La séquence fait suite à la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) », elle en reprend certaines des propositions et en développe et approfondit les compétences. Son objectif est de guider les élèves dans le questionnement et l’interprétation des événements et des actions des leaders noirs et mulâtres qui ont forgé, sur les ruines de la colonie de Saint-Domingue, un État libre et indépendant, au milieu des colonies européennes de la Caraïbe et de l’Amérique latine. Il s’agit de faire comprendre aux élèves la nouveauté et l’originalité, presque inimaginable au début du XIXe siècle, d’un État et d’une nation bousculant les préjugés de race et les normes couramment admises des rapports sociaux, politiques et économiques, de leur faire comprendre comment, au milieu de l’hostilité générale des puissances et de la mise en place d’une domination néocoloniale par la dette, nait une nation et comment l’État haïtien conquiert sa reconnaissance internationale et se dote d’institutions au dépend en partie de la fracture entre l’État et le peuple.
La formation de l’État haïtien 1804-1843⚓
Présentation de la séquence et documents à télécharger⚓
Compétence(s) ciblée(s)
Rassembler, critiquer, analyser et synthétiser une documentation historique. En communiquer la synthèse ;
Périodiser et maîtriser les temporalités plurielles des sociétés présentes et passées ;
Construire en histoire une conscience citoyenne apte à développer un agir social.
Savoirs, savoir-faire, savoir-être/attitudes à acquérir
Identifier le territoire haïtien, son évolution et son organisation à travers les constitutions haïtiennes de 1805 à 1843.
Mener une recherche documentaire à partir d’hypothèses ou d’une problématique historique ; dater authentifier, critiquer, analyser les sources et les documents pour construire une chronologie de la construction et de la géographie territoriale de l’État haïtien, et de ses relations internationales.
Questionner et interpréter les différentes conceptions de l’État de l’acte de l’indépendance en 1804 à la Constitution de 1843.
Questionner et interpréter le divorce entre l’État et la société à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Questionner et interpréter une documentation textuelle et iconographique pour en tirer des connaissances critiques sur des populations dont la voix est inaudible.
Questionner la notion de racisme et ses manifestations historiques.
Faire une analyse historique du vocabulaire utilisé dans différents documents en distinguant le sens historique et contextuel des mots, des notions, des concepts et le sens actuel dans une approche critique des luttes et des débats contemporains.
Construire un argumentaire et se forger une culture du débat dans l’attention critique aux controverses contemporaines (initiation à la démarche historiographique).
Prérequis
La séquence suppose la connaissance de la période de la Révolution et des luttes pour la libération de 1791 à 1804 (voir la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) », téléchargeable sur la plateforme NECTAR). La séquence invite donc au préalable, en termes de prérequis, à vérifier le niveau des compétences développées dans les séquences précédentes :
Construire une chronologie ;
Situer un document dans son contexte de production et de circulation ;
Être capable de mener une recherche simple dans un dictionnaire ou une encyclopédie historique tout en appréhendant les évolutions linguistiques et sémantiques ;
Savoir mener des recherches simples et multicritères sur Internet ;
Être capable de lire, de formuler des hypothèses et une problématique, d’exercer la critique et l’analyse de documents pour les traiter : extraits de presse, documents officiels et diplomatiques, documents économiques… ;
Savoir réaliser une courte fiche de synthèse ;
Être capable de préparer une argumentation historique et de l’utiliser dans un débat.
Stratégie d’enseignement-apprentissage
Le professeur guide les élèves dans la formulation d’hypothèses dument étayées, le questionnement, l’analyse critique, l’interprétation, la confrontation et la synthèse des documents en attirant l’attention des élèves sur le vocabulaire (État empire, régime d’assemblée, royauté, République, (autoritaire, despotique…), territoire national, pouvoir, constitution, pouvoir exécutif, pouvoir législatif, pouvoir judiciaire…) dont les élèves rédigent des définitions dans le glossaire historique. Il met en place avec les élèves une recherche à poursuivre tout au long de la 9e année, sur la construction et l’exercice du pouvoir et leurs répercussions jusqu’à aujourd’hui. Il prépare les élèves, les guide et les suit dans la construction progressive d’une chronologie de l’évolution de l’État en Haïti au XIXe siècle, dans la constitution d’une documentation de référence informée : glossaire illustré de citations et de visuels, portfolio, dossier de presse, notices biographiques et bibliographiques, ainsi que dans la construction d’un argumentaire historique pour comprendre et intervenir dans les débats contemporains, qu’ils soient historiques, historiographiques ou politiques et juridiques.
Découpage en séances
Durée : 9 à 10 h et variable en combinant avec la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette ».
Séance (Titre et durée) | Thème, place dans la séquence et très brève description |
séance 1 L’État, la société et la déclaration d’indépendance (1er janvier 1804) (1 h) | Basée principalement sur la comparaison des textes de la Constitution de 1801 et de l’Acte d’indépendance de 1804, la séance a pour objectif d’une part de faire le point sur les acquis à la fin de la Révolution et de la guerre d’indépendance tant militaires que sociaux et économiques, d’autre part de poser les bases pour questionner, comprendre et interpréter la création et le développement de la nation et de l’État haïtien dans les contextes intérieur et international. |
séance 2 Un État autoritaire, l’empire dessalinien et la crise d’orientation de l’État (1 h) | La séance a pour objectif de faire réfléchir, à partir de la Constitution de 1805, sur les bases du territoire et de l’État ainsi que le rapport du peuple à ceux-ci. |
séance 3 Rupture dans la stratégie unitaire de construction de l’État : la dualité des modèles d’organisation et de fonctionnement de l’État et de la communauté haïtienne (1 h) | La séance a pour objectif de questionner la situation de l’État à la mort de Dessalines, le rôle des acteurs et la guerre civile qui mènent à la constitution de deux États opposés. |
séance 4 Un territoire et deux États (1), la République d’Haïti et le Royaume d’Hayiti (1 h et variable) | La séance est centrée sur l’étude du Royaume d’Hayiti. |
séance 5 Un territoire et deux États (1), l’État de l’ouest et du sud, la République d’Haïti sous le gouvernement de Pétion (1 à 2 h et variable) | La séance est centrée sur l’étude de la République. |
séance 6 La réunification de la République d’Haïti (1 h) | La séance a pour objectif de questionner et d’interpréter la réunification de la République d’Haïti étendue à l’ile et la construction de l’État. |
séance 7 La dette de l’indépendance (1 h et plus) | La séance reprend partiellement la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette ». |
séance 8 Le code rural de 1826 et la consolidation de l’État autoritaire (1 h) | La séance a pour objectif de questionner l’organisation économique et la société sous contrôle à travers l’étude du Code rural et des réactions qu’il a suscitées. |
Support et matériel
Dans cette séquence, comme dans les précédentes et les suivantes sur la Révolution, la dette et l’occupation américaine, les manuels scolaires et universitaires, anciens et contemporains, constituent une base de ressources pour la classe, voir par exemple :
Dorsainvil Justin Chrysostome, Manuel d’histoire d’Haïti, Port-au-Prince, H. Deschamps, 1934 [https://issuu.com/scduag/docs/pap11077]
De même les historiens du XIXe siècle constituent une ressource essentielle, autant pour le récit des événements que pour la reproduction des documents sur lesquels est basée cette séquence :
Ardouin Beaubrun, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 11 tomes,1853-1860 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, voir plus particulièrement les volumes VI à XI.
Madiou Thomas (1847-1848), Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, JH. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], voir les volumes IV à VIII.
La séquencer est aussi basée sur l’étude et la comparaison des différentes constitutions d’Haïti et sur l’étude du code rural. Pour les constitutions, les différentes institutions, les relations internationales ont été retenus, sur papier téléchargeable sous format pdf et en fichier html pour la recherche par occurrences :
Janvier Louis-Joseph, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [téléchargeable sur Gallica et plusieurs autres sites].
pour les constitutions : Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm].
pour les lois et règlements de la République d’Haïti publiés par année : Bulletin des lois et actes sur le site Archontologie.A Guide for Study of Historical Offices à la page Haïti [https://www.archontology.org/nations/haiti/01_sources.php].
Léger Jacques Nicolas, Recueil des traités et conventions de la république d'Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie de la Jeunesse, Maison Athanase Laforest, 1891 [consultable en Google Book, ainsi que https://lawcat.berkeley.edu/record/185655]. Voir aussi Recueil de traités de la République d’Haïti, Port-au-Prince : Imprimerie de l’État, 1959.
Linstant de Pradine, Recueil général des lois et actes du Gouvernement d'Haïti, depuis la proclamation de son indépendance / le tout mis en ordre et publié par S. Linstant (d'Haïti), avocat à la cour impériale au Port-au-Prince, Paris, Auguste Durand 1851-1886. [Gallica Numéros de 1809, 1818, 1824, 1827, 1834, 1840], rééd. Volume 1, 1886.
Bibliographie complémentaire pour le professeur des ouvrages utilisés dans cette séquence :
Adam André Georges, Une crise haïtienne 1867-68 : Sylvain Salnave, Port-au-Prince, Imprimerie Henri Deschamps, 1982.
Alaux Gustave d’, L’empereur Soulouque et son empire, Paris, Michel Lévy Frères, 1860 [accessible en Google Books].
Anglade Georges, Atlas Critique d´Haïti, Montréal, URAM et Centre de recherche caribéen, 1982.
Barros Jacques, Haïti de 1804 à nos jours, Paris, L'Harmattan, 1984, 2 Tomes.
Bellegarde Dantès, La nation haïtienne, Paris, J. de Gigord, 1938 [http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/Nation_haitienne/Nation_haitienne.html].
Bonnet Edmond, Souvenirs historiques de Guy-Joseph Bonnet, Général de division des armées de la République d'Haiti, Ancien aide de camp de Rigaud, Paris, Auguste Durand, 1864 [Gallica].
Bouzon Justin, Études historiques sur la présidence de Faustin Soulouque (1847- 1849), Port-au-Prince/Paris, Bibliothèque nationale/Gustave Guérin et Cie, 1894. Voir aussi MacLeod Murdo J., “The Soulouque Regime in Haiti, 1847-1859: A Reevaluation”, Caribbean Studies, Vol. 10, N° 3, Oct. 1970, Institute of Caribbean Studies, UPR, Rio Piedras Campus, pp. 35-48 [https://www.jstor.org/stable/25612324].
Cabon Adolphe, Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, Edition de la Petite Revue, 1928.
Capo José María, Tres dictadores negros, Habana, Editorial Luzhilo, 1942.
Casimir Jean, « Haïti et ses élites : l’interminable dialogue de sourds », Revue de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, 229, 2007, pp. 26-51[https://globalstudies.trinity.duke.edu/sites/globalstudies.trinity.duke.edu/files/documents/Haiti%20elites.pdf].
Charlier Étienne D., Aperçu sur la formation de la nation haïtienne, Port-au-Prince, Les Presses libres, 1954.
Corvington Georges, Port-au-Prince au cours des ans. La métropole haïtienne du XIXe siècle 1804-1888, Port-au-Prince, Imprimerie Henri Deschamps, 1975.
Delorme Demesvar, La misère au sein des richesses. Réflexions diverses sur Haïti, Paris F. Dentu, 1893 [classiques.uqac.ca/classiques/delorme_demesvar/reflexions_diverses_sur_haiti/reflexions_diverses.html]. Réédition, Port-au-Prince, Les Éditions Fardin, 2009.
Delorme Demesvar, 1842 au Cap tremblement de Terre, Jean M. Lambert (ed.), Cap-Haïtien, Imprimerie du Progrès, 1942 [https://dloc.com/fr/UF00100960/00001/images/0]. Voir aussi « Le Cap-Haïtien avant le séisme de 1842 », Revue de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, 162, 1989, pp. 35-40.
Desquiron Jean, Haïti à la une. Une anthologie de la presse haïtienne de 1724 à 1934, Volume 1, 1724-1864, 1993 ; plusieurs périodiques sont accessibles sur le site de la Bibliothèque numérique des Caraïbes [https://dloc.com/fr/] ; Haitian Periodicals in the Saint Louis de Gonzague Collection [https://www.crl.edu/sites/default/files/d6/attachments/pages/Haitian%20periodicals.pdf].
Doubout Jean Jacques, Haïti, féodalisme ou capitalisme ? Essai sur l'évolution de la formation sociale d'Haïti depuis l'indépendance, Imp. Abéce, Montréal, 1973.
Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744].
Hilaire Jeannot, Histoire en quarantaine. Haïti et son droit d’entrée au club des nations, Haïti/Suisse, Edikreyol, 2007.
Janvier Louis Joseph, Du gouvernement civil en Haïti, Lille, le Bigot Frère, 1915 [Gallica].
Jean Luc, Structures économiques et lutte nationale populaire en Haïti, Montréal, Éditions Nouvelle optique, 1976.
Jean Manejacques Dodat, El dilema de la consolidación del Estado nacional en Haití (1820- 1915), Tesis de Maestría, La Habana, Universidad de la Habana, 2003.
Joachim Benoît, Les racines du sous-développement en Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie Deschamps, 1979.
Joachim Benoît, « La bourgeoisie d’affaires en Haïti. De l’indépendance à l’occupation américaine », Nouvelle Optique, Montréal, décembre : 50-70., 1971.
Justin Joseph, Etudes sur les institutions haïtiennes, Paris, A Challamel, 1894- 1895 et Paris, A. Savine, 1895 [accessible en Google Books]
Léger Jacques Nicolas, Haïti son histoire et ses détracteurs, New York, The Neal Publishing Company, 1907 [https://issuu.com/scduag/docs/pap11116].
Manigat Leslie, La Révolution de 1843, essai d'analyse d'une conjoncture de crise, Port-au-Prince, Edition le Normalien, 1959.
Michel Georges, Autour des constitutions républicaines d´Haïti, Port-au-Prince, Éditions Fardin, 1986.
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti. Haïti, 2009.
Moïse Claude (éd.), Dictionnaire historique de la Révolution haïtienne (1789-1804), Montréal, CIDIHCA/Éditions Images, 2003, réédition CIDIHCA - Co-édition Educa Vision Inc., 2019.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
Rouzier Semexant, Dictionnaire géographique et administratif universel d'Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie Aug. A. Héraux, s.d. [https://ia802609.us.archive.org/].
Trouillot Michel Rolph, Les racines historiques de l'Etat duvalierien, Port-au-Prince, Imprimerie Henri Deschamps, 1986.
Modalités d’évaluation
Evaluation initiale (diagnostique) :
Chronologie de la révolution et des luttes de libération.
État de la situation d’Haïti en 1904.
Evaluation finale (bilan) et critères/indicateurs de réussite :
En complément des (auto-)évaluations (voir les fiches d’autoévaluation dans le Guide du professeur, téléchargeables sur la plateforme NECTAR) et de l’évaluation des différents exercices proposés dans les séances (chronologie, carte, dossier de presse, notices biographiques, glossaire historique…), rédaction d’une synthèse problématisée sur la création et l’évolution de l’État haïtien et de la nation haïtienne dans la première moitié du XIXe siècle. Synthèse sur la situation en Haïti en 1843.
Prolongements éventuels
Les prolongements sont nombreux, principalement dans l’exploitation approfondie, et si possible en interdisciplinarité, des documents utilisés dans les séances, ce qui pourra donner lieu, selon les possibilités, à :
L’organisation de visites au Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH [https://lemupanah.ht/]), au Champs de Mars (statues de Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines par Richmond Barthe, Henri Christophe par Ramos Blanco, et Alexandre Pétion par Joseph Sicre), ou de tout autre site proche de l’école, et la recherche sur Internet et l’analyse de cartes postales anciennes (fin XIXe et début XXe siècle, en notant bien la date). La visite peut être l’occasion de commencer à entrainer les élèves à préparer et à guider une visite.
