three days' work in each year on roads about the citizen's domicile, was made the excuse for kidnaping thousands of Haitians from their homes -- when they had homes -- forcing them to live for months in camps, insufficiently fed, guarded by United States marines, rifle in hand. When Haitians attempted to escape this dastardly compulsion, they were shot. I heard ugly whispers in Haiti of the sudden accumulation of funds by American officers of the Haitian gendarmery who had the responsibility of providing food for these slave camps. Charlemagne Peralte, an important political leader under the Zamor Government, arrested for political activity, was forced to labor in prison garb on the streets of Cape Haitien, where he was well known. He escaped in September, 1918, flaming with hatred and became known throughout Haiti as Charlemagne, one of the most resourceful of revolutionary leaders in the Hinche district until he was killed in the autumn of 1919. It is no coincidence that his power was greatest and the revolt severest in the regions where the corvée slavery had been most in use.
Colonel John Russell, at present brigade commander in Haiti, who is struggling with an impossibly difficult situation, largely created by his predecessors, formally abolished the corvée late in 1919. That was not undoing the damage which had been done. Colonel Russell could not, even by issuing the most stringent orders against indiscriminate murder of Haitians by marines, wipe out what had occurred under a former commanding officer who had been sent to Haiti although it was in his record that he had been court-martialled for brutality to natives in the Philippines.
Another creation of the Americans in Haiti, although it is now improved in personnel and leadership, fanned the flames of hatred and violence which swept the island. I refer to the Gendarmerie d'Haiti. This is a military force of black men, officered with one or two exceptions by corporals and sergeants of the Marine Corps promoted to lieutenancies and captaincies over Haitians. Many of the white men were ignorant and brutal. Some of the Haitians enlisted in the gendarmerie were notorious bad men. Several of them have been shot for murder and extortion among their own people.
The armed peace which has resulted from the conquest of Haiti by the United States has opened a new field for American investors. Already the Banque Nationale d'Haiti, the bank of issue of all Haitian paper currency, is owned by an American bank. The National Railways of Haiti are owned by Americans. Sugar mills and lighting plants are in American control. Groups of Americans are purchasing or are endeavoring to purchase the most fertile land in the country. The representative of one company told me they owned 58,000 acres. In this scheme of American "protection" of Haitian welfare, the Haitian's place is illuminated by a remark which I heard one American entrepreneur make. He advocated that Chinese coolies be imported to supplant uninstructed Haitian labor.
After an indefensible invasion of a helpless country, after the professions of solicitude and good-will which accompanied the crime, what has the United States to offer in extenuation? Military roads, which the Haitian people do not particularly want, a civil hospital in Port au Prince, and the Haitian Gendarmerie. The present Government of Haiti which dangles from wires pulled by American fingers, would not endure for twenty-four hours if United States armed forces were withdrawn; and the president, Sudre d'Artiguenave, would face death or exile. No beginning has been made in combating with teachers the appalling illiteracy of the Haitian people. No attempt has been made to send civilian doctors or even military doctors to minister to the needs of diseased Haitians in the interior. These sins of commission and of omission are attributable less to the men confronted with the overwork and the difficulties, and often with the inferior food which their Government sends them, in Haiti, than to an Administration, and especially a State Department ready to countenance armed invasions without plan and to undertake, by a nation which has signally failed in administering its own color problem, the government of a black republic.
The jumble of jurisdictions imposed upon Americans in Haiti by the irresponsible gentlemen in Washington would paralyze even a genuine attempt at regeneration of Haitian government. The customs receipts and the disbursements of Haiti are administered by two Americans independent of the military command. Of the customs administration, suffice it to say that not one business man to whom I talked, and there were prominent Americans as well as Haitians among my informants, had a word to say in its favor. There is no appeal from the scrupulously inept customs rulings except to Washington. The fiction of a Haitian republic is maintained, although the American military command can suppress newspapers and virtually controls Haitian politics and elections. The Haitian Government, such as it is, either yields perforce to American pressure or finds itself in feeble and ineffectual opposition. The gendarmerie, theoretically under the Haitian Government's command, is officered by American marines, paid by both Haiti and the United States.
This militarist, imperialist burlesque on the profession, with which the United States entered the war in behalf of weaker states leaves the Haitians little to do but to wonder what the United States intends. If they had power, they would drive the armed invader into the sea. They have not the power. They are disarmed and cynical, those who can think. If Haitian government was not conspicuously successful, lives of Americans and other foreigners were safe before the invasion. For the rest, in the absence of an plans for Haiti's regeneration except through "development" of the country by exploiters, the Haitian may derive what spiritual nourishment he can from the Wilsonian phrases with which United States thuggery disguises its deeds.
Proposition de traduction :
Au Congo belge, à la Belgique allemande, à l'Inde et à l'Égypte anglaises, les États-Unis ont ajouté une miniature parfaite en Haïti. Cinq années de violence dans cette république noire des Caraïbes, sans sanction du droit international ou de toute loi autre que la force, ont maintenant succédé une époque où les autorités militaires tentent d'étouffer ce qui a été fait. L’histoire de l’invasion américaine d’Haïti n’est qu’une preuve supplémentaire que les États-Unis font partie de ces puissances dans les relations internationales pour lesquelles la démocratie et la liberté ne sont que de simples mots et les vies humaines sont négligeables face au snobisme racial, aux chicanes politiques et à l’argent. Les cinq années d’occupation américaine, de 1915 à 1920, ont servi de commentaire sur la civilisation blanche qui brûle encore sur le bûcher des hommes et des femmes noirs. Car des hommes, des femmes et des enfants haïtiens, au nombre estimé à 3 000, innocents pour la plupart de tout délit, ont été abattus par des balles de mitrailleuses et de fusils américains ; des hommes et des femmes noirs ont été torturés pour leur faire donner des informations ; des vols, des incendies criminels et des meurtres ont été commis presque impunément sur les personnes et les biens des Haïtiens par des hommes blancs portant l'uniforme des États-Unis. Les hommes noirs ont été poussés à se retirer dans les collines pour échapper à l'esclavage qui leur était imposé par les Américains blancs et à résister à l'envahisseur armé avec de fantastiques arsenaux composés d'anciens pistolets à cheval, de coutelas espagnols, de sabres napoléoniens, de carabines françaises et même de fusils à silex. Au cours de ces cinq années de massacre d'Haïtiens, moins de vingt Américains ont été tués ou blessés au combat.