La recherche systématique et l’analyse, avec réalisation d’une fiche écran illustrée, de toutes les occurrences des noms des personnages dans l’environnement proche, en Haïti et à l’international : nom de ville (Pétion-Ville, fondée en 1831 par le président Jean-Pierre Boyer ; Marchand-Dessalines), de rue, de place, d’établissement, plaques commémoratives, statues…, voir à ce sujet Jacques De Cauna, « L’onomastique haïtienne : aspects, origines et problèmes de l’anthroponymie et de la toponymie d’Haïti », in | Musanji Nglasso-Mwatha (dir.), Linguistique et poétique. L’énonciation littéraire francophone, CELFA, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, pp. 241-255 [https://books.openedition.org/pub/42464?lang=fr].
La période étudiée dans cette séquence est celle des générations de la Révolution et des luttes d’indépendance dont le dernier représentant au pouvoir est Faustin Soulouque. Faire lister les principaux acteurs de ces générations et guider, de préférence sur écran, sous forme de site ou de blog, la réalisation de fiches biographiques (voir la séquence du secondaire « Faire la biographie d’un personnage historique : un exemple Toussaint Louverture, téléchargeable sur la plateforme NECTAR). Faire compléter les fiches bibliographiques, notamment en utilisant des liens hypertextuels, par une ou plusieurs illustrations en sensibilisant et guidant les élèves sur la mise en page des images (composition, typographie), leur légendage (date, auteur, matérialité, source, conservation ou localisation, support de diffusion), leur analyse et les questions de droits de reproduction. Pour les images, proposer la reproduction et l’analyse de :
pièces de monnaie, billets et timbres postes à l’effigie de personnages historiques en sensibilisant les élèves aux commémorations
œuvres d’artistes haïtiens, par exemple Edouard Goldman, Gervais Emmanuel Ducasse…
Beaucoup des acteurs de la création de l’État haïtien font partie de la mémoire collective et certains sont devenus mythiques. Dans une approche par compétences, où le questionnement des sources et des documents par les élèves est fondamental, il est important, dans une approche interdisciplinaire (créole, français, anglais, espagnol) de conduire une réflexion sur l’histoire, la mémoire et le mythe, ainsi qu’à travers la littérature, quelques exemples :
Carpentier Alejo, El Reino de este mundo, La Habana, Editorial Letras Cubanas, 1949. Le Royaume de ce monde, traduction René L.-F. Durand, Paris, Gallimard, (1954) 1980.
Césaire Aimé (1963), La Tragédie du roi Christophe, Paris, Présence africaine, 1970, réédition 2012.
Coicou Massillon, L’Empereur Dessalines (drame en deux actes en vers), [Le deuxième acte de cette pièce, perdu, n’a jamais été publié.] Port-au-Prince, E. Chenet, 1907. Port-au-Prince, Fardin, 1988.
Easton William Edgar, Christophe. A tragedy in prose of Imperial Haiti, Los Angeles, Press Grafton Publishing Company, 1911 [https://archive.org/details/christophetraged00eastrich].
Métellus Jean, L’année Dessalines, Paris, Gallimard, 1986.
Morisseau-Leroy Félix, « Mèsi papa Desalin », in Trois/Cent/Soixante, Numéro 1, Été 2016, p. 111-112.
Walcott Derek, Henri Christophe et The Haitian Earth, in The Haitian Trilogy, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2014.
En prolongement de la réflexion sur la dualité ville / campagne définie dans le code rural, toujours dans une démarche interdisciplinaire, proposer l’étude des contes comme Bouqui et Malice rapportée à l’étude du Code rural, voir à ce sujet :
Comhaire-Sylvain, Suzanne, Le Roman de Bouqui, Port-au-Prince, Imprimerie du Collège Vertières, 1940. Réédition Montréal, Leméac, 1973.
Del Rossi Sara, « La sociérté haïtienne dans le recueil Le Roman de Bouqui de Suzanne Comhaire-Sylvain (analyse morphologique et sémiotique) », Il Tolomeo, vol. 18, décembre 2016 [https://edizionicafoscari.unive.it/media/pdf/article/il-tolomeo/2016/18/art-10.14277-2499-5975-Tol-18-16-4.pdf]. Voir aussi sa thèse, Le Roman de Bouqui. Une réécriture du cycle haïtien de Malice et Bouqui. Analyse du folklore et de la société d'Haïti dans l'ouvrage de Suzanne Comhaire-Sylvain, Università Ca'Foscari, Venezia, 2013 [http://dspace.unive.it/bitstream/handle/10579/3522/987220-1173941.pdf;jsessionid=B03FAA01195869F8919A1A4E87D61179?sequence=2].
Hurbon Laënnec, Culture et dictature en Haïti. L'imaginaire sous contrôle, Paris, L'Harnattan, 1979 [http://classiques.uqac.ca/contemporains/hurbon_laennec/culture_et_dictature_en_Haiti / culture_et_dictature_en_Haiti.html].
Les documents proposés en annexe ont été reproduits pour certains dans l’orthographe de l’époque, pour d’autres dans une orthographe modernisée. Dans une démarche interdisciplinaire avec le français, proposer l’étude de l’évolution de l’orthographe.
Dans les documents faire relever systématiquement les noms des acteurs et établir pour chacun d’entre eux une fiche biographique, illustrée quand c’est possible (pour la démarche, voir la séquence du secondaire « Faire la biographie d’un personnage historique, un exemple Toussaint Louverture », téléchargeable sur la plateforme NECTAR). Proposer aux élèves d’accompagner ces biographies d’un portrait analysé (peinture, statue, reproduction sur un billet de banque, une pièce de monnaie, un timbre-poste…).
En s’appuyant sur les images diffusées par les billets de banque et sur les Bulletins de l’ISPAN, proposer l’étude du système de défense et plus particulièrement du fort local, voir à ce sujet la séquence « Faire de l’histoire » (téléchargeable sur la plateforme NECTAR).
Parallèlement aux différentes séances, mettre en place par de petits groupes d’élèves, l’étude du patrimoine hérité de la première moitié du XIXe siècle, sous forme d’exposition, de livret illustré, de pages web ou de guide de visite (notamment pour le patrimoine proche) tout en proposant aux élèves de faire un suivi de l’actualité, sous forme de dossier de presse, sur la conservation de ce patrimoine, voir les démarches dans la séquence du fondamental « Faire de l’histoire » sur les forts ainsi que dans la séquence du secondaire d’éducation à la citoyenneté « Lieux de mémoire. ‘Actualiser la mémoire historique pour s’attacher à sa culture : respect des sites historiques’ » (téléchargeables sur la plateforme NECTAR) :
Représentations des forts sur les billets : : Fort Cap-Rouge à Jacmel sur le billet de 10 gourdes, Citadelle Henry à Milot 100 gourdes, Fort Décidé à Marchand 250 gourdes).
« Travay pou mete Moniman Istorik yo an valè » 30 mars 2021 [https://ispan.gouv.ht/] et les « Listes de monuments par département » ainsi que les Bulletins de l’ISPAN (Institut de Sauvegarde du Patrimoine National) à télécharger au format pdf depuis 2009 « Un bulletin électronique, à la sauvegarde du patrimoine national », Bulletin n° 1, 1er juin 2009 [https://ispan.gouv.ht/wp-content/upload/2017/09/BULLETIN%20DE%20L'ISPAN%20No%201.pdf], voir par exemple, entre de nombreux autres (la séquence intitulée « Faire de l’histoire » du cycle 3 du fondamental (téléchargeable sur le site de Canopé donne quelques autres références sur les forts en Haïti)
« Chronique des monuments et sites historiques d’Haïti », Bulletin de l’ISPAN, N° 2, 2009.
« Les fortifications de Marchand-Dessalines », Bulletin de l’ISPAN, N° 3, 2009.
« Le fort Drouet redécouvert », Bulletin de l’ISPAN, N° 4, 2009.
« Citadelle, Sans-Souci, Ramiers. Les menaces », Bulletin de l’ISPAN, N° 11, 2010.
« La Crête-à-Pierrot, site de hauts faits d’armes », Bulletin de l’ISPAN, N° 22, 2011.
« Le Picolet, verrou de la défense du Cap », Bulletin de l’ISPAN, N° 23, 2011.
« La Citadelle Henry : un monument qui le mît debout », Bulletin de l’ISPAN, N° 28, 2011.
Delatour Patrick, Jolibois Henri Robert, « Annexe 1. Les fortifications, défense et patrimoine », in Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, p. 327-332 [http://www.openedition.org/].
Fleury Geneviève, « Fort Jacques, un site, une tradition », Le National, Port-au- Prince, 19 octobre 2020.
Midson Jean Batard, « Haïti : Le Parc National des Forts Jacques et Alexandre, un patrimoine culturel en péril à cause de la non-conscience patrimoniale » [https://www.hpnhaiti.com/].
Hyvert Giselle, « Conservation et restauration de la citadelle Laferrière, du palais de Sans Souci et du Site des Ramiers », Paris, UNESCO, 1979 [http://unesdoc.unesco.org/images/0003/000364/036482fo.pdf]
Dans une approche interdisciplinaire avec les arts et l’informatique, proposer l’étude d’œuvres plastiques et la réalisation d’un mini-site ou d’un blog sur ces œuvres, en invitant les élèves à être attentifs aux références et aux droits de reproduction (auteur, titre, date, lieu de conservation, auteur de la reproduction, droits), par exemple :
Guillon-Lethière Guillaume (1760 - 1832), Le Serment des Ancêtres, huile sur toile, 300 x 400 cm, 1822, Musée national, Port-au-Prince. Pour la reproduction, voir la Réunion des musées nationaux [https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/guillaume-guillon-lethiere_le-serment-des-ancetres_huile-sur-toile_1822] et pour l’analyse du tableau [https://www.reseau-canope.fr/art-des-caraibes-ameriques/oeuvres/le-serment-des-ancetres.html] ainsi que Gérald Alexis, « ‘Le serment des ancêtres’ dans les collections nationales en Haïti », Aica Caraïbe du Sud, 2016 [https://aica-sc.net/2016/01/15/le-serment-des-ancetres-dans-les-collections-nationales-en-haiti/]. Voir aussi la séance 5.
Dans une démarche interdisciplinaire avec l’espagnol, le professeur pourra proposer l’étude d’extraits de la Declaratoria de Independencia del Pueblo Dominicano, signée de Núñez de Cáceres, Manuel Carvajal, Juan Vicente Moscoso, Antonio Martinez Valdés, L. Juan Nepomuceno de Arredondo, Juan Ruiz, Vicente Mancebo y Manuel Lopez de Umeres [https://ia800301.us.archive.org/9/items/declaratoriadein00domi/declaratoriadein00domi.pdf], ainsi que d’œuvres ou d’extraits d’œuvres de José Núñez de Cáceres Albor, par exemple des articles parus dans El Duende ou des fables (consultables sur Wikisource].
Différenciation et adaptation aux élèves à besoins éducatifs particuliers
Les séances construites autour du questionnement de documents, textes et images, se prêtent aussi bien à des exploitations sonores ou visuelles adaptées aux élèves à besoins éducatifs particuliers.
Mise au point pour l’enseignant
La séquence fait suite à la séquence sur la Révolution et les luttes pour l’indépendance d’Haïti en 8e année et s’articule avec la séquence sur la dette de 1825 en 9e année (téléchargeables sur la plateforme NECTAR). Certains des éléments se retrouvent dans les trois séquences, selon des approches et des angles de vue différents pour approfondir et développer les compétences sollicitées. L’objectif principal est de questionner et d’interpréter les difficultés de la construction d’un État libre et indépendant sur les cendres de la colonie française de Saint-Domingue dans un contexte américain qui reste colonial et esclavagiste au milieu des rivalités politiques internationales, mais aussi dans un contexte de rivalités militaires et politiques internes qui en paralysent le développement. Il s’agit parallèlement de questionner et d’interpréter les représentations internationales de l’État haïtien dans un environnement hostile où les puissances coloniales comme les nouveaux États lui refusent la reconnaissance internationale. Enfin, cette séquence est à mener en parallèle avec l’histoire des abolitions des traites et des esclavages. Il est donc important de construire aussi la séquence autour d’une chronologie sur plusieurs espaces : Haïti / Hispaniola, les Caraïbes et l’Amérique, les relations internationales.
Pour lutter contre les divisions internes, assurer sa stabilité et celle de ses frontières, ainsi que ses subsistances, le pouvoir, qu’il soit double ou unique, doit concilier deux élites en confrontant deux modèles d’exercice du pouvoir : l’État fort, centralisé, organisé autour d’un homme, qui laisse toute sa place aux ambitions et aux luttes de clans ou l’exécutif contrebalancé par la représentation mono- ou bi-camérale où le maintien au pouvoir reste souvent l’objectif.
Le choix d’un exécutif fort dans la Constitution impériale de 1805 (voir notamment les articles 30 à 35) conduit à l’assassinat du chef d’État le 17 octobre 1806 et à la division de la nation en deux clans, le nord avec Christophe et le sud avec Pétion. Malgré la réunification, la crise d’orientation traverse tout le XIXe siècle haïtien, la nation n’arrive pas à se réconcilier avec elle-même. Cependant, au cours de cette période, un ensemble d’institutions sont fondées, l’État se dote des instruments nécessaires pour assurer son fonctionnement régulier, mais la justice, organisée par les lois de la République reste précaire. Le débat entre la forme monarchique et la République prend fin en 1859, avec la chute de Faustin 1er, le dernier empereur haïtien. Depuis lors, malgré les régimes autoritaires, aucune tentative de construction monarchique n’a vu le jour en Haïti.
Malgré la recherche de relations harmonieuses avec ses voisins et l’article 5 de la Constitution du 2 juin 1816, la question des frontières reste un point de tension, notamment avec la République dominicaine jusqu’au traité de Port-au-Prince signé par les présidents Horacio Vásquez et Louis Borno le 21 janvier 1929, à l’accord du 17 février 1935 signé par les présidents Sténio Vincent et Rafael Leónidas Trujillo Molina et au protocole additionnel du 9 mars 1936.
Le plus grand déficit de la période reste le divorce entre l’État et la nation, la perte de la confiance de la population pour les élites qui la gouvernent.
Séance 1. L’État, la société et la déclaration d’indépendance (1er janvier 1804)⚓
Supports et matériel
Constitution de 1801 et Acte d’indépendance de 1804 (voir Annexe 1), in Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm]. Voir aussi les documents figurants en Annexe de la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) » (téléchargeable sur la plateforme NECTAR).
Constitution de 1801 et Acte d’indépendance de 1804 (voir Annexe 1), in Janvier Louis-Joseph, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica].
Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, JH. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], pp. 459 sq.
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti. Haïti, 2009.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Péan Leslie, « Droit et liberté dans la formation de l’État en Haïti », in Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, pp. 149-178 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744]. Voir la bibliographie du chapitre pp. 176-178 ainsi que la « Bibliographie sélective sur l’État haïtien » en Septième partie, pp. 361-362.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
Rouzier Semexant, Dictionnaire géographique et administratif universel d'Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie Aug. A. Héraux, s.d. [https://ia802609.us.archive.org/].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 L’État militaire, origine et fondement du militarisme haïtien | 10 min ou variable l’exercice pouvant aussi être réalisé en amont hors du temps de cours | Guider la recherche en petits groupes d’occurrences lexicales dans la Constitution de 1801 et l’Acte d’indépendance de 1804 et faire relever par copier/coller sur écran ou faire surligner sur papier, les phrases ou les articles correspondants : commandement, force armée, gendarmerie, général/généraux et les différents grades militaires, gouvernement, gouverneur, ordre/ordre public, peuple, police, société… ainsi que les différentes formes du verbe « devoir ». Au besoin, revenir dans un oral collectif sur la place de l’armée et des chefs militaires dans le gouvernement de la colonie de Saint-Domingue pendant l’expédition Leclerc et la guerre d’indépendance (voir les documents en Annexe de la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) », téléchargeable sur la plateforme NECTAR). | En petits groupes disposant, de préférence sur écran (sinon d’extraits avec les articles considérés sur papier), des textes in extenso soit de la Constitution de 1801, soit de l’Acte d’indépendance de 1804 :
|
Temps 2 L’organisation militaire de l’État et du territoire (1) | 10 à 15 min | Guider la rédaction par les groupes d’une synthèse sur l’organisation de la société, du territoire et du gouvernement. | À partir des articles relevés dans les textes de la constitution de 1801 et de l’Acte d’indépendance, ainsi que des cartes (voir Annexes) expliquer par écrit comment sont organisés la société, le territoire et le gouvernement. |
Temps 3 L’organisation militaire de l’État et du territoire (2) | 10 à 15 min | Organiser et guider la présentation orale par deux des groupes (un sur la Constitution de 1801, l’autre sur l’Acte d’indépendance de 1804) des documents et des synthèses sur l’organisation de la société, du territoire et du gouvernement, les autres groupes intervenant pour préciser ou discuter les présentations. |
|
Temps 4 Une fragile souveraineté ? | 10 à 15 min | Noter au tableau ou projeter l’extrait suivant de l’Acte d’indépendance de 1804 : « Nous avons osé être libres, osons l'être par nous-mêmes et pour nous-mêmes […] Gardons-nous cependant que l'esprit de prosélytisme ne détruise notre ouvrage ; laissons en paix respirer nos voisins, qu'ils vivent paisiblement sous l'empire des lois qu'ils se sont faites, et n'allons pas, boutes-feu révolutionnaires, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des Isles qui nous avoisinent ; elles n'ont point, comme celles que nous habitons, été arrosées du sang innocent de leurs habitants ; elles n'ont point de vengeance à exercer contre l'autorité qui les protège. » Guider une réflexion orale collective sur la souveraineté nationale fondée sur l’autodétermination et le refus du prosélytisme révolutionnaire. | Répondre aux questions, au besoin après avoir cherché le sens du mot « prosélytisme » dans un dictionnaire :
Compléter le glossaire historique en l’illustrant d’extraits de l’Acte d’indépendance de 1804. |
Temps 5 Une analyse d’historien | 10 à 15 min | Donner à lire l’extrait de l’article de Leslie Péan (Annexe 3) et en guider l’analyse collective. | Participer à l’analyse orale collective, puis expliquer en quelques lignes, à partir des analyses précédentes de la Constitution de 1801 et l’Acte d’indépendance de 1804, en quoi l’État haïtien, non reconnu par la communauté internationale en 1804, n’est pas un État de Droit, mais un État militaire. |
Temps 6 Initiation à la biographie | Variable | Dans cette séance, comme dans les suivantes (voir les « Prolongements éventuels » ainsi que, pour la démarche, la séquence du secondaire « Faire la biographie d’un personnage historique, un exemple Toussaint Louverture », téléchargeable sur la plateforme NECTAR), proposer et guider des recherches pour :
| Rédiger sur papier ou sur écran, une fiche biographique des différents acteurs rencontrés dans la séance. Rechercher un portrait du personnage (peinture ancienne ou contemporaine, statue, reproduction sur un billet de banque, une pièce de monnaie, un timbre-poste…) et compléter la fiche biographique avec la reproduction du portrait (sans oublier les droits de reproduction) et son analyse. |
Production attendue
Synthèse à partir de recherches lexicales.
Fiches biographiques.
Glossaire des termes historiques.
Trace écrite pour l’élève
Extraits de la Constitution de 1801 et de l’Acte d’indépendance de 1804.
Synthèse établie collectivement.
Fiches biographiques.
Glossaire des termes historiques.
Évaluation et régulation
Auto-évaluation par les élèves des synthèses, des fiches biographiques et des définitions du glossaire. Pour le professeur, évaluation de la pertinence des choix des élèves dans la recherche lexicale, des synthèses écrites et orales, ainsi que des auto-évaluations faites par les élèves.
Éléments de remédiation
Reprise orale collective des différents documents.
Séance 2. Un État autoritaire, l’empire dessalinien et la crise d’orientation de l’État⚓
Supports et matériel
Constitution de 1805, in Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm]. Voir aussi les documents figurants en Annexe de la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) » (téléchargeable sur la plateforme NECTAR).
Constitution de 1805, in Janvier Louis-Joseph, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica].
Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, JH. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], pp. 469 sq.
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti. Haïti, 2009.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Péan Leslie, « Droit et liberté dans la formation de l’État en Haïti », in Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, pp. 149-178 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744]. Voir la bibliographie du chapitre pp. 176-178 ainsi que la « Bibliographie sélective sur l’État haïtien » en Septième partie, pp. 361-362.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
Rouzier Semexant, Dictionnaire géographique et administratif universel d'Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie Aug. A. Héraux, s.d. [https://ia802609.us.archive.org/].
Théodat Jean Marie, « État et territoire : la question de la naissance de la République dominicaine », in Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, pp. 297-309 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 L’État haïtien et l’organisation du territoire (1) | 10 à 15 min | Guider, par petits groupes, une recherche dans la Constitution de 1805 sur l’étendue, les limites et l’organisation du territoire haïtien (voir la carte en Annexe 2). | Rechercher dans la Constitution de 1805 tout ce qui concerne l’étendue, les limites et l’organisation du territoire haïtien, puis répondre aux questions en petits groupes :
|
Temps 2 L’État haïtien et l’organisation du territoire (2) | 10 à 15 min | Afficher ou projeter la carte du territoire haïtien et de son organisation en 1805. Guider la présentation des réponses aux questions du temps précédent. | Présenter oralement les réponses aux questions. |
Temps 3 La centralisation et les organes du pouvoir | 15 à 20 min | Guider la réalisation d’organigrammes sur le pouvoir central l’organisation administrative et judiciaire du territoire. | Rechercher dans le texte de la Constitution de 1805 quels sont les pouvoirs de l’empereur. Faire de même pour l’organisation administrative et judiciaire du territoire. |
Temps 4 De la citoyenneté dans un État autoritaire | 10 à 15 min | Guider une réflexion collective sur la place et le rôle du citoyen et du peuple la Constitution de 1805 à partir d’un questionnement en petits groupes. | À partir du texte de la Constitution de 1805, relever les qualités et les droits des citoyens et la place du peuple, puis répondre aux questions :
À partir de la réponse aux questions, définir en quelques lignes ce que sont le citoyen haïtien et le peuple d’après la Constitution de 1805. |
Temps 5 Initiation à la biographie | Variable | Poursuite des propositions du temps 6 de la séance 1 et des « Prolongements éventuels » sur les fiches biographiques sur les fiches biographiques et le glossaire. | Continuer la rédaction des fiches biographiques et des définitions du glossaire. |
Production attendue
Organigrammes de l’organisation du pouvoir et du territoire d’après la Constitution de 1805.
Synthèse écrite sur la place et le rôle du citoyen et du peuple dans la Constitution de 1805.
Fiches biographiques et glossaire.
Trace écrite pour l’élève
Carte de l’organisation du territoire haïtien en 1805.
Organigrammes de l’organisation du pouvoir et du territoire d’après la Constitution de 1805.
Synthèse écrite sur la place et le rôle du citoyen et du peuple dans la Constitution de 1805.
Fiches biographiques et glossaire.
Évaluation et régulation
Auto-évaluation par les élèves des organigrammes et de la synthèse. Pour le professeur, évaluation des organigrammes et de la synthèse, ainsi que des auto-évaluations faites par les élèves.
Éléments de remédiation
Reprise orale collective de certains articles de la Constitution.
Séance 3. Rupture dans la stratégie unitaire de construction de l’État : la dualité des modèles d’organisation et de fonctionnement de l’État et de la communauté haïtienne⚓
Supports et matériel
Constitution de 1806, in Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm]. Voir aussi les documents figurants en Annexe de la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) » (téléchargeable sur la plateforme NECTAR).
Constitution de 1806, in Janvier Louis-Joseph, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica].
Une grande partie de la séance consiste à donner à des petits groupes d’élèves des documents différents tirés principalement de la correspondance entre Christophe et Pétion, reproduits dans les ouvrages d’Ardouin et de Madiou, auxquels les élèves pourront aussi se reporter pour en situer le contexte - ces ouvrages étant disponible en ligne -, mais aussi pour faire une analyse critique guidée par le professeur des analyses et prises de position des deux historiens. Pour l’information du professeur, les documents ont été reproduit in extenso, il convient donc de les découper en courts extraits pour les élèves. Chaque groupe d’élèves travaillant sur un document différent, l’objectif de la démarche est de confronter les analyses et les synthèses de chaque groupe pour établir une synthèse collective et une chronologie des événements qui ont conduit à la séparation en deux États. Le professeur se reportera donc aux textes des deux historiens, revus à travers les analyses de différents historiens contemporains dans l’ouvrage dirigé par Hector et Hurbon.
Ardouin Beaubrun, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica et Wikisource], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI (voir Annexes).
Gilbert Myrtha, « Goman : un pionnier de la résistance paysanne », Haïti Liberté, 24 février 2021 [https://haitiliberte.com/goman-un-pionnier-de-la-resistance-paysanne/]
Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744].
Hector Michel, Crises et mouvements populaires en Haïti, Port-au-Prince, Presses Nationales d’Haïti, 2006.
Hector Michel, « Les deux grandes rébellions paysannes de la première moitié du XIXe siècle », in Y. Benot et M. Dorigny (éds), Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises, 1802. Aux origines d’Haïti, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, pp. 179-199.
Hector Michel, « État et Société en Haïti de 1806 à 1843 », Itinéraires CREHSO, N° 1, 2004, pp. 6-32.
Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III (voir Annexes).
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti. Haïti, 2009.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Osna Walner, « Haïti : de la domination simple à la domination complexe », Histoire Engagée, 2 février 2021 [https://histoireengagee.ca/haiti-de-la-domination-simple-a-la-domination-complexe/].
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Péan Leslie, Aux origines de l’État marron en Haïti (1804-1860), Port-au-Prince, Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2009.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 0 Avant la séance : L’insurrection, l’assassinat de Dessalines et la convocation de l’Assemblée constituante | 10 à 15 min | Si possible avant la séance (sinon voir temps 1 et 2). Les documents des temps 1 et 2 (voir Annexes) sont distribués avant la séance pour un travail préparatoire accompagné d’une recherche Internet sur les acteurs historiques, suivi, pendant la séance d’une confrontation orale des informations apportées par chaque groupe pour réaliser une synthèse collective distinguant les événements et les positions de chacun des protagonistes. | Avant la séance. Établir une fiche d’identité du document avec les noms et qualités des principaux signataires. Relever dans le document les principales informations, en les complétant par une recherche Internet, et les positions des acteurs historiques. Participer à la présentation collective en prenant des notes pour une synthèse collective. |
Temps 1 L’insurrection et l’assassinat de Dessalines | 10 à 15 min | Donner à des petits groupes d’élèves des extraits différents du texte Résistance à l’oppression (Annexe 4), avec pour chaque extrait les signataires. Faire établir une fiche d’identité du document en faisant relever les noms et qualités des principaux signataires. Faire relever les griefs à l’encontre de Dessalines. Après présentation orale rapide des principaux griefs, guider la formulation d’hypothèses sur l’assassinat de Dessalines. | Établir une fiche d’identité du document avec les noms et qualités des principaux signataires. Relever dans l’extrait les principaux griefs à l’encontre de Dessalines et les présenter oralement. Formuler des hypothèses sur l’assassinat de Dessalines. |
Temps 2 La situation en 1806, la convocation de l’Assemblée constituante | 15 à 20 min | Donner aux élèves répartis en petits groupes des extraits différents des déclarations et lettres d’Henri Christophe et Alexandre Pétion (voir Annexes). Guider les groupes dans l’identification et l’analyse du document, la synthèse des informations et la présentation orale de celles-ci en faisant ressortir dans la confrontation des synthèses, ce qui relève des événements et ce qui relève des positions des différents protagonistes. | Rédiger en quelques lignes une présentation du document puis relever les informations qu’il contient et les positions de son rédacteur. Présenter oralement le document, la synthèse des informations et des positions du rédacteur et participer à la discussion collective pour établir une synthèse des événements autour de la convocation de l’Assemblée constituante. |
Temps 3 La constitution de 1806 ou la primauté du Sénat sur l’Exécutif | 10 à 15 min | Proposer la lecture individuelle des articles 40 et 42, 103, 106, 107, 11, 115 à 118 et 122 de la Constitution de 1806 et la réalisation d’un organigramme de l’organisation des pouvoirs. En guider la présentation collective. | Lire les articles 40 et 42, 103, 106, 107, 11, 115 à 118 et 122 de la Constitution de 1806. Réaliser d’un organigramme de l’organisation des pouvoirs. Répondre à la question : Qui détient le pouvoir d’après la Constitution de 1806 ? Et formuler des hypothèses sur les réactions possibles des principaux acteurs à partir des analyses du temps 2. Compléter le glossaire historique. |
Temps 4 La guerre civile | Variable | Après une brève présentation de l’exercice aux élèves, l’essentiel est à réaliser hors de la séance sous forme d’une chronologie et éventuellement d’une carte des opérations. Si possible, proposer aux élèves, sous format pdf ou texte les chapitres correspondants à la guerre civile des ouvrages de Beaubrun Ardouin et Thomas Madiou. Proposer une recherche par date dans les chapitres pour établir une chronologie de la guerre civile : l’objectif est de faire réfléchir les élèves et de les évaluer sur la sélection des dates. | Dans les chapitres proposés par le professeur des ouvrages de Beaubrun Ardouin et Thomas Madiou, faire une recherche sur les évènements de la guerre civile et en établir une chronologie. |
Temps 5 La rébellion des cultivateurs de la Grand’Anse | 5 mn et variable | Guider oralement la lecture critique de l’article de Myrtha Gilbert pour initier une recherche, en petits groupes hors du cours, sur la rébellion des cultivateurs de la Grand’Anse et Goman (Jean-Baptiste Perrier) à présenter en séance 6 temps 3. | Présenter l’article (date, auteur, support) et participer à son analyse critique orale. Pour la séance 6, en petits groupes, mener une recherche sur la rébellion des cultivateurs de la Grand’Anse et Goman (Jean-Baptiste Perrier). Préparer une synthèse et une carte à présenter à l’oral. |
Temps 6 Des historiens et la guerre civile, facultatif | Variable | Faire relever dans les chapitres concernés tous les qualificatifs attribués aux acteurs et à leur action. Collectivement, guider une réflexion sur la manière dont les écrivains présentent les acteurs, la guerre civile et les responsabilités. |
|
Temps 7 Initiation à la biographie | Variable | Poursuite des propositions du temps 6 de la séance 1 et des « Prolongements éventuels » sur les fiches biographiques sur les fiches biographiques et le glossaire. | Continuer la rédaction des fiches biographiques et des définitions du glossaire. |
Production attendue
Présentation, analyse et synthèse des documents.
Réalisation d’un organigramme de l’organisation des pouvoirs dans la Constitution de 1806.
Réalisation d’une chronologie, de fiches biographiques des principaux acteurs.
Trace écrite pour l’élève
Synthèse collective.
Extraits de la Constitution de 1806 et organigramme de l’organisation des pouvoirs.
Chronologie et fiches biographiques des principaux acteurs
Évaluation et régulation
Synthèse et chronologie.
Éléments de remédiation
Reprise collective orale des articles de la Constitution proposés à l’étude.
Reprise des chronologies et établissement d’une chronologie collective.
Carte des opérations de la guerre civile.
Séance 4. Un territoire et deux États (1), l’État d’Haïti et le royaume de Christophe⚓
Supports et matériel
Constitutions du 17 février 1807 et du 28 mars 1811, in Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm]..
Constitutions du 17 février 1807 et du 28 mars 1811, in Janvier Louis-Joseph, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica].
Ardouin Beaubrun, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica et Wikisource], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI (voir Annexes).
Cabon Adolphe, Notes sur l’histoire religieuse d’Haïti. De la révolution au Concordat (1789-1860), Port-au-Prince, Petit Séminaire Collège Saint-Martial, 1933 [http://www.manioc.org/patrimon/PAP11117]..