De tout cela, les Américains chez eux ont été maintenus dans la plus profonde ignorance. Le correspondant de l'Associated Press au Cap-Haïtien m'informa en avril 1920 qu'il lui avait été impossible, au cours des trois années précédentes, en raison de la censure militaire, d'envoyer aux États-Unis un seul télégramme concernant les opérations militaires en Haïti. Des journaux ont été supprimés à Port-au-Prince et leurs rédacteurs en chef ont été emprisonnés pour des raisons purement politiques. Même les citoyens américains en Haïti m'ont fait part de leur crainte que s'ils critiquaient trop franchement « l'occupation », l'existence en Haïti leur serait rendue désagréable. Au cours de mon séjour d'environ plus d'un mois en Haïti, plusieurs combats ont eu lieu entre des révolutionnaires haïtiens et des Marines américains. Début avril, le lieutenant Muth, de la gendarmerie haïtienne, a été tué, son corps mutilé et un marin blessé. Dans cet engagement, comme dans d'autres qui ont eu lieu quelques semaines après, les révolutionnaires haïtiens ou cacos ont subi entre cinq et vingt morts et blessés. À ma connaissance, aucun rapport sur ces affrontements et ces victimes n'a été publié dans aucun journal des États-Unis. Le gouvernement des États-Unis et l'occupation militaire américaine qui a placé Haïti sous la loi martiale ne veulent pas que le peuple des États-Unis sache ce qui s'est passé en Haïti.
Ce désir de secret a les meilleures raisons. Les Américains ont conçu l’application de la doctrine Monroe comme une protection accordée par les États-Unis aux États les plus faibles de l’hémisphère occidental contre toute agression étrangère. Sous le couvert de cette doctrine, les États-Unis ont pratiqué les mêmes agressions et tyrannies contre lesquelles ils prétendaient lutter pour protéger les États les plus faibles. En 1915, lors d'une émeute dans la capitale d'Haïti, au cours de laquelle le président Vilbrun Guillaume Sam fut tué, la foule expulsa un homme du sanctuaire qu'il avait revendiqué dans la légation française. On dit que les Français ont menacé d'intervenir et que le gouvernement allemand avait, avant la guerre européenne, exigé le contrôle des affaires haïtiennes. En justifiant leur invasion d'Haïti en 1915, les États-Unis utilisent le prétexte avec lequel le gouvernement impérial allemand justifiait son invasion de la Belgique en 1914. L'invasion était une invasion de défense contre toute puissance qui, prenant le contrôle d'Haïti, un État plus faible , pourrait utiliser son territoire comme base pour une action navale contre le canal de Panama ou contre les États-Unis.
Au lieu de maintenir à Port-au-Prince une force de marine suffisante pour protéger les légations et consulats étrangers contre la violence, les États-Unis ont pris le contrôle de l'île. L'emprise américaine a été renforcée par une convention autorisant les États-Unis à administrer les douanes et les finances haïtiennes pendant vingt ans, ou aussi longtemps que les États-Unis le jugent opportun ; et par une constitution révisée d'Haïti supprimant l'interdiction contre la propriété étrangère des terres, permettant ainsi aux Américains d'acheter les zones les plus fertiles du pays. Désormais Haïti est considéré et traité comme un territoire conquis. Des camps militaires ont été construits dans toute l'île. Les biens des indigènes ont été confisqués à des fins militaires. Des Haïtiens armés d'une arme à feu ont été pendant un certain temps abattus à vue. De nombreux Haïtiens non armés ont également été abattus à vue. Les mitrailleuses ont été transformées en foules d'indigènes non armés, et les marines américains, d'après les récits que plusieurs d'entre eux m'ont donnés au cours d'une conversation informelle, ne se sont pas souciés de vérifier combien ont été tués ou blessés. Dans certains cas, des Haïtiens enclins à la paix ont eu peur de venir dans les camps américains pour rendre leurs armes, de peur d'être abattus s'ils les portaient.
Les Haïtiens au service desquels les marines américains sont censés restaurer la paix et l'ordre en Haïti sont surnommés « Gooks » et ont été traités avec toutes sortes de mépris, d'insultes et de brutalité. J'ai entendu des officiers portant l'uniforme américain à l'intérieur d'Haïti parler de « tuer » des « Gooks » comme s'il s'agissait d'une variété de sports comme la chasse au canard. J'ai entendu un marine se vanter d'avoir volé de l'argent à une famille haïtienne paisible dans les collines, qu'il patrouillait probablement pour protéger contre les « bandits ». J'ai entendu des officiers et des hommes du Corps des Marines des États-Unis dire qu'ils pensaient que l'île devrait être « nettoyée » ; que tous les indigènes seraient fusillés ; ce tir était trop beau pour eux ; qu'ils avaient l'intention de ne faire aucun prisonnier ; que beaucoup de ceux qui avaient été faits prisonniers avaient été « autorisés à s'évader », c'est-à-dire fusillés sous prétexte qu'ils avaient tenté de s'enfuir. J'ai vu des visages et des têtes de prisonniers défigurés par les coups qui leur ont été infligés et j'ai entendu des policiers discuter de ces coups ; Il s'agit également d'une forme de torture - le "sept" - dans laquelle la jambe de la victime est comprimée entre deux fusils et la pression sur le tibia augmente jusqu'à ce que l'agonie l'oblige à parler. Je sais que des hommes et des femmes ont été pendus par le cou jusqu'à ce qu'ils soient étranglés pour donner des informations. J'ai en ma possession une copie d'un laissez-passer de « bon habitant » que tous les Haïtiens de l'intérieur doivent porter et présenter à tout marin qui pourrait demander à l'inspecter. Le fait de ne pas porter le laissez-passer impliquait auparavant d'être abattu ou arrêté. Les arrestations pour des délits insignifiants ont entraîné une détention au Cap-Haïtien et à Port-au-Prince pendant des périodes allant jusqu'à six mois. Pour rendre justice aux officiers et aux hommes du Corps des Marines, il faut dire que beaucoup d'entre eux détestent ce qu'ils ont eu à faire en Haïti. Un officier m'a fait remarquer que s'il devait dessiner une caricature de l'occupation d'Haïti, il représenterait un homme noir retenu par un soldat blanc, tandis qu'un autre homme blanc fouillerait dans les poches de l'homme noir. D’autres officiers et hommes ont critiqué toute l’aventure haïtienne comme une parodie de l’humanité et de la civilisation et comme une honte durable pour le Corps des Marines des États-Unis. Mais l'attitude d'esprit dominante parmi les hommes envoyés pour aider Haïti a été un mépris si déterminé envers les hommes à la peau foncée que la décence est presque hors de question. La maladie américaine des préjugés de couleur fait rage avec virulence.