Desroches J. Β. N., s.d., Henry Christophe intime, Cap-Haïtien, Imprimerie du Petit Capois, Conférence prononcée au Ciné Variété en 1919.
Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744]. Voir plus particulièrement dans la troisième partie les chapitres : 1. Jean Rénald Clérismé, Les religions dans la construction de l'État haïtien, pp. 181-195 ; 3. Louis Auguste Joint L'école dans la construction de l'État, pp. 225-241 ; 4. Michel Hector, Une autre voie de construction de l'Etat-nation : l'expérience christophienne, pp. 243-272.
Hilaire Jeannot, Histoire en quarantaine. Haïti et son droit d’entrée au club des nations, Haïti/Suisse, Edikreyol, 2007.
Leconte Vergniaud, Henry Christophe dans l’histoire d’Haïti, Berger-Levrault, Paris, 1931. Réédition Port-au-Prince, Imprimerie Deschamps/Rotary Club du Cap-Haïtien/ Édition de la Collection du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti, 2004.
Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III (voir Annexes).
Manigat Leslie, « Le Roi Henry Christophe et l’éducation nationale 1807-1820 », in Éventail d’histoire vivante, tome 1, Port-au-Prince, Collection CHUDAC, 2001, pp. 293-309.
Millet Kettly, « Christophe », in Moïse Claude (éd.), Dictionnaire historique de la Révolution haïtienne (1789-1804), Montréal, CIDIHCA/Éditions Images, 2001.
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti, 2009.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
Saint-Rémy Joseph, Essai sur Henri Christophe, Général Haïtien, Paris, De Félix Malteste et Cie, 1839 [Gallica].
Saint-Rémy Joseph, Pétion et Haïti, Étude monographique et historique, Chez l’auteur, 1864[Gallica]. Réédition Port-au-Prince, 1956.
Tardieu-Dehoux Charles, L’éducation en Haïti de la période coloniale à nos jours (1980), Port-au-Prince, Imprimerie Deschamps, 1990.
Trouillot Henoch, « Le gouvernement du Roi Henry Christophe », Port-au-Prince, Imprimerie centrale, 1974.
Trouillot Pascal, Trouillot Ertha et Ernst, Encyclopédie biographique d’Haïti, Montréal, Les Éditions Semis, 2001.
Zamor Rémy, « Un administrateur génial pour son époque : le Roi Christophe », Conjonction, 107, 1968, pp. 75-83.
Le personnage d’Henri Christophe a donné lieu à plusieurs œuvres littéraires qui peuvent être étudiées sous forme d’extraits ou en lecture suivie dans une approche interdisciplinaire avec le cours de français, voire sur des extraits courts avec les cours d’espagnol et d’anglais :
Carpentier Alejo, El Reino de este mundo, La Habana, Editorial Letras Cubanas, 1949. Le Royaume de ce monde, traduction René L.-F. Durand, Paris, Gallimard, (1954) 1980.
Césaire Aimé (1963), La Tragédie du roi Christophe, Paris, Présence africaine, 1970, réédition 2012.
Easton William Edgar, Christophe. A tragedy in prose of Imperial Haiti, Los Angeles, Press Grafton Publishing Company, 1911 [https://archive.org/details/christophetraged00eastrich].
Walcott Derek, Henri Christophe et The Haitian Earth, in The Haitian Trilogy, New York Farrar, Straus and Giroux, 2014.
Voir aussi Belizar Karine, Henri Christophe une figure tragique dans la littérature contemporaine, francophone/anglophone/hispanophone, University of Delaware, 2017 [https://www.academia.edu/76776032/Henri_Christophe_une_figure_tragique_dans_la_litt%C3%A9rature_contemporaine_francophone_anglophone_hispanophone].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 La Constitution de 1807, une constitution au service d’Henri Christophe | 10 à 15 min | Guider l’étude comparative des Constitutions de 1806 et 1807. | Dans un tableau comparatif, relever par copier/coller dans les Constitutions de 1806 et de 1807 les différents titres et chapitres. À partir du tableau, formuler quelques hypothèses sur l’organisation du pouvoir dans les deux constitutions. Par une recherche d’occurrences (gouvernement, président, généralissime, nommé…), questionner et interpréter l’organisation du pouvoir et son exercice dans la Constitution de 1807. |
Temps 2 La religion et l’école dans l’État et dans la formation de la nation haïtienne | 10 à 15 min | À partir de la comparaison des articles traitant de la religion, de l’école et de l’instruction publique, guider la formulation d’hypothèses sur la place et le rôle de la religion et de l’école dans l’État et dans la formation de la nation haïtienne. | Rechercher dans les diverses constitutions la place de :
Formuler quelques hypothèses sur la place et le rôle de la religion catholique et de l’école dans l’exercice du pouvoir. |
Temps 3 Le royaume d’Hayiti | 10 à 15 min | Les élèves disposant des articles 6 de la Constitution de 1807 et 1 à 6 de la Constitution de 1811, guider la comparaison orale collective de l’organisation du pouvoir. | Lire les articles 6 de la Constitution de 1807 et 1 à 6 de la Constitution de 1811, et répondre aux questions : Quelle est la différence entre la royauté et le régime présidentiel établi en 1807 ? Compléter le glossaire historique. |
Temps 4 L’État et la société dans le royaume d’Haïti : le Code Henry | 15 à 20 min | Si possible, à partir du fichier pdf du Code Henry, et après l’avoir fait présenter brièvement par les élèves, guider une recherche sur l’organisation de la société, de l’économie et du travail dans le royaume du Nord, sinon proposer à l’analyse de petits groupes quelques extraits (voir Annexe 7). Guider la présentation orale et une synthèse collective sur l’organisation de la société et de l’économie haïtienne dans le royaume du Nord. | Selon les possibilités, rechercher dans le pdf du Code Henry, tout ce qui concerne l’organisation de la société, de l’économie et du travail ou lire, en petits groupes les extraits (Annexe 7). En présenter oralement une synthèse. |
Temps 5 Le royaume d’Haïti, les étrangers et les relations extérieures | 5 à 10 min | Proposer aux élèves la lecture et la comparaison des articles 11, 41 et 42 de la Constitution de 1807 et de la déclaration de Christophe du 24 novembre 1806 (Voir Annexe 6). Dans une démarche orale collective, questionner les choix de Christophe à propos des relations extérieures et plus particulièrement des commerçants étrangers. | À partir de la lecture et de l’analyse des documents, formuler quelques hypothèses d’interprétation des choix de Christophe concernant les rapports internationaux et les commerçants étrangers. |
Temps 6 Initiation à la biographie | Variable | Poursuite des propositions du temps 6 de la séance 1 et des « Prolongements éventuels » sur les fiches biographiques sur les fiches biographiques et le glossaire. | Continuer la rédaction des fiches biographiques et des définitions du glossaire. |
Production attendue
Questionnement, analyse, interprétation et comparaison, individuelles, et collective de documents et synthèse.
Rédaction de biographies et de définitions dans le glossaire historique.
Trace écrite pour l’élève
Tableaux comparatifs et synthèses collectives.
Biographies historiques.
Glossaire historique et d’éducation à la citoyenneté.
Évaluation et régulation
(Auto-)évaluation des synthèses.
Éléments de remédiation
Reprise collective appuyée sur les documents.
Séance 5. Un territoire et deux États (2), l’État de l’ouest et du sud, la République d’Haïti sous le gouvernement de Pétion.⚓
Supports et matériel
Constitutions du 27 décembre 1806 et du 2 juin 1816, in Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm].
Constitutions du 27 décembre 1806 et du 2 juin 1816, in Janvier Louis-Joseph, Les constitutions d'Haïti (1801-1885), Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Gallica].
Ardouin Beaubrun, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica et Wikisource], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tomes VII à VIII (voir Annexes).
Cabon Adolphe, Notes sur l’histoire religieuse d’Haïti. De la révolution au Concordat (1789-1860), Port-au-Prince, Petit Séminaire Collège Saint-Martial, 1933 [http://www.manioc.org/patrimon/PAP11117].
Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744]. Voir plus particulièrement dans la troisième partie les chapitres : 1. Jean Rénald Clérismé, Les religions dans la construction de l'État haïtien, pp. 181-195 ; 3. Louis Auguste Joint L'école dans la construction de l'État, pp. 225-241 ; 4. Michel Hector, Une autre voie de construction de l'Etat-nation : l'expérience christophienne, pp. 243-272.
Hector Michel, « Les deux grandes rébellions paysannes de la première moitié du XIXe siècle », in Y. Benot et M. Dorigny (éds), Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises, 1802. Aux origines d’Haïti, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, pp. 179-199.
Hilaire Jeannot, Histoire en quarantaine. Haïti et son droit d’entrée au club des nations, Haïti/Suisse, Edikreyol, 2007.
Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III à VI (voir Annexes).
Manigat Leslie François, « Henry Christophe, Alexandre Pétion, en deux médaillons distincts, la politique d'Education Nationale du premier, la politique agraire du second », Les petits classiques de l'histoire vivante d'Haïti, n° 3, Collection du CHUDAC, Port-au-Prince, janvier 2007 [https://archive.org/stream/henrychristophea03mani/henrychristophea03mani_djvu.txt].
Manigat Leslie François, La politique agraire du gouvernement d’Alexandre Pétion (1807-1818) : Programme des classes terminales de l’enseignement secondaire, Port-au-Prince, Imprimerie La Phalange, 1962.
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti, 2009.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
« Profil d'Alexandre Pétion », Haïti-Référence [https://www.haiti-reference.info/pages/plan/histoire-et-societe/notables/heros-independance/alexandre-petion/].
Saint-Rémy Joseph, Pétion et Haïti, Étude monographique et historique, Chez l’auteur, 1864 [Gallica]. Réédition Port-au-Prince, 1956.
Séjourné Georges, Haïti, un siècle d’indépendance, 1804-1904. J.J. Dessalines, A. Pétion, Anvers, V.J. Theunis, 1903.
Tardieu-Dehoux Charles, L’éducation en Haïti de la période coloniale à nos jours (1980), Port-au-Prince, Imprimerie Deschamps, 1990.
Trouillot Pascal, Trouillot Ertha et Ernst, Encyclopédie biographique d’Haïti, Montréal, Les Éditions Semis, 2001.
Trouillot Hénock, La république de Pétion et le peuple haïtien, Port-au-Prince, Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie, 1960.
Le personnage d’Alexandre Pétion a donné lieu à un certain nombre d’œuvres hagiographiques ou dénonciatrices, dont on pourra analyser avec les élèves la rhétorique à travers quelques courts passages, par exemple :
Lamour Saladin, Justification de la conduite politique d'Alexandre Petion, de son vivant président de la république d'Haiti et réfutation raisonnée des calomnies atroces lancées contre lui dans l'ouvrage d'un contemporain, Port-au-Prince, T. Bouchereau, [1860?].
Dalencour François, Alexandre Pétion devant l'humanité. Alexandre Pétion et Simon Bolivar. Haïti et l'Amérique latine, Marion Ainé, Expédition de Bolivar, Port-au-Prince, Chez l’auteur, 1929 [Gallica].
Dalencour François, La fondation de la République par Alexandre Pétion, Port-au-Prince, Chez l’auteur, 1944.
Prévost Julien, Le Comte de Limonade à ses concitoyens des parties de l’Ouest et du Sud, Cap-Henry, P. Roux, imprimeur du roi, 1815 [Gallica].
Procès-verbal du convoi funèbre fait aux Cayes à la mort de l'illustre Alexandre Pétion, président d'Haïti, avec les éloges offerts à ses obsèques. [3 avril 1818.], 1818, Hachette / BnF, 2021.
Régis Augustin, Mémoire historique sur Toussaint-Louverture, ci-devant général en chef de l’armée de Saint-Domingue, justifié, par ses actions, des accusations dirigée contre lui ; suivi d’une notice historique sur Alexandre Pétion, président d’Haïti jusqu’à sa mort, Paris, F. Scherff, 1818 [Gallica].
Voir aussi à ce sujet :
« L'historiographie haïtienne : d'un fondateur à l'autre », Le Nouvelliste, 1er octobre 2005 [https://lenouvelliste.com/article/15538/lhistoriographie-haitienne-dun-fondateur-a-lautre].
Les rapports d’Haïti avec les luttes de libération et d’indépendance en Amérique latine, ont donné lieu à une historiographie, notamment lors des commémorations, dont on pourra étudier quelques courts extraits dans une approche interdisciplinaire avec l’espagnol, par exemple :
Agénor Pierre Josué, La dette de l'Amérique latine :1806-2006, Le Nouvelliste, 20 mars 2006 [https://www.lenouvelliste.com/article/26437/la-dette-de-lamerique-latine-1806-2006].
Alejandro Petión (síntesis biográfica); homenaje al ilustre prócer haitiano en el bicentenario de su natalicio, Caracas, Ediciones de la Presidencia de la República, 1970.
Dalencour François, Francisco de Miranda et Alexandre Pétion : l’expédition de Miranda, le premier effort de libération hispano-américaine, le premier vagissement du panaméricanisme, Paris, Berger-Levrault, 1955.
Lamothe Louis, Alejandro Petión ayuda al libertator Simón Bolivar & Los Mayores Poetas Latinoanericanos de 1850 a 1950, Cali, Imprenta Márquez, 1973.
Mesa Rodríguez, Manuel Isaías, Alejandrio Pétion y la independencia americana, La Habana, Instituto cívico-militar, Sección de Arte Graficas, Centro Superior Tecnológio, 1943.
Pool John de, Alejandro Petion y la independencia de Colombia, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1941.
Verna Paul, Alejandro Petión, ejemplo de magnanimidad en América, Caracas, Italgráfica, 1970.
Verna Paul, Pétion y Bolívar. cuarenta años (1790-1830) de relaciones haitianovenezolanas y su aporte a la emancipación de Hispanoamérica, Caracas, sn., 1969.
Verna Paul, Petión y Bolívar : una etapa decisiva en la emancipación de Hispanoamérica, 1790-1830, Caracas, Ediciones de la Presidencia de la República, 1980.
Zapata Olivella Juan, Piar, Petión y Padilla: tres mulatos de la revolución, s.l., Ediciones Universidad Simón Bolivar, 1986
Enfin, les œuvres plastiques constituent une base pour l’étude des représentations de la période et des acteurs, du XIXe siècle à nos jours, voir par exemple (voir les « Prolongements éventuels » pour une approche interdisciplinaire) :
Guillon-Lethière Guillaume (1760 - 1832), Le Serment des Ancêtres, huile sur toile, 300 x 400 cm, 1822, Musée national, Port-au-Prince. Pour la reproduction, voir la Réunion des musées nationaux [https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/guillaume-guillon-lethiere_le-serment-des-ancetres_huile-sur-toile_1822] et pour l’analyse du tableau [https://www.reseau-canope.fr/art-des-caraibes-ameriques/oeuvres/le-serment-des-ancetres.html] ainsi que Gérald Alexis, « ‘Le serment des ancêtres’ dans les collections nationales en Haïti », Aica Caraïbe du Sud, 2016 [https://aica-sc.net/2016/01/15/le-serment-des-ancetres-dans-les-collections-nationales-en-haiti/].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 Alexandre Pétion, président le République d’Haïti | 15 à 20 min | En revenant collectivement par oral sur la situation en 1807 à partir des événements étudiés dans la séance précédente (Constitution du 17 février 1807), guider la formulation d’hypothèses sur la nécessité pour le séant d’élire un nouveau président de la République. Inscrire au tableau les noms des quatre généraux prétendants (Alexandre Pétion, Gérin, Yayou et Magloire Ambroise) et les résultats du vote du 9 mars 1807. Proposer aux élèves répartis en petits groupes les textes du discours du sénateur Jean-Louis Barlatier et la réponse d’Alexandre Pétion (voir Annexes 8) en les mettant en relation avec les articles 40-43 et 103, 106, 107, 114 à 117 de la Constitution de 1806 et guider un questionnement collectif sur l’organisation des pouvoirs en 1807. | En petits groupes, relire les articles 40-43 et 103, 106, 107, 114 à 117 de la Constitution de 1806 et les discours de sénateur Jean-Louis Barlatier et Alexandre Pétion, et répondre aux questions :
|
Temps 2 Les réélections de Pétion et le conflit avec le Sénat | 15 à 20 min | Guider une prise d’information dans les documents (Annexes 9) pour établir collectivement une chronologie des présidences d’Alexandre Pétion. | Surligner dans les documents les différents événements et établir une chronologie des présidences d’Alexandre Pétion. |
Temps 2 bis Une chronologie des conflits. Facultatif. | Variable facultatif | Proposer de mener, en dehors du cours, une recherche pour établir une chronologie des conflits pendant la présidence et la royauté de Christophe et la présidence de Pétion, accompagnée de cartes. | Par une recherche dans la table des matières des ouvrages de Beaubrun Ardouin et Thomas Madiou, réaliser une chronologie des conflits pendant la présidence et la royauté de Christophe et la présidence de Pétion. Réaliser une carte de ces conflits. |
Temps 3 La réforme constitutionnelle de 1816 :un exécutif renforcé ? | 20 à 25 min | Dans un oral collectif guider la comparaison des « Titres V. Pouvoir législatif » et des « Titres VII. Pouvoir exécutif » des Constitutions de 1806 et 1816 pour mettre en évidence la nouvelle organisation des pouvoirs. | En surlignant les différences dans les textes constitutionnels, comparer les « Titres V. Pouvoir législatif » et les « Titres VII. Pouvoir exécutif » des Constitutions de 1806 et 1816. Réaliser un organigramme de l’organisation des pouvoirs et expliquer en quelques lignes ce qui change dans l’exercice du pouvoir. |
Temps 4 La réforme constitutionnelle de 1816 : une citoyenneté élargie ? | 10 à 15min | Inscrire au tableau ou projeter les articles 39 et 44 de la Constitution de 1816 et les faire lire à haute voix pour guider un questionnement collectif sur la qualité de citoyen haïtien. Compléter la réflexion en proposant de comparer le « Titre III. État politique des citoyens » des Constitutions de 1806 et 1816 (ainsi que l’article 28). Guider la formulation d’hypothèses sur les changements de rédaction du Titre III. | Lire les articles 39 et 44 de la Constitution de 1816, puis, collectivement à l’oral, répondre à la question : Qui est citoyen haïtien en 1816 ? Lire et comparer le Titre III. État politique des citoyens des Constitutions de 1806 et 1816 (ainsi que l’article 28). Formuler, individuellement ou en petits groupes, quelques hypothèses sur les changements de rédaction du Titre III. Différenciation : compléter en comparant tous les articles qui traitent de la citoyenneté, des droits et devoirs du citoyen dans les Constitutions de 1806 et 1816. |
Temps 5 La politique internationale | Variable | Si possible en interdisciplinarité avec le cours d’espagnol, proposer la réalisation, en dehors du cours, d’une carte des luttes de libération et des indépendances dans les Amériques latines avec l’indication des influences et des aides d’Haïti (voir Annexe 10). | Réaliser une carte des indépendances dans les Amériques latin en indiquant les influences et les aides d’Haïti. Rédiger une fiche biographique pour les principaux acteurs de ces luttes de libération (voir aussi le temps 6 de cette séance). |
Temps 6 Initiation à la biographie | Variable | Poursuite des propositions du temps 6 de la séance 1 et des « Prolongements éventuels » sur les fiches biographiques sur les fiches biographiques et le glossaire. | Continuer la rédaction des fiches biographiques et des définitions du glossaire. |
Production attendue
Questionnement, analyse, interprétation et comparaison, individuelles, et collective de documents et synthèse.
Recherches pour la réalisation d’une chronologie et de cartes.
Rédaction de biographies et de définitions dans le glossaire historique.
Trace écrite pour l’élève
Tableaux et organigrammes comparatifs et synthèses collectives.
Chronologie et cartes.
Biographies historiques.
Glossaire historique et d’éducation à la citoyenneté.
Évaluation et régulation
(Auto-)évaluation des synthèses, de la bibliographie, des organigrammes et des cartes.
Éléments de remédiation
Reprise collective appuyée sur les documents.
Séance 6. La réunification de la République d’Haïti⚓
Supports et matériel
Ardouin Beaubrun, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica et Wikisource], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tomes VIII à XI (voir Annexes).
Bastien Rémy, Le paysan haïtien et sa famille, Paris, ACCT, Karthala, 1985.
Blancpain, François, La condition des paysans haïtiens. Du code noir aux codes ruraux, Paris, Karthala, 2003.
Bryan Patrick, “The Independencia Efimera of 1821, and the Haitian Invasion of Santo Domingo 1822: A Case of Pre-emptive Independence”, Caribbean Quarterly, Vol. 41, No. ¾, September-December 1995, pp. 15-29 [https://www.jstor.org/stable/40653940].
Cabon Adolphe, Notes sur l’histoire religieuse d’Haïti. De la révolution au Concordat (1789-1860), Port-au-Prince, Petit Séminaire Collège Saint-Martial, 1933 [http://www.manioc.org/patrimon/PAP11117].
Code rural de Boyer (1826), Coédition Archives nationales d'Haïti / Maison Henri Deschamps, avec les commentaires de Roger Petit-Frère, Jean Vandal, Georges E. Werleigh, 1992 [Google Book]
Collectif, Paysans, systèmes et crise. Travaux sur l’agraire haïtien. Tome I : Histoire agraire et développement, SACAD-FAMV, 1993.
Hector Michel, « Les deux grandes rébellions paysannes de la première moitié du XIXe siècle », in Y. Benot et M. Dorigny (éds), Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises, 1802. Aux origines d’Haïti, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, pp. 179-199.
Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744].
Hilaire Jeannot, Histoire en quarantaine. Haïti et son droit d’entrée au club des nations, Haïti/Suisse, Edikreyol, 2007.
Justin Joseph, De la nationalité en Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie de l’Abeille, 1905.
Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome VI et VII (voir Annexes).
Manigat Sabine, Acerca de la genesis del Estado haitiano. El primer modelo, Mexico, FLACSO, 1980.
Moïse Claude, Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 1988, volume 1, La faillite des classes dirigeantes : 1804-1915, Éditions de l'Université d'État d'Haïti, 2009.
Nicholls David, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Péan Leslie, Haïti, économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, tome 1, 1791-1870.
Pierre Étienne Sauveur, L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007 [https://books.openedition.org/pum/15165]. Chapitre 3. Les élites politiques et le processus de consolidation de l’État haïtien (1804-1858), pp. 109-132 [https://books.openedition.org/pum/15182].
Samedy Jean-Baptiste Mario, Mutation et persistance de la structure sociale de Saint-Domingue Haïti 1784-1994. Essai sur la question agraire haïtienne, Ottawa et Toronto, Legas, 1997.
Tardieu-Dehoux Charles, L’éducation en Haïti de la période coloniale à nos jours (1980), Port-au-Prince, Imprimerie Deschamps, 1990.
Trouillot Pascal, Trouillot Ertha et Ernst, Encyclopédie biographique d’Haïti, Montréal, Les Éditions Semis, 2001.
Vandal, Jean, 1992, « Le code rural de Boyer, une œuvre méconnue », in Code Rural de Boyer, 1826, Port-au-Prince, Archives Nationales/Maison Henri Deschamps : 70-81.
Sur José Núñez de Cáceres Albor et la déclaration d’indépendance dominicaine, voir les « Prolongements éventuels », ainsi que :
Hébrard Véronique, Verdo Geneviève, Las independencias hispano-americanas. Un objeto de historia, Madrid, Casa de Velázquez, 2013 [https://books.openedition.org/cvz/19822].
Reza Germán A. de la, “El intento de integración de Santo Domingo a la Gran Colombia (1821-1822)”, Secuencia, no.93 México sep./dic. 2015 [https://www.scielo.org.mx/pdf/secu/n93/n93a4.pdf].
Voir aussi l’article 9 de Acta constitutiva del estado independiente de la parte española de Haití.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 La réunification de la République d’Haïti (1) | 5 à 10 min | Avant la séance, donner à lire la proclamation au peuple et à l’armée de Jean-Pierre Boyer d’avril 1818 (voir Annexe 11). Organiser une présentation orale rapide des biographies d’Alexandre Pétion et d’Henri Christophe réalisées au cours des séances précédentes et faire compléter la chronologie. | Avant la séance, lire la proclamation au peuple et à l’armée du général Jean-Pierre Boyer d’avril 1818 et relever les engagements du nouveau président. Présenter oralement les biographies d’Alexandre Pétion et d’Henri Christophe. Compléter la chronologie. |
Temps 2 L’élection et le programme de Boyer | 5 à 10 min | Guider la présentation et l’analyse orale collective de la proclamation au peuple et à l’armée du général Jean-Pierre Boyer d’avril 1818. | Présenter oralement l’analyse de la proclamation au peuple et à l’armée du général Jean-Pierre Boyer d’avril 1818. |
Temps 3 La fin de la rébellion des cultivateurs de la Grand’Anse | 10 à 15 min | Organiser la présentation orale des synthèses sur la rébellion des cultivateurs de la Grand’Anse et les campagnes de Boyer. | Présenter la synthèse et la carte de la rébellion des cultivateurs de la Grand’Anse et des campagnes de Boyer. |
Temps 4 La Grande Ile (1) | 15 à 20 min |
Guider l’analyse orale collective des documents sur la République d’Haïti et la partie espagnole de l’ile. |
|
Temps 5 La Grande Ile (2) | Variable | Proposer aux élèves de rechercher, en dehors du cours, des cartes d’Haïti (voir l’exemple en Annexe 13) de la première moitié du XIXe siècle et de les présenter si possible sur écran sous forme de mini-site ou de portfolio sur l’évolution du territoire haïtien (l’exercice sera complété au cours de l’année jusqu’à la délimitation définitive des frontières). | Rechercher, en dehors du cours, des cartes d’Haïti pour monter l’évolution du territoire au cours de la première moitié du XIXe siècle. Les présenter sur écran ou dans un portfolio et analyser les évolutions. |
Production attendue
Chronologie, biographies, présentation de documents et synthèse.
Trace écrite pour l’élève
Chronologie, biographies, présentation de documents et synthèse, portfolio ou mini-site de cartes.
Évaluation et régulation
Chronologie, biographies, présentation de documents et synthèse, portfolio ou mini-site de cartes.
Éléments de remédiation
Reprise collective appuyée sur les documents.
Séance 7. Pour le développement de la séance 7, voir la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette »⚓
Supports et matériel
Pour les supports, voir la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette », ainsi que :
Denis Watson, « Série de dettes publiques contractées par Haïti sur le marché intérieur et extérieur au XIXe siècle (1825-1911). (De la double dette de l’indépendance aux emprunts de la Consolidation et pour la création de la Banque Nationale de la République d’Haïti) », Le Nouvelliste, 6 juin 2022, [https://lenouvelliste.com/article/236244/serie-de-dettes-publiques-contractees-par-haiti-sur-le-marche-interieur-et-exterieur-au-xixe-siecle-1825-1911].
Dorigny Marcel, Théodat Jean-Marie, Gaillard Gusti-Klara, Bruffaerts Jean-Claude (eds.), Haïti-France. Les chaînes de la dette. Le rapport Mackau (1825), Paris, Maisonneuve & Larose / Hémisphères, 2021.
Justin Joseph, Les relations extérieures d’Haïti. Études historiques et diplomatiques, Paris, Albert Savine, 1895.
Léger Abel-Nicolas, Histoire diplomatique d'Haïti, Tome premier, 1804-1859, Port-au -Prince, Imprimerie Aug. A. Héraux, 1930 [consultable sur Gallica].
Léger Jacques Nicolas, Recueil des traités et conventions de la République d'Haïti, Imprimerie de la Jeunesse, Maison Athanase Laforest, 1891 [accessible en Google Book].
Le Pelletier de Saint-Rémy Romuald, Saint-Domingue : étude et solution nouvelle de la question haïtienne, Paris, Arthus Bertrand, 1846, [consultable sur http://www.manioc.org/].
Linstant de Pradine, Recueil général des lois & actes du Gouvernement d'Haïti depuis la proclamation de son indépendance jusqu'à nos jours, Paris, Auguste Durand, Tome I 1860 (1804-1808), II (1809-1817), III (1818-1823), IV 1865 (1824-1826), V 1866 (1827-1833), VI 1881 (1834-1839), VII Paris, Pédone-Lauriel, 1888 (1840-1843) [plusieurs éditions accessibles sur Gallica et Google Books].
Louis Etienne Islam, « L’ordonnance royale de Charles X représente beaucoup plus qu’une dette morale » , Le Nouvelliste, 19 mai 2015 [https://lenouvelliste.com/article/144883/lordonnance-royale-de-charles-x-represente-beaucoup-plus-quune-dette-morale].
Louis Etienne Islam, « Les conséquences néfastes de l’ordonnance de Charles X », Le Nouvelliste, 17 juin 2017 [https://lenouvelliste.com/m/public/index.php/article/145979/les-consequences-nefastes-de-lordonnance-de-charles-x].
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
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Temps 1 1814-1825. Un temps de négociations | 10 à 15min | Proposer à la lecture, de préférence en petits groupes et si possible sur écran, sinon en reproduction papier, de courts extraits de la documentation en annexe 7. Compléter collectivement la chronologie précédente en y ajoutant les négociations entre la France et Haïti entre 1814 et 1825. En complément, proposer de rechercher les noms des principaux protagonistes pour en établir une courte notice biographique (maximum 5 lignes). | À l’aide des documents compléter la chronologie précédente. Facultatif : rechercher les noms des principaux protagonistes et en établir une courte notice biographique (maximum 5 lignes). |
Temps 2 L'ordonnance de Charles X : une imposition hors du droit international | 15 à 20 min | Guider la lecture et l’analyse collective de l'ordonnance de Charles X du 17 avril 1825 (Annexe 8.1). Faire relever et, selon le besoin, rechercher dans un dictionnaire ou sur Internet :
Faire résumer chaque article par un mot ou un verbe (voir Eugène, op. cit., « ordonne […], exige […] promet », p. 142), réfléchir sur l’absence du mot « souveraineté » et sur le fait que l’ordonnance ne s’applique qu’à « la partie française de Saint-Domingue ». |
|
Temps 3 L'ordonnance de Charles X :une acceptation sous contrainte | 15 à 20 min | Après avoir questionné les élèves sur les différences de date, selon la même démarche collective, guider l’analyse de l’acceptation sous contrainte, la lecture et l’analyse de la Proclamation du président Jean-Pierre Boyer du 11 juillet 1825 (Annexe 8). |
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Temps 4 L'ordonnance de Charles X : des réactions diverses | 15 à 20 min | Proposez la lecture en petits groupes des extraits des deux historiens Thomas Madiou et Beaubrun Ardouin (Annexe 11) et demander la rédaction d’un court résumé sur les réactions dans la population à l’annonce de l’acceptation de l’ordonnance. |
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Temps 5 Payer la dette : les emprunts | 10 min et variable | Proposer pour la séance suivante la lecture des articles ou d’extraits des articles du Nouvelliste en demandant de relever :
| Relever dans les articles du Nouvelliste :
|
Production attendue
Recherche et collecte d’articles des constitutions de 1805, 1806, 1807, 1811 et 1816.
Chronologie.
Synthèses ou exposés.
Trace écrite pour l’élève
Chronologie.
Synthèses rédigées par les élèves.
Glossaire historique.
Évaluation et régulation
(Auto)évaluation de la chronologie et des synthèses.
Éléments de remédiation
Reprise orale collective l’ordonnance de Charles X et de de la Proclamation du président Jean-Pierre Boyer.