L’occupation montre avec fierté les routes militaires. Ces routes ont été en grande partie construites par des esclaves haïtiens – j’entends le mot littéralement – sous la direction de maîtres d’œuvre américains. Une vieille loi haïtienne de corvée, ou travaux routiers forcés, rarement invoquée, voire jamais, autorisant trois jours de travail par an sur les routes autour du domicile du citoyen, a servi de prétexte pour enlever des milliers d'Haïtiens de chez eux -- alors qu'ils avaient des maisons. -- les obligeant à vivre des mois dans des camps, insuffisamment nourris, gardés par des marines américains, fusil à la main. Lorsque les Haïtiens ont tenté d'échapper à cette ignoble contrainte, ils ont été abattus. J'ai entendu de vilaines rumeurs en Haïti sur la soudaine accumulation de fonds par des officiers américains de la gendarmerie haïtienne qui avaient la responsabilité de fournir de la nourriture à ces camps d'esclaves. Charlemagne Peralte, un important dirigeant politique du gouvernement Zamor, arrêté pour activités politiques, a été contraint de travailler en tenue de prison dans les rues du Cap-Haïtien, où il était bien connu. Il s'enfuit en septembre 1918, enflammé de haine et devint connu dans tout Haïti sous le nom de Charlemagne, l'un des dirigeants révolutionnaires les plus ingénieux du district de Hinche jusqu'à ce qu'il soit tué à l'automne 1919. Ce n'est pas un hasard si son pouvoir était le plus grand et la révolte la plus sévère dans les régions où l'esclavage de la corvée avait été le plus pratiqué.
Le colonel John Russell, actuellement commandant de brigade en Haïti, aux prises avec une situation incroyablement difficile, en grande partie créée par ses prédécesseurs, a officiellement aboli la corvée à la fin de 1919. Cela ne réparait pas les dégâts causés. Le colonel Russell ne pouvait pas, même en émettant les ordres les plus stricts contre le meurtre aveugle d'Haïtiens par des marines, effacer ce qui s'était passé sous le règne d'un ancien commandant envoyé en Haïti, même s'il figurait dans son dossier qu'il avait été traduit en cour martiale pour brutalité envers les indigènes des Philippines.
Une autre création des Américains en Haïti, bien qu'elle soit désormais améliorée en termes de personnel et de leadership, a attisé les flammes de la haine et de la violence qui ont balayé l'île. Je fais référence à la Gendarmerie d'Haïti. Il s'agit d'une force militaire composée d'hommes noirs, dirigée, à une ou deux exceptions près, par des caporaux et des sergents du Corps des Marines promus lieutenances et capitaineries auprès des Haïtiens. Beaucoup d’hommes blancs étaient ignorants et brutaux. Certains des Haïtiens enrôlés dans la gendarmerie étaient des hommes notoirement méchants. Plusieurs d’entre eux ont été abattus pour meurtre et extorsion de fonds au sein de leur propre peuple.
La paix armée issue de la conquête d'Haïti par les États-Unis a ouvert un nouveau champ aux investisseurs américains. Déjà la Banque Nationale d'Haïti, la banque d'émission de tout le papier-monnaie haïtien, appartient à une banque américaine. Les chemins de fer nationaux d'Haïti appartiennent à des Américains. Les sucreries et les usines d’éclairage sont sous contrôle américain. Des groupes d’Américains achètent ou tentent d’acheter les terres les plus fertiles du pays. Le représentant d'une entreprise m'a dit qu'elle possédait 58 000 acres. Dans ce projet américain de « protection » du bien-être haïtien, la place de l’Haïtien est éclairée par une remarque que j’ai entendu faire par un entrepreneur américain. Il préconisait que les coolies chinois soient importés pour supplanter la main-d'œuvre haïtienne non instruite.
Après une invasion indéfendable d’un pays sans défense, après les professions de sollicitude et de bonne volonté qui ont accompagné le crime, qu’ont les États-Unis à offrir en guise d’atténuation ? Des routes militaires, dont le peuple haïtien ne veut pas particulièrement, un hôpital civil à Port-au-Prince et la gendarmerie haïtienne. Le gouvernement actuel d'Haïti, qui pend à des fils tirés par les doigts américains, ne tiendrait pas vingt-quatre heures si les forces armées américaines se retiraient ; et le président, Sudre d'Artiguenave, risquait la mort ou l'exil. Aucun début n'a été fait dans la lutte avec les enseignants contre l'effroyable analphabétisme du peuple haïtien. Aucune tentative n'a été faite pour envoyer des médecins civils ou même des médecins militaires pour répondre aux besoins des Haïtiens malades à l'intérieur du pays. Ces péchés de commission et d'omission sont moins imputables aux hommes confrontés au surmenage et aux difficultés, et souvent à la nourriture de qualité inférieure que leur envoie leur Gouvernement, en Haïti, qu'à une Administration, et surtout un Département d'État prêt à accepter des armes armées. des invasions sans plan et d'entreprendre, par une nation qui a manifestement échoué dans la gestion de son propre problème de couleur, le gouvernement d'une république noire.
Le fouillis de juridictions imposées aux Américains en Haïti par des messieurs irresponsables à Washington paralyserait même une véritable tentative de régénération du gouvernement haïtien. Les recettes douanières et les décaissements d'Haïti sont administrés par deux Américains indépendants du commandement militaire. À propos de l’administration des douanes, il suffit de dire qu’aucun homme d’affaires avec qui j’ai parlé, et parmi mes informateurs il y avait d’éminents Américains ainsi que des Haïtiens, n’a eu un mot à dire en sa faveur. Il n’y a aucun appel contre les décisions douanières scrupuleusement ineptes, sauf auprès de Washington. La fiction d’une république haïtienne perdure, même si le commandement militaire américain peut supprimer les journaux et contrôler virtuellement la politique et les élections haïtiennes. Le gouvernement haïtien, tel qu'il est, soit cède forcément à la pression américaine, soit se retrouve face à une opposition faible et inefficace. La gendarmerie, théoriquement sous le commandement du gouvernement haïtien, est dirigée par des marines américains, payés à la fois par Haïti et par les États-Unis.