Séance 8. Le code rural de 1826 et la consolidation de l’État autoritaire⚓
Supports et matériel
Code rural de Boyer (1826), Coédition Archives nationales d'Haïti / Maison Henri Deschamps, avec les commentaires de Roger Petit-Frère, Jean Vandal, Georges E. Werleigh, 1992 [Google Book]
Bastien Rémy, Le paysan haïtien et sa famille, Paris, ACCT, Karthala, 1985.
Blancpain François, 2003, La condition des paysans haïtiens. Du code noir aux codes ruraux, Paris, Karthala.
Collectif, Paysans, systèmes et crise. Travaux sur l’agraire haïtien. Tome I : Histoire agraire et développement, SACAD-FAMV, 1993.
Manigat Sabine, Acerca de la genesis del Estado haitiano. El primer modelo, Mexico, FLACSO, 1980.
Samedy Jean-Baptiste Mario, Mutation et persistance de la structure sociale de Saint-Domingue Haïti 1784-1994. Essai sur la question agraire haïtienne, Ottawa et Toronto, Legas, 1997.
Vandal Jean, « Le code rural de Boyer, une œuvre méconnue », in Code Rural de Boyer, 1826, Port-au-Prince, Archives Nationales/Maison Henri Deschamps, 1992, pp. 70-81.
Déroulement de la séance
Etape | Durée | Ce que fait l’enseignant | Ce que fait l’élève |
---|---|---|---|
Temps 1 Une société duale : villes et campagnes dans le code rural | 10 à 15 min | Si possible, avant la séance, donner aux élèves le texte du Code rural au format pdf et leur proposer de rechercher toutes les occurrences des termes « ville », « bourg », « campagne » et copier/coller les articles ou les extraits d’articles correspondants en notant plus précisément les différents métiers et les différentes activités évoqués, les autorisations et interdictions qui y sont liées. Sinon, distribuer aux élèves répartis en petits groupes les articles 4, 5, 7, 8, 9, 183 et 191, éventuellement les articles 15 et 43). Les guider, à partir de leurs recherches sur l’organisation duale de la société entre villes et campagnes. | Rechercher toutes les occurrences des mots ville », « bourg », « campagne » dans le texte du Code rural. Surligner, sélectionner ou copier/coller les articles ou les extraits d’articles dans lesquels ils figurent et relever tous les métiers et toutes les activités dont il question dans ces extraits avec leurs obligations et leurs interdictions. À partir des informations relevées, décrire en quelques lignes l’organisation de la société que préconise le Code rural. |
Temps 2 Une organisation économique sous contrôle | 10 à 15 min | À partir des recherches précédentes, éventuellement en y ajoutant, répartis dans des petits groupes d’élèves, les articles 1, 2, 3, 10, 23, 27, 32, 34, 36, 37, 123, proposer aux élèves de lister les contraintes incombant aux paysans et les guider dans l’interprétation écrite puis orale collective de l’organisation autoritaire (et militaire : au besoin en leur faisant rechercher les occurrences du mot « militaire » et des fonctions qui lui sont associées) de l’économie haïtienne. | À partir des recherches précédentes, et éventuellement de recherches complémentaires dans le texte du Code rural, expliquer en quelques lignes comment est organisée l’économie haïtienne d’après le Code rural. |
Temps 3 Une société sous contrôle : des droits et des réactions des travailleurs ? | 10 à 15 min | Guider la présentation orale de quelques-unes des synthèses et organiser une réflexion orale collective sur la liberté des personnes et les droits des travailleurs, niés au profit de la prospérité de l’État, et guider la formulation d’hypothèses sur les réactions paysannes possibles au Code rural. | Présenter oralement la synthèse, participer à la réflexion collective sur les droits des paysans et formuler quelques hypothèses sur la réaction possible de la paysannerie au Code rural. |
Temps 4 Le marronnage comme forme de résistance ? | 5 min et variable | Proposer une recherche guidée sur les formes de résistance, notamment le marronnage. | Mener une recherche sur les formes de résistance et en établir une chronologie et une cartographie. |
Production attendue
Formulation d’hypothèses à partir du Code rural et synthèse écrite et orale.
Chronologie et cartographie.
Trace écrite pour l’élève
Articles du Code rural.
Synthèse écrite.
Chronologie et cartes.
Évaluation et régulation
Synthèse écrite et sa présentation orale.
Éléments de remédiation
Reprise collective orale sur l’organisation socio-économique d’après le Code rural et les formes de résistance.
Annexes⚓
Annexes 1
Annexe 1.1. Acte d’indépendance de 1804. Digithèque de matériaux juridiques et politiques [https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht.htm]. Pour la Constitution de 1801, voir le document figurant en Annexe de la séquence de 8e année « La Révolution haïtienne (1791-1806) » (téléchargeable sur la plateforme NECTAR).
Liberté ou la mort.
Armée indigène.
Aujourd'hui premier janvier mil huit cent quatre, le Général en chef de l'Armée indigène, accompagné des généraux, chefs de l'armée, convoqués à l'effet de prendre les mesures qui doivent tendre au bonheur du pays.
Après avoir fait connaître aux généraux assemblés ses véritables intentions d'assurer à jamais aux indigènes d'Hayti un gouvernement stable, objet de sa plus vive sollicitude : ce qu'il a fait par un discours qui tend à faire connaître aux puissances étrangères la résolution de rendre le pays indépendant, et de jouir d'une liberté consacrée par le sang du peuple de cette isle ; et, après avoir recueilli les avis, a demandé que chacun des généraux assemblés prononçât le serment de renoncer à jamais à la France, de mourir plutôt que de vivre sous sa domination, et de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'indépendance.
Les généraux, pénétrés de ces principes sacrés, après avoir donné d'une voix unanime leur adhésion au projet bien manifesté d'indépendance, ont tous juré à la postérité, à l'univers entier, de renoncer à jamais à la France, et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination.
Fait aux Gonaïves, ce 1er janvier 1804 et le 1er jour de l'indépendance d'Hayti.
Dessalines, général en chef ;
Christophe, Pétion, Clerveaux, Geffrard, Vernet, Gabart, généraux de division ;
P. Romain, E. Gérin, F. Capois, Daut, Jean-Louis François, Férou, Cangé, L. Bazelais, Magloire Ambroise, J. J. Herne, Toussaint Brave, Yayou, généraux de brigade ;
Bonnet, F. Papalier, Morelly, Chevalier, Marion, adjudants-généraux ;
Magny, Roux, chefs de brigade ;
Chareron, B. Loret, Quené, Macajoux, Dupuy, Carbonne, Diaquoi aîné, Raphaël, Malet, Derenoncourt, officiers de l'armée ;
Et Boisrond Tonnerre, secrétaire.
Proclamation.
Le général en Chef,
Au Peuple d'Hayti.
Citoyens,
Ce n'est pas assez d'avoir expulsé de votre pays les barbares qui l'ont ensanglanté depuis deux siècles ; ce n'est pas assez d'avoir mis un frein aux factions toujours renaissantes qui se jouaient tour à tour du fantôme de liberté que la France exposait à vos yeux ; il faut, par un dernier acte d'autorité nationale, assurer à jamais l'empire de la liberté dans le pays qui nous a vu naître ; il faut ravir au gouvernement inhumain, qui tient depuis long-tems nos esprits dans la torpeur la plus humiliante, tout espoir de nous réasservir ; il faut enfin vivre indépendans ou mourir.
Indépendance ou la mort... Que ces mots sacrés nous rallient, et qu'ils soient le signal des combats et de notre réunion.
Citoyens, mes compatriotes, j'ai rassemblé en ce jour solennel ces militaires courageux, qui, à la veille de recueillir les derniers soupirs de la liberté, ont prodigué leur sang pour la sauver ; ces généraux qui ont guidé vos efforts contre la tyrannie, n'ont point encore assez fait pour votre bonheur... Le nom français lugubre encore nos contrées.
Tout y retrace le souvenir des cruautés de ce peuple barbare ; nos lois, nos mœurs, nos villes, tout porte encore l'empreinte française ; que dis-je, il existe des Français dans notre île, et vous vous croyez libres et indépendants de cette république qui a combattu toutes les nations, il est vrai, mais qui n'a jamais vaincu celles qui ont voulu être libres.
Eh quoi ! victimes pendant quatorze ans de notre crédulité et de notre indulgence ; vaincus, non par des armées françaises, mais par la piteuse éloquence des proclamations de leurs agents ; quand nous lasserons-nous de respirer le même air qu'eux ? Qu'avons-nous de commun avec ce peuple bourreau ? Sa cruauté comparée a notre patiente modération ; sa couleur à la nôtre ; l'étendue des mers qui nous séparent, notre climat vengeur, nous disent assez qu'ils ne sont pas nos frères, qu'ils ne le deviendront jamais et que, s'ils trouvent un asile parmi nous, ils seront encore les machinateurs de nos troubles et de nos divisions.
Citoyens indigènes, hommes, femmes, filles et enfans, portez les regards sur toutes les parties de cette île ; cherchez-y, vous vos épouses, vous vos maris, vous vos frères, vous vos sœurs ; que dis-je, cherchez-y vos enfans, vos enfants à la mamelle ! Que sont-ils devenus... Je frémis de le dire... la proie de ces vautours. Au lieu de ces victimes intéressantes, votre œil consterné n'aperçoit que leurs assassins ; que les tigres dégouttant encore de leur sang, et dont l'affreuse présence vous reproche votre insensibilité et votre lenteur à les venger. Qu'attendez-vous pour apaiser leurs mânes, songez que vous avez voulu que vos restes reposassent auprès de ceux de vos pères, quand vous avez chassé la tyrannie ; descendrez-vous dans leurs tombes sans les avoir vengés ? Non, leurs ossements repousseraient les vôtres.
Et vous, hommes précieux, généraux intrépides, qui insensibles à vos propres malheurs, avez ressuscité la liberté en lui prodiguant tout votre sang ; sachez que vous n'avez rien fait, si vous ne donnez aux nations un exemple terrible, mais juste, de la vengeance que doit exercer un peuple fier d'avoir recouvré sa liberté, et jaloux de la maintenir ; effrayons tous ceux qui oseraient tenter de nous la ravir encore : commençons par les Français... Qu'ils frémissent en abordant nos côtes, sinon par le souvenir des cruautés qu'ils y ont exercées, au moins par la résolution terrible que nous allons prendre de dévouer à la mort quiconque, né français, souillerait de son pied sacrilège le territoire de la liberté.
Nous avons osé être libres, osons l'être par nous-mêmes et pour nous-mêmes ; imitons l'enfant qui grandit : son propre poids brise la lisière qui lui devient inutile et l'entrave dans sa marche. Quel peuple a combattu pour nous ! Quel peuple voudrait recueillir les fruits de nos travaux ? Et quelle déshonorante absurdité que de vaincre pour être esclaves. Esclaves !... Laissons aux Français cette épithète qualificative ; ils ont vaincu pour cesser d'être libres.
Marchons sur d'autres traces ; imitons ces peuples qui, portant leur sollicitude jusques sur l'avenir, et appréhendant de laisser à la postérité l'exemple de la lâcheté, ont préféré être exterminés que rayés du nombre des peuples libres.
Gardons-nous cependant que l'esprit de prosélytisme ne détruise notre ouvrage ; laissons en paix respirer nos voisins, qu'ils vivent paisiblement sous l'empire des lois qu'ils se sont faites, et n'allons pas, boutes-feu révolutionnaires, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des Isles qui nous avoisinent ; elles n'ont point, comme celles que nous habitons, été arrosées du sang innocent de leurs habitans ; elles n'ont point de vengeance à exercer contre l'autorité qui les protège.
Heureuses de n'avoir jamais connu les fléaux qui nous ont détruit, elles ne peuvent que faire des vœux pour notre prospérité.
Paix à nos voisins ! mais anathème au nom français ! haine éternelle à la France ! voilà notre cri.
Indigènes d'Haïti ! mon heureuse destinée me réservait à être un jour la sentinelle qui dût veiller à la garde de l'idole à laquelle vous sacrifiez : j'ai veillé, combattu, quelquefois seul ; et, si j'ai été assez heureux pour remettre en vos mains le dépôt sacré que vous m'avez confié, songez que c'est à vous maintenant à le conserver. En combattant pour votre liberté, j'ai travaillé à mon propre bonheur. Avant de la consolider par des lois qui assurent votre libre individualité, vos chefs, que j'assemble ici, et moi-même, nous vous devons la dernière preuve de notre dévouement.
Généraux, et vous chefs, réunis ici près de moi pour le bonheur de notre pays, le jour est arrivé, ce jour qui doit éterniser notre gloire, notre indépendance.
S'il pouvait exister parmi vous un cœur tiède, qu'il s'éloigne et tremble de prononcer le serment qui doit nous unir.
Jurons à l'univers entier, à la postérité, à nous-mêmes, de renoncer à jamais à la France, et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination.
De combattre jusqu'au dernier soupir pour l'indépendance de notre pays !
Et toi, peuple trop long-tems infortuné, témoin du serment que nous prononçons, souviens-toi que c'est sur ta constance et ton courage que j'ai compté quand je me suis lancé dans la carrière de la liberté pour y combattre le despotisme et la tyrannie contre lesquels tu luttais depuis quatorze ans. Rappelle-toi que j'ai tout sacrifié pour voler à ta défense, parens, enfans, fortune, et que maintenant je ne suis riche que de ta liberté ; que mon nom est devenu en horreur à tous les peuples qui veulent l'esclavage, et que les despotes et les tyrans ne le prononcent qu'en maudissant le jour qui m'a vu naître ; et si jamais tu refusais ou recevais en murmurant les lois que le génie qui veille a tes destinées me dictera pour ton bonheur, tu mériterais le sort des peuples ingrats.
Mais loin de moi cette affreuse idée. Tu seras le soutien de la liberté que tu chéris, l'appui du chef qui te commande.
Prête donc entre ses mains le serment de vivre libre et indépendant, et de préférer la mort à tout ce qui tendrait à te remettre sous le joug. Jure enfin de poursuivre à jamais les traîtres et les ennemis de ton indépendance.
Fait au quartier général des Gonaïves, le 1er janvier mil huit cent quatre, l'An premier de l'indépendance.
Signé : J. J. Dessalines
Au nom du peuple d'Hayti.
Nous, généraux et chefs des armées de l'île d'Hayti, pénétrés de reconnaissance des bienfaits que nous avons éprouvés du général en chef Jean -Jacques Dessalines, le protecteur de la liberté dont jouit le peuple.
Au nom de la Liberté, au nom de l'Indépendance, au nom du Peuple qu'il a rendu heureux, nous le proclamons Gouverneur général, à vie, d'Hayti. Nous jurons d'obéir aveuglément aux lois émanées de son autorité, la seule que nous reconnaîtrons. Nous lui donnons le droit de faire la paix, la guerre et de nommer son successeur.
Fait au quartier-général des Gonaïves, ce premier jour de janvier mil huit cent quatre et le premier jour de l'Indépendance.
Signé : Gabart, Paul Romain, P.-J. Herne, Capois, Christophe, Geffrard, E. Gérin, Vernet, Pétion, Clerveaux, Jean-Louis François, Cangé, Férou, Yayou, Toussaint Brave , Magloire Ambroise, Louis Bazelais.
Annexe 1.2. Gaffield Julia, Haiti’s Declaration of Independence: Digging for Lost Documents in the Archives of the Atlantic World, 2014 [https://theappendix.net/issues/2014/1/haitis-declaration-of-independence-digging-for-lost-documents-in-the-archives-of-the-atlantic-world].
Annexe 2. Cartes du territoire haïtien
Annexe 2. Cartes du territoire haïtien, Jean Marie Théodat, « État et territoire : la question de la naissance de la République dominicaine », in Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, pp. 301, 302 et 305 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744].
Annexe 3. « Droit et liberté dans la formation de l’État en Haïti »
Annexe 3. Péan Leslie, « Droit et liberté dans la formation de l’État en Haïti », in Hector Michel, Hurbon Laënnec (dir.), Genèse de l'État haïtien (1804-1859), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, pp. 174-175 [https://books.openedition.org/editionsmsh/9744]. Ne conserver pour les élèves que les passages en gras.
État militariste
Si nous partons des éléments constitutifs d’un État que sont la population, un territoire et un gouvernement reconnu par la communauté internationale, Haïti n’est pas encore un État entre 1804 et 1825. La souveraineté du gouvernement haïtien sur le territoire des 28 000 kilomètres carrés n’est pas reconnue par les États de l’époque. Ainsi, en juillet 1801, de Thomas Jefferson, le nouveau président américain élu, faisant entendre à Bonaparte qu’il ne supporte pas l’idée d’une Haïti indépendante (ce qui encourage Napoléon à préparer l’expédition de 1802). Cette idée sera reprise dans le traité de Paris de 1814 par lequel la France recevra à nouveau de la communauté internationale carte blanche pour reconquérir son ancienne colonie de Saint-Domingue. À ce sujet, le grand abolitionniste Victor Schoelcher écrit :
L’éventualité de revendications armées de la part d’une puissance telle que la France était un obstacle à tout avenir pour Haïti. Les Haïtiens possédaient l’île de fait, mais la France la possédait de droit ; la souveraineté lui en avait été garantie par tous les gouvernements du traité de Paris.
Schoelcher Victor [1843], Colonies étrangères et Haïti, tome 2, Paris, Émile Désormeaux (ed.), pp. 161-162.
La question est d’importance car la communauté internationale (un euphémisme pour parler des Blancs colonialistes) se donne le droit de dire le droit, c’est-à-dire de décider ce qui doit être. Ce ne sont donc pas uniquement les vœux des Haïtiens qui sont pris en compte pour la formation de leur État. Ces derniers, tout indépendants qu’ils se disent, demeurent encore sous le joug de la communauté internationale qui leur fait des obligations, parmi lesquelles la plus importante est de réduire leur ambition, de prétendre avoir la même voix que les Blancs et de conserver l’héritage de 1804. À ce sujet, deux conceptions s’opposeront. Celle de Christophe, qui prendra toutes les dispositions civiles, militaires et économiques pour assurer avec hardiesse et intrépidité la marche en avant. De l’autre, celle de Pétion et de Boyer qui, en pensant bien faire, opteront pour la conciliation avec les colonialistes en reniant l’héritage de l’État libérateur, précipitant ainsi Haïti dans l’engrenage de la tragédie actuelle. Nous y reviendrons.
L’absence d’État est aussi manifeste quand on considère la personnalisation du pouvoir individuel donnant au roi, empereur ou président tous les leviers de commande au détriment du développement des institutions. Toutefois, cette absence d’État ne se vérifie pas si on en réfère à la définition classique de Max Weber faisant de l’État une entité qui détient le monopole de la violence. En effet pour Weber (Weber Max, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959, p. 8), « l’État consiste en un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime ». En réalité, c’est avec hypertrophie que l’État de la violence et de la domination se manifeste en Haïti. Le despotisme d’État affiche toutes ses dimensions dès le gouvernement de Dessalines (1804-1806). Tout en perpétuant le discours colonial et ses règles immanentes, qui vont de soi et qu’on applique sans même s’en rendre compte, le pouvoir dessalinien édicte ses propres règles et élabore ses propres normes dans le sens des intérêts des dirigeants des nouveaux libres, bien décidés à élargir leur part du gâteau national au détriment des anciens libres mais aussi au détriment de la masse de cultivateurs non-propriétaires.
Ce n’est donc pas un État de droit qui s’affirme en 1804 mais un État militaire, militariste, dans lequel les forces armées et de sécurité contrôlent l’espace socioéconomique etpolitique. Les forces militaires déterminent les règles d’affermage des terres, mais aussi les normes régissant le fonctionnement de la société. Dans le sillage de la légitimité acquise sur les champs de bataille par l’armée indigène, l’État militaire s’est imposé. Mais comme l’explique Jean-Pierre Brax, « l’excellence dans l’art de la guerre et de la survie politique ne saurait garantir une bonne gestion des affaires publiques » (Jean-Pierre Brax, « Retour sur la question haïtienne », Foire d’opinions haïtiennes, 2005, 11 novembre 2005). C’est donc par la force des armes que le militarisme s’est fait accepter de la société civile à laquelle il demande obéissance. La tragédie de la société haïtienne naissante est que cette force n’a jamais pu se transformer en droit étant donné le caractère illégitime de ces prises de position et la résistance populaire aux ukases des détenteurs du pouvoir d’État. Les dirigeants de la guerre de l’Indépendance sont devenus des satrapes. Mais comme le dit Brax, « Ces satrapes n’arrivèrent jamais complètement à leur fin car le génie populaire si caractéristique de la population haïtienne inventera en un temps record un système économique, social, culturel et politique qui mit en échec toute tentative directe ou indirecte de retour à l’esclavage. Résultat : la dynamique suicidaire de deux systèmes socioculturels et économiques fonctionnant de manière conflictuelle sur un même territoire et tous les désastres générés par la démultiplication des antagonismes envenimés par toutes sortes de préjugés et pratiques discriminatoires... » (Ibid.). La résistance populaire bénéficiera du hiatus entre ce que Marx nomme dans L’idéologie allemande les forces de production matérielle et les forces de production spirituelle. Pour Marx, ceux qui contrôlent les premières disposent en même temps des secondes. Dans le cas haïtien, cet automatisme ne se vérifie pas. Cette résistance populaire sera d’autant plus grande que les Bossales, représentant 70 % de la population et la majorité des troupes lors de la guerre de l’Indépendance, avaient leurs propres moyens de production spirituelle (le vodou et leurs traditions africaines), possédant ainsi une relative autonomie par rapport aux Créoles qui contrôlaient les moyens de production matérielle (Barthélemy Gérard, Dans la splendeur d’un après-midi d’histoire, Paris, Imprimerie Deschamps, 1996.).
Annexe 4. Résistance à l’Oppression
Annexe 4. Résistance à l’Oppression, 17 octobre 1806 (antidaté d’un jour d’après Beaubrun Ardouin, tome VI, p. 346). Publié dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 346-350 ; et dans Thomas Madiou, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III, pp. 313-316. Disponible en Wikisource.
Une affreuse tyrannie, exercée depuis trop longtemps sur le peuple et l’armée, vient enfin d’exaspérer tous les esprits et les porter, par un mouvement digne du motif qui le fit naître, à se lever en masse pour former une digue puissante contre le torrent dévastateur qui le menace.
Un complot, ourdi dans le calme et la réflexion, allait bientôt éclater ; les hommes susceptibles de penser, ceux capables enfin de faire triompher les sublimes principes de la vraie liberté, dont ils sont les défenseurs, devaient disparaître pour toujours ; une marche rapide vers la subversion totale, effrayait déjà même l’homme le plus indifférent : tout semblait annoncer que nous touchions au moment de voir se renouveler ces scènes d’horreur et de proscription, ces cachots, ces gibets, ces bûchers, ces noyades dont nous étions les tristes et malheureuses victimes, sous le gouvernement des Rochambeau, des Darbois, des Ferrand, des Berger, etc., etc., etc.
Moins touché du bonheur de ses peuples qu’avide à ramasser, le chef du gouvernement fit dépouiller injustement de leurs biens, des milliers de familles qui sont en ce moment réduites à la plus affreuse misère, sous le prétexte apparent qu’elles ne pouvaient justifier de leurs titres de propriété ; mais dans le fait, pour augmenter ses domaines. N’est-il pas constant qu’après avoir joui depuis dix, vingt et trente ans d’un bien, on devait en être supposé le véritable propriétaire ? Dessalines ne l’ignorait pas ; il était persuadé même que ces citoyens avaient perdu leurs titres dans les derniers événemens ; il en profita pour satisfaire sa cupidité. D’autres petits propriétaires furent arrachés inhumainement de leurs foyers, et renvoyés sur les habitations d’où ils dépendaient, sans avoir égard ni à leur âge, ni à leur sexe. Si des considérations particulières ou des vues d’intérêt général pouvaient autoriser cette mesure, qui paraît avoir été adoptée par les gouvernemens précédens, au moins était-il juste d’accorder une indemnité à ceux sur lesquels on l’exerçait.
Le commerce, source de l’abondance et de la prospérité des États, languissait sous cet homme stupide, dans une apathie dont les vexations et les horreurs exercées sur les étrangers ont été les seules causes. Des cargaisons enlevées par la violence, des marchés aussitôt violés que contractés, repoussaient déjà de nos ports tous les bâtimens. L’assassinat de Thomas Thuat, négociant anglais, connu avantageusement dans le pays par une longue résidence, par une conduite irréprochable, et par ses bienfaits, a excité l’indignation ; et pourquoi ce meurtre ? Thomas Thuat était riche, voilà son crime !… Les négocians haïtiens ne furent pas mieux traités : les avantages qu’on avait l’air de vouloir leur accorder, n’avaient été calculés que sur le profit qu’on pouvait en tirer : c’étaient des fermiers que pressuraient des commis avides.
Toujours entraîné vers ce penchant qui le porte au mal, le chef du gouvernement, dans la dernière tournée qu’il fit, désorganisa l’armée ; sa cruelle avarice lui suggéra l’idée de faire passer les militaires d’un corps dans un autre, afin de les rapprocher de leur lieu natal, pour ne point s’occuper de leur subsistance, quoiqu’il exigeât d’eux un service très-assidu. Le soldat était privé de sa paye, de sa subsistance, et montrait partout sa nudité, tandis que le trésor public fournissait avec profusion, des sommes de vingt mille gourdes par an, à chacune de ses concubines, dont on en peut compter au moins une vingtaine, pour soutenir un luxe effréné qui faisait en même temps la honte du gouvernement et insultait à la misère publique.
L’empire des lois ne fut pas non plus respecté. Une constitution faite par ordre de l’empereur, uniquement pour satisfaire à ses vues, dictée par le caprice et l’ignorance, rédigée par ses secrétaires, et publiée au nom des généraux de l’armée qui n’ont non-seulement, jamais ni approuvé ni signé cet acte informe et ridicule, mais encore n’en eurent connaissance que lorsqu’elle fut rendue publique et promulguée. Les lois réglementaires formées sans plans et sans combinaisons, et toujours pour satisfaire plutôt à une passion que pour régler les intérêts des citoyens, furent toujours violées et foulées aux pieds par le monarque lui-même. Aucune loi protectrice ne garantissait le peuple contre la barbarie du souverain ; sa volonté suprême entraînait un citoyen au supplice, sans que ses amis et ses parens en pussent connaître les causes. Aucun frein, enfin, n’arrêtait la férocité de ce tigre altéré du sang de ses semblables ; aucune représentation ne pouvait rien sur ce cœur barbare, pas même les sollicitations de sa vertueuse épouse dont nous admirons tous les rares qualités.
Les ministres dont la constitution (si cet acte peut être qualifié de ce nom) avait déterminé les fonctions, ne purent jamais les exercer pour le bonheur du peuple ; leurs plans et leurs représentations furent toujours ridiculisés et rejetés avec mépris ; leur zèle pour le bien public en général, et pour celui de l’armée en particulier, fut par conséquent paralysé.
La culture, cette première branche de la fortune publique et particulière, n’était point encouragée, et les ordres du chef ne tendaient qu’à faire mutiler les pauvres cultivateurs. Était-il sage, enfin, d’arracher à la culture des bras qui la fructifiaient, pour grossir sans besoin le nombre des troupes, qu’on ne voulait ni payer, ni nourrir ni vêtir, lorsque déjà l’armée était sur un pied respectable ?
Tant de crimes, tant de forfaits, tant de vexations ne pouvaient rester plus longtemps impunis : le peuple et l’armée, lassés du joug odieux qu’on leur imposait, rappelant leur courage et leur énergie, viennent enfin, par un mouvement spontané, de le briser. Oui, nous avons rompu nos fers !… Soldats, vous serez payés, habillés. Propriétaires, vous serez maintenus dans la possession de vos biens. Une constitution sage va bientôt fixer les droits et les devoirs de tous.
En attendant le moment où il sera possible de l’établir, nous déclarons que l’union, la fraternité et la bonne amitié étant la base de notre réunion, nous ne déposerons les armes qu’après avoir abattu l’arbre de notre servitude et de notre avilissement, et placé à la tête du gouvernement un homme dont nous admirons depuis longtemps le courage et les vertus, et qui, comme nous, était l’objet des humiliations du Tyran. Le peuple et l’armée dont nous sommes les organes, proclament le général Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement haïtien, en attendant que la constitution, en lui conférant définitivement ce titre auguste, en ait désigné la qualification.
Donné en conseil, à notre quartier-général du Port-au-Prince, le 16 octobre 1806, an 3e de l’Indépendance, et de la vraie Liberté, le 1er.
(Suivent les signatures de Gérin, Pétion, Yayou, Vaval, Bonnet, Marion, Véret, Francisque, Lamarre, Sanglaou, et celles des autres officiers supérieurs, des principaux fonctionnaires de l’ordre civil, etc.)
Signé: Le Ministre de la Guerre et de la Marine, Et. Gérin ; le général commandant la 2e. division de l'Ouest, Pétion ; Yayou, Vaval, généraux de brigade ; l'adjudant général, chef d'état-major, Bonnet ; Marion, Verret, adjudants-généraux ; Francisque, Lamarre, Sanglaou, colonels ; Boisblanc, Masson, Derenoncourt, chefs de divisions ; Desmaratte, Hilaire, Maréchal, J. B. Franc, Clermont, Quique, Isidor, Romain, Alexis Lemau, Métellus, Adam, J. Ch. Cadet, Menter, Léveillé, Levêque, Lespérance, chefs de bataillon ; Lys, chef d'artillerie; Dieudonné, commandant provisoire du Port-au Prince ; Bastien, Baude, Delaunay, Janvier, Chevalier, Jean Langevin, chefs d'escadron; Pitre aîné, administrateur ; Chervain commissaire des guerres; Noël, président du tribunal de commerce ; Moreau, président du tribunal civil ; Fresnel, commissaire du gouvernement; Perdriel, Jeanton, Linard, Médor, Séac, Jeanton aîné, juges. Suivent un grand nombre de signatures.
Note de Madiou : La vérité historique me commande de faire connaitre qu'on avait porté, avec leur consentement, les noms de plusieurs officiers ne sachant pas signer.
Annexe 5. La convocation de l’Assemblée constituante
Annexe 5.1. Proclamation de Christophe au peuple et à l'armée le 2 novembre 1806, rédigée par Rouanez Jeune. Publiée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 416-417 ; et dans Thomas Madiou, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III, pp. 349-351. Disponible en Wikisource.
L’événement qui vient de vous rendre à un sort plus digne de vos sacrifices et de vos travaux, qui, en détruisant l’arbitraire dont vous aviez à vous plaindre, vous prépare un avenir heureux, doit être le nœud indissoluble de notre union et le rempart de notre félicité. C’est n’avoir rien fait que de détruire une mauvaise administration, sans lui en substituer une meilleure et sans se garder des désordres de l’anarchie trop faciles à se glisser dans la transition politique d’un régime à un autre. Souvenez-vous que le gouvernement qui va désormais garantir vos droits et assurer le prix de vos privations, demande de vous l’obéissance, le maintien exact de l’ordre et de l’union, le respect de vos chefs, l’observation de la discipline militaire et l’exécution des lois. Voilà les conditions sans lesquelles il lui est impossible défaire un pas dans la carrière qui vient de lui être ouverte.