Ce burlesque militariste et impérialiste sur la profession, avec lequel les États-Unis sont entrés en guerre au nom des États les plus faibles, laisse aux Haïtiens peu d’autre choix que de se demander quelles sont les intentions des États-Unis. S’ils avaient le pouvoir, ils chasseraient l’envahisseur armé à la mer. Ils n’en ont pas le pouvoir. Ils sont désarmés et cyniques, ceux qui savent penser. Si le gouvernement haïtien n’a pas connu un succès retentissant, la vie des Américains et des autres étrangers était en sécurité avant l’invasion. Pour le reste, en l’absence de plans de régénération d’Haïti autrement que par le « développement » du pays par des exploiteurs, l’Haïtien peut tirer toute la nourriture spirituelle qu’il peut des phrases wilsoniennes avec lesquelles la brutalité américaine déguise ses actes.
Annexe 14. Rapport de Louis Borno à la Commission d’enquête Medill Mc Cormick
Annexe 14. Rapport de Louis Borno à la Commission d’enquête Medill Mc Cormick, novembre 1921, cité par François Blancpain, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999, pp. 146-150.
Messieurs,
Vous m'avez fait l'honneur de me demander mon opinion sur l'œuvre américaine en Haïti. Je vous la donne ici, sans phrase, brièvement.
I. Sur le maintien de l'occupation :
En attendant qu'une force publique haïtienne, sérieusement organisée, puisse garantir le maintien de l'ordre indispensable au développement du pays, l'occupation doit se poursuivre. Mais il importe d'organiser sérieusement cette force publique haïtienne, notamment en y facilitant aux Haïtiens capables et recommandables l'accès aux grades supérieurs.
II. Sur les actes de cruauté qui ont été commis :
Il est hors de doute que des actes déplorables ont été accomplis par certains officiers américains, entre autres, la destruction du village des "Crochus", destruction qui n'a pas d'excuses légitimes. Cependant, l'opinion impartiale n'attribue pas ces actes au gouvernement et au peuple des Etats-Unis. Ce sont des faits individuels ; ils appellent une répression et une réparation, qui donnent satisfaction aux victimes et au peuple d'Haïti, et qui affirment devant le monde le haut idéal de justice du peuple des Etats-Unis.
III. Sur l'intention, attribuée à certains Américains, de réclamer une intervention des Etats-Unis dans l'administration de la Justice et de l'Instruction Publique :
Celle intention, contre laquelle l'opinion haïtienne est unanime, doit être abandonnée, parce que
a) en ce qui concerne la Justice, s'il est vrai que certains juges de nos tribunaux inférieurs déparent la magistrature, ce sont des exceptions. Dans tous les cas, le gouvernement peut très bien y remédier lui-même. II est d'ailleurs juste de faire observer que, pour ce qui est spécialement des juges de paix, le salaire qui leur est payé est dérisoire et ne peut être accepté par des hommes de réelle valeur sociale et intellectuelle ;
b) en ce qui est de l'Instruction Publique, notre organisation est bonne et il y a peu de chose à faire pour qu'elle soit excellente. Si le personnel est, en partie, inadéquat à sa tâche, c'est que, là surtout, le salaire est ridicule. Peut-on, dans nos campagnes, exiger de la compétence et du dévouement pour un salaire mensuel de 4 à 5 dollars?
IV. Sur l'exécution de la Convention de I915 :
Cette Convention a pour objet :
1) d'assurer l'ordre, la paix publique en Hatti. Cela est obtenu : et c'est un grand bienfait dont nous sommes redevables aux Etats-Unis.
2) de restaurer les finances d'Haïti, d'y effectuer de grands travaux publics, d'hygiène et autres, de développer les ressources économiques du pays (agriculture, commerce, mines, etc.), et de procurer, en un mot, à Haïti, la prospérité matérielle. De ce côté, des résultats notables n'ont été obtenus qu'en ce qui concerne l'hygiène publique, qui est aujourd'hui mieux assurée, et les routes publiques qui ont été réparées en bonne partie.
Quant à la situation financière et économique, elle est peu brillante. Il est vrai qu'elle se ressent, comme partout ailleurs, de la crise résultant de la guerre ; mais des mesures doivent être prises, sans plus tarder, sous peine de voir considérer l'intervention américaine comme une lamentable faillite.
Le programme à exécuter devrait comprendre, à mon avis :
1. un emprunt important (25 à 30 millions de dollars), pour racheter la dette extérieure en francs, permettre d'entreprendre les grands travaux publics (routes, ponts, irrigation, travaux de port, wharfs), indispensables au développement du commerce el de l'agriculture, à l'exploitation de nos forêts, de notre sous-sol, à la mise en valeur du domaine de l'Etat, source de revenus publics ;
2. La consolidation de cette dette flottante ; le régulier de toute la dette intérieure ;
3. une réforme de notre système d'impôts, comportant de nouvelles taxes et un meilleur aménagement de certaines taxes actuelles (enregistrement, douanes, biens domaniaux), et permettant d'aboutir, par une réduction progressive, à la suppression des droits d'exportation sur les produits nationaux ;
4. des mesures diverses (enseignement agricole pratique, contrôle effectif de la préparation des denrées et fruits, etc.) en vue d'améliorer, en qualité et quantité, notre production de café, de cacao, de coton, et en vue de promouvoir la culture étendue et l'exportation des fruits du pays ;
5. une législation foncière, donnant complète sécurité aux titres de propriété (création des livres fonciers), améliorant le régime hypothécaire, favorisant le crédit foncier et agricole.
Tels sont les points essentiels d'un programme de restauration financière et économique, auquel le gouvernement américain pourrait et devrait, en vertu de l'article Ier du Traité, nous aider à mettre la main, et dont la réalisation serait profitable aux deux pays, au double point de vue moral et matériel.
Or, si je comprends bien les choses, il me semble que ce double intérêt ne peut être que très mal servi par des pratiques de nature à pousser les Haïtiens à détester le gouvernement et le peuple des Etats-Unis, et par une méthode de coopération qui met obstacle à la réalisation des réformes nécessaires.
Il importe donc :
a) que les chefs américains (occupation et gendarmerie) veillent avec soin à ce que leurs subordonnés ne maltraitent pas les Haïtiens,
b) que les représentant de l’action américaine (chef de l'occupation, conseiller financier, receveur général, ingénieurs et autres) ne portent pas atteinte à la dignité des membres du gouvernement et, en général, des Haïtiens respectables qui peuvent être en rapport avec eux : qu'ils réalisent, vraiment, avec l'autorité haïtienne, la coopération cordiale dont parle le Traité de 1915,
c) que la stérile méthode de collaboration qui consiste à expédier à Washington tous les projets de l'administration haïtienne, soit abandonnée et remplacée par une méthode de travail qui fournisse des solutions sur place. En d'autres termes, organiser à Port-au-Prince une coopération américano-haïtienne effective, en conférant, par exemple, à un ministre américain de choix, de compétence et de droiture reconnues, les pouvoirs à cette fin
d) que les lois qui organisent le contrôle des recettes et des dépenses publiques, et qui ne sont pas contraires au Traité, s'imposent aux agents américains. Quand j'étais secrétaire d'Etat des Finances en 1918, j'ai constaté que toutes les recettes de la République, provenant du service des télégraphes, étaient encaissées à la Banque Nationale, non point au compte de l'Etat haïtien, mais au compte personnel de Mr Thompson, un subordonné de l'ingénieur chef américain. J'ai dû mettre fin à une pareille irrégularité.
Le respect des règles qui protègent les deniers de l'Etat évitera beaucoup de conflits, de malentendus et de gaspillages
J'en ai assez dit pour donner une idée de la situation existante, de ce qu'elle a de bon, de ce qu'elle a de mauvais, et de ce qu'il faudrait faire pour améliorer le bien et remédier au mal.
Signé Louis Borno
Annexes 15.
Annexe 15.1. Inquiry Info Occupation and Administration of Haiti and Santo Domingo. Hearings before a Select Committee on Haiti on Santo Domingo, United States Senate, 67th Congress, Washington, Government Printing Office, 1922 [consultable en Google Book].
WASHINGTON, D. C., January 5, 1920.
Statement of Lieut. Col. A. S. Williams, United States Marine Corps, relative to certain irregularities alleged to have been committed by officers and enlisted men in the Republic of Haiti:
1. I was placed on duty in connection with the organization of the gendarmerie in August or September, 1915; I was commissioned by the President of Haiti as assistant chief of the gendarmerie about the middle of 1917. In that capacity I served until May, 1918, when I was commissioned chief of the gendarmerie, relieving Gen. S. D. Butler at that date. Gen. Butler had been on leave for about two months prior to this, so that my actual conduct of gendarmerie affairs began about March, 1918. I served as chief of the gendarmerie until July 19, 1919, when I was relieved and ordered to the United States.
2. In order to build certain public roads which were considered necessary for the commercial development of Haiti and also for the military control of the Republic, free labor, known as corvee, was used. This free labor was available by virtue of certain provisions of the Haitian laws contained in the Code Rural. The necessities of the public works demanded a greater supply of labor than was available in any one locality, and it was therefore necessary in obtaining the supply of labor to ignore, to a certain extent, the letter of the law bearing on this matter. This consisted principally in ignoring that pro vision of the law which provided that country people were to work in or near the locality in which they lived, in holding them for longer periods than the law permitted, and on work not contemplated by law.
The results of this exploitation of labor were two: First, it created in the minds of the peasants a dislike for the American occupation and its two instruments - the marines and the gendarmerie - and, second, imbued the native enlisted man with an entirely false conception of his relations with the civil population. As the corvee became more and more unpopular, more and more difficulty was experienced in obtaining men; and this difficulty caused the gendarme to resort to methods which were often brutal but quite consistent with their training under Haitian officials. I soon realized that one of the great causes of American unpopularity among the Haitians was the corvee and determined to put a stop to the practice. For various reasons it was not considered a good policy to stop it before certain road work had been completed. After consultation with the military commander, the American minister, American treaty officials, the President of Haiti, and his cabinet, I announced that corvee would shortly entirely cease. This announcement, if my memory serves me, was followed by a formal announcement that corvee would cease; and in October, 1918, I think, I issued an order definitely stopping all corvee of any sort throughout Haiti. This order was not issued by the President of Haiti, but was issued by myself, on my own responsibility. The order was enthusiastically received not only by the Haitians but by the gendarmerie officials in general, practically all of whom realized the evils which corvee had brought about, and welcomed the opportunity to reestablish themselves in the good graces of the inhabitants as well as to take up their more legitimate work of organizing and training a military police.
Traduction :
WASHINGTON, D.C., 5 janvier 1920.
Déclaration du lieutenant. Colonel A. S. Williams, Corps des Marines des États-Unis, concernant certaines irrégularités qui auraient été commises par des officiers et des hommes de troupe en République d'Haïti :
J'ai été mis en service dans le cadre de l'organisation de la gendarmerie en août ou septembre 1915 ; J'ai été nommé chef adjoint de la gendarmerie par le président d'Haïti vers le milieu de l'année 1917. À ce titre, j'ai servi jusqu'en mai 1918, date à laquelle j'ai été nommé chef de la gendarmerie, remplaçant le général S. D. Butler à cette date. Le général Butler était en congé depuis environ deux mois auparavant, de sorte que ma conduite réelle des affaires de gendarmerie a commencé vers mars 1918. J'ai servi comme chef de la gendarmerie jusqu'au 19 juillet 1919, date à laquelle j'ai été relevé et envoyé au poste de commandement. États-Unis.
Afin de construire certaines voies publiques jugées nécessaires au développement commercial d'Haïti mais aussi au contrôle militaire de la République, on a eu recours à la main d'œuvre libre, connue sous le nom de corvée. Cette main d'œuvre gratuite était disponible en vertu de certaines dispositions des lois haïtiennes contenues dans le Code Rural. Les nécessités des travaux publics exigeaient une plus grande quantité de main-d'œuvre que celle disponible dans aucune localité, et il était donc nécessaire, pour obtenir la quantité de main-d'œuvre, d'ignorer, dans une certaine mesure, la lettre de la loi portant sur cette question. Cela consistait principalement à méconnaître la disposition de la loi qui prévoyait que les gens des campagnes devaient travailler dans ou à proximité de la localité où ils vivaient, à les retenir pendant des périodes plus longues que la loi ne le permettait, et à effectuer des travaux non prévus par la loi.
Les résultats de cette exploitation du travail ont été doubles : premièrement, elle a créé dans l'esprit des paysans une aversion pour l'occupation américaine et ses deux instruments - les marines et la gendarmerie - et, deuxièmement, elle a imprégné l'homme enrôlé indigène d'une idée entièrement fausse. conception de ses relations avec la population civile. A mesure que la corvée devenait de plus en plus impopulaire, on éprouvait de plus en plus de difficultés à recruter des hommes ; et cette difficulté a amené les gendarmes à recourir à des méthodes souvent brutales mais tout à fait conformes à leur formation auprès des responsables haïtiens. Je me suis vite rendu compte que l'une des grandes causes de l'impopularité américaine parmi les Haïtiens était la corvée et j'ai décidé de mettre un terme à cette pratique. Pour diverses raisons, il n'a pas été considéré comme une bonne politique de l'arrêter avant que certains travaux routiers ne soient terminés. Après avoir consulté le commandant militaire, le ministre américain, les responsables des traités américains, le président d'Haïti et son cabinet, j'ai annoncé que la corvée cesserait bientôt complètement. Cette annonce, si ma mémoire est bonne, fut suivie d'une annonce formelle de la fin de la corvée ; et en octobre 1918, je crois, j'ai émis un ordre interdisant définitivement toute corvée de quelque sorte que ce soit à travers Haïti. Cet ordre n'a pas été émis par le Président d'Haïti, mais a été émis par moi-même, sous ma propre responsabilité. L'ordre fut accueilli avec enthousiasme non seulement par les Haïtiens mais par les officiers de gendarmerie en général, qui pratiquement tous se rendirent compte des maux que la corvée avait provoqués, et se félicitèrent de l'opportunité de se rétablir dans les bonnes grâces des habitants ainsi que de prendre leur travail plus légitime d'organisation et de formation d'une police militaire.
Annexe 15.2. Millspaugh Arthur Chester, Haiti under American control, Boston, Mass., 1915-1930, World Peace Foundation, 1931. Réédition Westport, CT, Negro Universities Press, 1970, pp. 88-89 [https://babel.hathitrust.org/].
Moreover, there were irritants and provocatives which operated directly on the masses. The gendarmerie, which was in close contact with the peasants and villagers, had had an insufficient period of training, and Haitian gendarmes, not yet thoroughly disciplined, exhibited that brutal disregard for individual rights which had been a habit with the police and soldiers of the old regime. It is probable, too, that some - though not many - of the American officers of the gendarmerie had somewhat the same attitude toward the people.
Furthermore, it seemed to the American naval and marine officers in Haiti absolutely necessary for the pacification and development of the country to make the main trunk roads immediately passable. For this work sufficient government funds were not available; and it was decided in the summer of 1916 to apply a provision of the rural code which required the men of each district to work a certain number of days each year on the roads of that district. The corvee, as this system of road work was called, had not been recently enforced; but, as prescribed in the code, it was neither unreasonable nor oppressive. By means of the corvee, enforced by marines and gendarmerie, a serviceable road to Cap-Haitien, largely a reconstruction of one of the French colonial highways, was begun in October, 1917, and finished at the end of the year; and about 100 miles of other roads were built or rebuilt.
Haitians who were compelled to work on the roads were not, at least in the beginning, generally illtreated or discontented. In 1918, however, various abuses crept into the enforcement of the corvee, and in some cases Haitians were forced to work outside their own districts and for more than the legal number of days. The corvee was ordered discontinued on October 1, 1918; but, apparently through a misunderstanding, it continued, perhaps in a modified form, in the Maissade-Hinche district.Most of the mistreatment of corvee workers appears to have been by Haitian gendarmes.
Traduction :
De plus, il y avait des irritants et des provocateurs qui s’adressaient directement aux masses. La gendarmerie, en contact étroit avec les paysans et les villageois, avait eu une formation insuffisante et les gendarmes haïtiens, pas encore complètement disciplinés, faisaient preuve de ce mépris brutal des droits individuels qui était une habitude chez les policiers et les soldats de l'armée. ancien régime. Il est probable aussi que certains - quoique peu nombreux - des officiers de gendarmerie américains aient eu à peu près la même attitude à l'égard du peuple.
En outre, il semblait aux officiers de la marine américaine en Haïti qu'il était absolument nécessaire, pour la pacification et le développement du pays, de rendre immédiatement praticables les principaux axes routiers. Pour ce travail, les fonds gouvernementaux n'étaient pas disponibles ; et il fut décidé, dès l'été 1916, d'appliquer une disposition du code rural qui obligeait les hommes de chaque district à travailler un certain nombre de jours chaque année sur les routes de ce district. La corvée, comme on appelait ce système de travaux routiers, n'avait pas été récemment imposée ; mais, comme le prescrit le code, ce n'était ni déraisonnable ni oppressif. Grâce à la corvée, imposée par les marines et la gendarmerie, une route utilisable vers Cap-Haïtien, en grande partie une reconstruction d'une des routes coloniales françaises, fut commencée en octobre 1917 et achevée à la fin de l'année ; et environ 100 milles d'autres routes ont été construites ou reconstruites.
Les Haïtiens obligés de travailler sur les routes n'étaient généralement pas, du moins au début, maltraités ou mécontents. En 1918, cependant, divers abus se sont glissés dans l'application de la corvée et, dans certains cas, les Haïtiens ont été contraints de travailler en dehors de leur propre district et pendant plus que le nombre de jours légal. La corvée fut interrompue le 1er octobre 1918 ; mais, apparemment à cause d'un malentendu, cela s'est poursuivi, peut-être sous une forme modifiée, dans le district de Maissade-Hinche. La plupart des mauvais traitements infligés aux ouvriers de la corvée semblent avoir été imputés aux gendarmes haïtiens.
Annexe 16. « Janus à deux visages » ou « la dictature bicéphale »
Annexe 16. « Janus à deux visages » ou « la dictature bicéphale » Borno-Russel, Arthur Millspaugh, conseiller financier 1927-1928, cite par Hogar Nicolas, L’occupation américaine d’Haïti. La revanche de l’histoire, Madrid, Industrias graficas Espa1956., pp. 226-228 ; par François Blancpain, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999, pp. 226-228 ; ainsi que par Jean Fouchard, Histoire d'Haïti, Tome 2, 1804-1990, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 2017, p. 340-341.
Nominalement, le gouvernement de la République d'Haïti est resté constitutionnellement souverain. Haïti a un système présidentiel, donc tous les pouvoirs sont centralisés dans la personne du président. Mr Louis Borno, élu président le 15 mai 1922, pour une période de 4 ans, a été réélu en 1926 pour une période semblable.
D'intelligence remarquable et réputé parmi les Haïtiens pour la distinction de son esprit, il a constamment collaboré avec les fonctionnaires du Traité. II ne doit pas cependant y avoir de méprise sur la réelle situation du président Borno. La Constitution de 1918 prévoit que l'autorité compétente pour élire le président et faire les lois est le Corps législatif consistant en un Sénat et une Chambre des députés - tous deux élus au suffrage universel et direct, mais il est prescrit que le pouvoir législatif en attendant la reconstitution des Chambres sur la convocation du président, sera exercé par un Conseil d'Etat nommé par le chef du pouvoir exécutif. Borno a été élu par le Conseil d'Etat, et depuis 1922, il a lui-même nommé les conseillers, et il a été réélu en 1926 par le Corps qu'il avait lui-même nommé.
Dans l'exercice de leur pouvoir législatif, les conseillers d'Etat obéissent au président et l'acceptation par celui-ci d'un projet de loi équivaut généralement à son vote -. En ce qui regarde l'administration, les ministres haïtiens, nommés par le président, s'en réfèrent ordinairement à lui-même pour régler des questions de détail administratif. De plus, les amendements constitutionnels votés (par plébiscite) en février 1928 donnent au président une autorité directe sur la magistrature, qui était autrefois indépendante.
Le pouvoir des Américains dans les affaires haïtiennes est effectif quoique moins apparent. Par le fonctionnement des services du Traité et par le droit de veto du haut-commissaire sur toute la législation, les fonctionnaires américains exercent pratiquement un pouvoir absolu en ce qui regarde le maintien de l'ordre public, les finances, l'économie, la santé publique et le programme d'extension agricole ; indirectement, ils possèdent une forte et, potentiellement décisive influence, en d'autres domaines de la vie nationale. Nominalement, les fonctionnaires du Traité sont responsables vis à vis du président et des ministres de qui relèvent leurs services ; en fait, ils sont dirigés par le haut-commissaire, qui est en même temps le représentant spécial du président des Etats-Unis, l'agent diplomatique du gouvernement américain et le commandant des "marines" en Haïti. Non seulement le haut-commissaire met son veto aux lois haïtiennes, mais il les rédige. II négocie les contrats avec les compagnies américaines, fixe l'attitude administrative que les fonctionnaires du Traité doivent observer à l'égard de ces compagnies. JII s'intéresse en personne aux détails des réclamations, à la perception des revenus, à la construction des routes, aux questions d'agriculture, d'éducation et d'hygiène. Les fonctionnaires américains ont peu de contact avec l'exécutif haïtien et leurs relations avec les ministres sont nécessairement superficielles et de pure forme. A la surface, le régime est caractérisé par une séparation et à la fois une confusion d'autorité et de responsabilité. En pratique, il conduit à une alliance entre le président d'Haïti et le représentant du gouvernement des Etats-Unis, qui accentue le pouvoir et la responsabilité des Etats-Unis dans les affaires intérieures d'Haïti.
Annexe 17. Lettre du Haut Commissaire américain John H. Russel à Léon Déjean
Annexe 17. Lettre du Haut Commissaire américain John H. Russel à Léon Déjean, secrétaire d’Etat des Relations extérieures sous la présidence de Louis Borno, le 18 novembre 1922, cité in François Blancpain, Haïti et les Etats-Unis : 1915-1934. Histoire d’une occupation, Paris / Montréal, L’Harmattan, 1999, pp. 208-209.
Mr. Minister,
The government of the United States, after careful study of conditions in Haiti as bearing on the purposes of the Treaty of september 16, 1915, between the United States and Haiti, is of the opinion that the purposes of this Treaty wouId be more fully accomplished if a more efficient system of education were established under the direction of a competent officer having under his jurisdiction the necessary number of trained assistants. Such an officer should be given sufficient power to enable him to determine and put into effect the most efficient educational system and he should inaugurate, if in his judgment he finds it desirable, a system of manual training or vocational schools and of agricultural instruction. I am therefore instructed by my government to propose to you the following:
That the President of Haiti appoint, upon nomination by the President of the United States, an american official to be known as the director of Public Education who will have the supervision, direction and control of education in the Republic of Haiti;
That the Haitian government pay to the director of Public Education a salary of ten thousand dollars (10,000.00) United States currency per annum;
That the Haitian government provide by law for the creation of a Bureau of Education to be established in the department of Public Instruction which shall function under the direction and supervision of the director of Public Education and which shall have such assistants and personnel as the director may deem proper and the finances of the Haitian government will permit, in the judgment f the Financial adviser;
That the Haitian government by law or appropriate decree provide for the execution of such measures as, in the opinion of the director of Public Education, it may be necessary to take for the advancement of education in the Republic;
That the office of director of Public Education, as proposed here in, be maintained by the Haitian government during the life of the Treaty between the United States and Haiti of september 16, 1915, with its additional act of march 28, 1917.
Upon receipt of Your Excellency's approval of this proposed measure, I will communicate with my government in order that the office created there in may be filled at the earliest possible date.
Be pleased to accept, Mr. Minister, the assurance of my high consideration.
Signé John H. Russell
American High Commissioner
Traduction :
Monsieur le Ministre,
Le gouvernement des États-Unis, après avoir soigneusement étudié la situation en Haïti en ce qui concerne les objectifs du Traité du 16 septembre 1915 entre les États-Unis et Haïti, est d'avis que les objectifs de ce Traité seraient plus pleinement atteints. si un système d'éducation plus efficace était établi sous la direction d'un fonctionnaire compétent ayant sous sa juridiction le nombre nécessaire d'assistants qualifiés. Un tel fonctionnaire devrait être doté de pouvoirs suffisants pour lui permettre de déterminer et de mettre en œuvre le système éducatif le plus efficace et il devrait inaugurer, s'il le juge souhaitable, un système de formation manuelle ou d'écoles professionnelles et d'enseignement agricole. Je suis donc chargé par mon gouvernement de vous proposer ce qui suit :
Que le Président d'Haïti nomme, sur proposition du Président des États-Unis, un responsable américain connu sous le nom de Directeur de l'Instruction Publique qui aura la supervision, la direction et le contrôle de l'éducation en République d'Haïti ;
Que le gouvernement haïtien verse au Directeur de l'Instruction Publique un salaire de dix mille dollars (10,000,00) monnaie américaine par an ;
Que le gouvernement haïtien prévoit par la loi la création d'un Bureau de l'Éducation qui sera établi au sein du département de l'Instruction publique qui fonctionnera sous la direction et la supervision du directeur de l'Éducation publique et qui aura les assistants et le personnel que le directeur pourra le jugera approprié et que les finances du gouvernement haïtien le permettront, de l'avis du conseiller financier ;
Que le gouvernement haïtien, par loi ou décret approprié, pourvoie à l'exécution de telles mesures qui, de l'avis du directeur de l'Instruction Publique, pourraient être nécessaires pour le progrès de l'éducation dans la République ;
Que la fonction de directeur de l'Instruction publique, telle que proposée ici, soit maintenue par le gouvernement haïtien pendant la durée du Traité entre les États-Unis et Haïti du 16 septembre 1915, avec son acte additionnel du 28 mars 1917. Dès réception de l'approbation de Votre Excellence sur cette mesure proposée, je communiquerai avec mon gouvernement afin que le poste qui y est créé puisse être pourvu dans les plus brefs délais.
Soyez heureux d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.
Signé John H. Russell
Haut-commissaire américain
Annexes 17. Deux opinions de présidents haïtiens sur l’occupation américaine.
Annexe 17.1. Lettre du président haïtien Philippe Sudre Dartiguenave au président américain Warren G. Harding le 21 janvier 1922, citée par Jean Fouchard, Histoire d'Haïti, Tome 2, 1804-1990, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 2017, p. 340-341.
[…] Si au point de vue politique le défaut de coopération a entraîné tant de conséquences fâcheuses, il a, au point de vue de l'administration civile, conduit à des faits plus malheureux encore. Le peuple haïtien avait conçu le grand espoir que le concours des États-Unis allait lui permettre d'asseoir ses finances sur des bases durables et développer ses richesses matérielles et morales par une rationnelle impulsion donnée à l'agriculture, l'industrie, à l'instruction publique. J’ai le regret de dire que rien de sérieux n'a été fait pour réaliser cet espoir. Quelques-uns des hauts fonctionnaires civils de la « Convention » montrèrent dans l'accomplissement de leur mission en Haïti une méconnaissance absolue des vrais besoins du pays et un mépris systématique des droits et attributions du Gouvernement. Ils n'ont fait aucun effort pour essayer, de bonne foi, de comprendre le milieu haïtien, si nouveau pour eux, en raison de la différence de langue et de mœurs ; ils n’ont pas cherché à connaitre les vrais besoins du peuple, ils ont constamment fait fi de toute coopération avec les fonctionnaires haïtiens, entendant, en toute occasion, imposer leur façon de voir, quelque évidemment erronée qu'elle fût. Il y a là un manque de tact, une absence de ménagement qui constituent les principales causes des fréquents conflits constatés depuis cinq ans et expliquent les résultats négatifs ou nuisibles de l'intervention. Aussi les espérances du Peuple haïtien se sont peu à peu changées en découragement, puis chez le plus grand nombre, en animosité ouverte.
Annexe 17.2. Lettre de Louis Borno à H.P. Davis, 12 juin, citée par Jean Fouchard, Histoire d'Haïti, Tome 2, 1804-1990, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 2017, p. 349.
[…] Je suis convaincu que le fonctionnement des Chambres législatives issues du suffrage populaire est incompatible avec une exécution vraiment féconde du Traité de 1915. Si mon progrès, à tous les points de vue - édifices publics, routes, rues, ponts, écoles, hygiène publique et privée, hôpitaux, dispensaires gratuits, enseignement médical, enseignement agricole et professionnel, etc. - si on a pu dire que mon gouvernement, en ce court espace de temps, a plus réalisé que tous les gouvernements antérieurs pris ensemble, pendant plus de cent ans, c'est que le Conseil d'État, agissant comme Pouvoir législatif, a pu travailler comme un coopérateur avec le Pouvoir exécutif, s'abstenant de discours inutiles débités pour la galerie, étudiant sans parti pris politique et sans calculs intéressés, les projets que lui présentait l'Exécutif, d'accord avec le représentant officiel du Gouvernement américain. Cette coopération pratique, conduite de bonne foi, il sera impossible de l'obtenir des Chambres législatives. L'expérience en a été faite deux fois, et, deux fois il a été reconnu nécessaire de dissoudre les Chambres […]. Au lieu de cette politique claire et méthodique, nous voilà maintenant lancés dans l'aventure ! Je souhaite que mes prévisions pessimistes ne se réalisent pas, mais je vois difficilement le succès d'une coopération du Gouvernement haïtien avec le Gouvernement des États- Unis, quand cette coopération devra, pour conduire des résultats, obtenir le consentement des Députés et des Sénateurs.
Annexes 18. L’haïtianisation en 1934
Annexe 18.1. Sténio Vincent, Proclamation au people haïtien du 21 mai 1934, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1934, pp. 112-114 [https://ia800906.us.archive.org/17/items/bulletindesloise10hait/bulletindesloise10hait.pdf].
Annexe 18.2. Accord du 24 juillet 1934, Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie. A Guide for Study of Historical Offices, 1934, pp. 177-178 [https://ia800906.us.archive.org/17/items/bulletindesloise10hait/bulletindesloise10hait.pdf].