Vous, militaires de tous grades, qui, depuis quatre ans, n’avez cessé de soutenir, sous des chefs distingués, l’honneur du drapeau d’Haïti, voudriez-vous perdre en un jour, et votre réputation et la récompense qui vous est destinée ? voudriez-vous renverser sur vos têtes, l’édifice de notre indépendance et de notre liberté, et nous exposer, par sa chute, à l’ironie des nations ? Avez-vous oublié les préceptes de cette discipline qui a fait distinguer, même par nos ennemis, votre mérite et votre bravoure ? Souvenez-vous que le soldat n’est pas digne de ce nom, lorsqu’il s’écarte du sentier de ses devoirs. Souvenez-vous que la sûreté de l’Etat, celle de vos familles, des citoyens et des propriétés, dépendent de votre obéissance à vos chefs. Le gouvernement a les yeux ouverts sur vous ; il sait quelles ont été vos privations ; il s’occupe à chaque instant de pourvoir, d’avance, aux moyens d’assurer votre équipement, votre paie et votre existence. Ne détruisez donc pas les soins qu’il consacre à assurer votre sort.
Vous, cultivateurs et habitans, dont les bras laborieux soutiennent les bases du gouvernement, votre bonheur est dans vos travaux, votre richesse est le produit de votre culture ; sans l’ordre le plus exact, sans une tranquillité parfaite, vous perdrez tout le fruit de vos sueurs. Votre bonheur et celui de votre famille occupent le gouvernement ; il ne cesse de travailler pour vous donner des règlemens dont la sagesse va vous garantir la jouissance du produit de votre travail et assurer l’aisance dans le sein de vos familles. La régularité de votre conduite est essentiellement nécessaire pour assurer les effets de la bienfaisante sollicitude du gouvernement à votre égard.
Militaires de toutes armes, habitans de tous états, pénétrez-vous bien de la nécessité d’une rigoureuse obéissance aux lois. S’il est au milieu de vous des agitateurs, des stipendiés de nos ennemis, des traîtres qui chercheraient à détruire vos principes, sachez les connaître ; mettez le gouvernement à même de détruire les pernicieux effets de leurs perfides insinuations ; confiez sans détour à vos chefs, avec la franchise du véritable Haïtien, leurs suggestions astucieuses. Gardez dans vos âmes l’amour de votre patrie, celui de l’ordre ; imprimez-y, en caractères ineffaçables, que le gouvernement veut le maintien de la plus parfaite union, et le sacrifice de toute haine, ambition, de tout esprit de parti, et n’a d’autre but que le salut de l’État.
Annexe 5.2. Circulaire de Christophe aux généraux Romain et Toussaint Brave (divisions du Nord), Vernet et Pétion (divisions de l'Ouest), Gérin et Férou (divisions du Sud), pour fixer le mode d'élection et les conditions nécessaires à la formation de l’assemblée constituante, 3 novembre 1806. Publiée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 424-425 ; et dans Thomas Madiou, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III, pp. 353-354. Disponible en Wikisource.
Étant instant de travailler à la formation d’une constitution ; voulant, autant qu’il est en mon pouvoir, accélérer la conclusion de cette œuvre nécessaire ; et attendu que le plus sûr moyen d’y parvenir est de réunir les plus sages de nos concitoyens et les plus éclairés sur leurs droits, pour, d’après les vœux du peuple, convenir d’un pacte qui établisse les devoirs de toutes les branches du gouvernement ainsi que les obligations des Haïtiens, je vous invite à donner des ordres dans chaque paroisse de la division que vous commandez, pour faire assembler, le 20 du présent mois, tous les habitans de chacune de ces paroisses à l’effet d’élire, dans chacune, un citoyen connu par sa moralité et son amour du bien public, pour la représenter et travailler à notre constitution. Ces citoyens se réuniront le 30 de ce mois dans la ville du Port-au-Prince pour faire, d’après les vœux de leurs commettans, une constitution ; et je n’ai pas besoin de vous recommander d’aider de vos lumières le choix du peuple, en lui indiquant au besoin les personnes qui, à votre connaissance, sont dignes de la confiance publique, et pouvant, par leur discernement, concourir à la perfection de cet important ouvrage.
Vous voudrez bien leur faire observer, que la non-résidence dans la paroisse, n’est pas une qualité exclusive de l’élection : tout citoyen d’Haïti a droit à la nomination, partout où il sera reconnu digne.
Lorsque les divers envoyés des paroisses seront arrivés dans le lieu qui leur est désigné, ils n’auront pas besoin d’autre lettre de convocation que les procès-verbaux de leurs paroisses respectives, pour procéder de suite, après que la légalité en sera reconnue, à terminer le plutôt possible leur travail.
Aidez de votre influence et de vos sages conseils, autant qu’il sera en votre pouvoir, l’assemblée de nos concitoyens, afin qu’avec la nouvelle année nous puissions, s’il est possible, offrir au peuple l’étrenne précieuse de la nouvelle constitution. »
Annexe 5.3. Lettre de Christophe à Pétion le 23 octobre 1806. Publiée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 368. Disponible en Wikisource.
Mon camarade,
Je m’empresse de répondre à votre lettre du 16 (18) courant, qui vient de m’être remise avec les exemplaires de la déclaration faite par les divisions du Sud et la 2e division de l’Ouest.
Les griefs que vous exposez contre la conduite et les actes arbitraires dont nous avons été tes tristes témoins et les tristes victimes, et qui nous plaçaient dans un état de nullité sous le règne qui vient de passer, méritent la plus grande attention pour assurer l’empire des lois dans le pays. Les mesures que vous avez prises pour le maintien de l’ordre, dès qu’elles étaient nécessaires, sont sages. J’ai agi de même ici, en ordonnant, en ce moment, que les divisions du Nord et la première de l’Ouest fussent payées et habillées. Faites connaître à tous nos frères d’armes de l’armée du Sud et de l’Ouest, que j’approuve la bonne conduite qu’ils ont tenue en cette circonstance, puisque l’ordre n’a pas été troublé : ce qui doit toujours être la base de notre constitution.
Le choix qu’ils ont fait de moi, en m’appelant à la place honorable et pénible du gouvernement, impose de grandes obligations. Personne mieux que vous, mon camarade, ne connaît mes principes et mon désintéressement pour toute espèce d’emplois ; il a fallu un aussi puissant motif pour me déterminer à accepter ce fardeau énorme, avec la persuasion que j’ai, que vous concourrez, en votre particulier, à m’aider de vos lumières lorsque le bien public l’exigera.
Je m’étends plus au long, par cette occasion, avec le général Gérin, à qui j’écris ; je vous prie de vous entendre avec lui pour maintenir le bon ordre, jusqu’à ce que les lois soient définitivement organisées : ce qui ne doit pas éprouver de retard.
J’ai l’honneur de vous saluer avec considération,
Signé : Henry Christophe.
Annexe 5.4. Réponse de Pétion le 10 décembre 1806. Publiée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 435-437. Disponible en Wikisource.
Port-au-Prince, le 10 décembre 1806.
Le général de division Pétion, commandant la 2me division de l’Ouest, et membre de l’assemblée constituante,
Au général en chef Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement.
J’ai reçu, mon général, la lettre que vous m’avez écrite et que le général Dartiguenave était chargé de me remettre. Ce général m’a fait part de la mission dont vous l’avez chargé pour le Sud, et m’a communiqué, d’après vos ordres, les instructions dont il est porteur. Comme, par votre lettre, vous m’invitez à l’aider de mes conseils relativement à cette mission, j’ai pensé qu’il était de mon devoir de lui faire connaître tout le mauvais effet que produirait dans ce moment sa présence dans cette partie : lui-même en est convenu et s’est décidé à vous faire part de nos réflexions, et d’attendre ici vos ordres. D’après la confiance que vous me témoignez, je dois, mon général, vous dire la vérité, et je suis trop ami de mon pays pour ne pas vous éclairer sur une démarche qui pourrait en troubler le repos.
Le général Gérin est le premier qui s’est mis à la tête de la révolution qui nous a délivré de la tyrannie ; il n’a pas balancé à faire le sacrifice de sa famille, exposée à la férocité de Dessalines, pour défendre la cause du peuple. Ce général, depuis le commencement de la révolution (en 1791) n’a cessé de combattre pour la liberté dont on pourrait dire qu’il est le martyr ; dans ce moment même, il se donne tous les mouvemens possibles pour maintenir l’ordre et la tranquillité. En voyant arriver le général Dartiguenave, chargé d’une mission particulière et revêtu du pouvoir de conférer des commandemens, il regardera nécessairement cette démarche comme une marque certaine du peu de confiance que vous avez en lui, et comme un dessein formé d’avilir son autorité aux yeux de ces mêmes hommes qui se sont volontairement rangés sous son commandement. Les officiers qui ont concouru avec ce général au renversement du tyran, croiraient voir un désaveu de leur conduite, et la crainte des suites pourrait les réduire au désespoir. Il est de mon devoir de ne pas vous laisser ignorer que l’effervescence n’est pas encore tout-à-fait apaisée dans cette partie ; tous les esprits sont tendus vers la constitution ; c’est le baume qui seul peut guérir toutes les plaies que l’inquiétude fait naître. N’est-il pas prudent, mon général, que nous attendions ce moment si désiré ? Je vous prie de réfléchir vous-même sur les conséquences qui pourraient en dériver. Si une démarche, quoique innocente, était susceptible d’interprétation, le moindre des résultats serait de faire perdre au gouvernement la confiance du peuple ; alors l’harmonie serait détruite, la défiance renaîtrait, et le progrès du bien serait retardé dans sa marche. Pesez, dans votre sagesse, mon général, toutes les raisons que je viens de vous déduire, et je suis persuadé que vous les approuverez. Votre propre gloire exige impérieusement que vous fassiez le bonheur de vos concitoyens, et vous manqueriez ce but qui doit vous immortaliser.
J’ai l’honneur de vous saluer respectueusement.
Signé : Pétion.
Annexe 5.5. Lettre du 24 décembre 1806 de Pétion à Christophe. Publiée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 442-443 ; et dans Thomas Madiou, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, Jh. Courtois, 1847, Henri Deschamps, 1987-1991 [Gallica], Tome III, pp. 362-363. Disponible en Wikisource.
Port-au-Prince, le 24 décembre 1806.
Le général de division Pétion, commandant la 2me division de l’Ouest, et membre de l’assemblée constituante,
Au général en chef Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement.
J’ai reçu, général, votre lettre du 19 courant, à laquelle je vais répondre.
À l’égard de ce que vous me dites relativement au 3me bataillon de la 20me demi-brigade, j’avais senti aussi toute la conséquence de sa démarche ; mais je n’ai pas pensé que dans les circonstances où nous sommes, la sévérité fût le seul remède auquel il fallut recourir ; et je suis loin de croire qu’elle aurait produit l’effet que vous présumiez. Dans le passage d’un gouvernement à un autre, si l’on peut s’opposer à ce que les lois soient entièrement suspendues, il est difficile d’empêcher qu’elles ne perdent une partie de leur force et de leur énergie.
Quant à la mission du général Dartiguenave dans le Sud, je n’ai fait que me conformer à votre lettre dont il était porteur et par laquelle vous m’invitiez à l’aider de mes conseils ; et si je me suis permis de vous faire quelques observations, ce n’est que parce que vous m’avez autorisé à cela par plusieurs de vos lettres, entre autres celle du 23 octobre où vous vous expliquez ainsi : « Personne mieux que vous, mon cher camarade, ne connaît mes principes et mon désintéressement pour toute espèce d’emploi ; il m’a fallu un aussi puissant motif pour me déterminer à accepter ce fardeau énorme, avec la persuasion que j’ai, que vous concourrez en votre particulier à m’aider de vos lumières, lorsque le bien public l’exigéra. »
Connaissant les principes du général Gérin, je suis persuadé, général, qu’il ne regarde pas plus les deux divisions du Sud comme sa propriété, que je ne regarde celle de l’Ouest comme la mienne. Je pense même qu’aucun autre fonctionnaire ne peut avoir une semblable idée. Le prix des services du général Gérin, comme le prix des miens, est la gloire d’avoir reconquis la liberté de notre pays. Si nous avions de l’ambition, après la journée du 17 octobre, nous étions les maîtres d’y donner un libre cours, tandis que notre démarche, au contraire, a prouvé quel était notre désintéressement. Le grade de général de division que j’occupe en ce moment suffit à mon ambition, et je serai toujours prêt à m’en démettre, lorsque le bien public l’exigera. J’ai prouvé plus d’une fois que je n’ai jamais connu ni l’intrigue ni l’ambition ; la voix publique ne laisse aucun doute à cet égard. C’est pourquoi j’eusse désiré que vous m’eussiez fait connaître quels sont ceux qui tiennent le fil des trames que vous dites qui s’ourdissent dans l’Ouest et dans le Sud ; car j’aime aussi que l’on me parle ouvertement et que l’on s’exprime catégoriquement : alors, je pourrais y répondre.
L’accusation que vous me faites, de ne pas réfléchir sur les lettres que je vous écris, m’a fait beaucoup refléchir sur la vôtre et sur votre dernière proclamation, et j’y ai vu un acte peu propre à ramener les esprits vers un même but. Je crois devoir vous dire que j’ai l’habitude aussi de réfléchir sur mes actions ; et dans toutes, je prends pour guide, l’opinion publique et l’intérêt de mon pays.
Enfin, citoyen général, la constitution va paraître ; et je suis comme vous d’avis qu’elle ne sera point consacrée uniquement à favoriser les intrigans, ni à leur donner les moyens d’alimenter leurs passions. Le peuple, en abattant le tyran à la journée à jamais mémorable du 17 octobre, n’a pas fait la guerre pour tuer un homme, mais bien pour détruire la tyrannie et pour changer la forme d’un gouvernement qui ne pouvait lui convenir en rien, et établir sa souveraineté. C’est au moment que cet acte de sa volonté suprême devra recevoir son exécution, qu’on connaîtra les ambitieux et les intrigans. Pour moi, je suis prêt à déposer à ses pieds les pouvoirs que je reconnais ne tenir que de lui, et à soumettre ma volonté particulière à la volonté générale. C’est alors que le peuple distinguera ses vrais amis d’avec les ambitieux : malheur à ces derniers ! … S’il n’a pas craint d’abattre la tête de Dessalines, pourra-t-il trembler devant des intrigans et des ambitieux subalternes ?
J’ai l’honneur de vous saluer.
Signé : Pétion.
Annexe 6. Proclamation de Christophe
Annexe 6. Proclamation de Christophe du 24 novembre 1806. Publiée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VI, pp. 429-430. Disponible en Wikisource.
« Si un système défavorable aux progrès du commerce l’a jusqu’à ce jour empêché de réussir parmi nous, cette influence désastreuse cessera bientôt… N’importe sous quel pavillon vous vous montrerez, le gouvernement s’engage à veiller attentivement à votre sûreté personnelle et à vos intérêts. Les taxes seront proportionnées aux difficultés que vous pourrez éprouver en gagnant nos ports… Le gouvernement a ordonné déjà la suppression des consignations exclusives, de la taxe sur le prix des marchandises, des privilèges accordés pour la vente du café, et de la défense de prendre des cargaisons de sucre, etc. Chacun sera libre de vendre et d’acheter, aux conditions qu’il croira les plus avantageuses. Les anciens règlemens, enfantés par l’ignorance, ne mettront plus d’obstacles à vos spéculations. Vous ne serez plus forcés d’accorder votre confiance à des individus qui vous étaient étrangers, et qui n’entendaient pas même les intérêts de leur pays. Vos marchandises demeureront entre les mains de vos amis et de vos facteurs particuliers, et le gouvernement s’engage à leur accorder toute la protection qu’ils pourront désirer. Les horreurs qui n’ont que trop longtemps signalé le commencement d’un règne tyrannique, ne se renouvelleront plus à l’avenir […] »
Annexe 7. Code Henry
Annexe 7. Code Henry, 20 février 1812, conservé à la Boston Public Library [https://ia800300.us.archive.org/23/items/codehenry00hait/codehenry00hait.pdf].
LOI Concernant la Culture.
TITRE PREMIER.
Des Obligations réciproques des Propriétaires, Fermiers et Agriculteurs.
CHAPITRE PREMIER.
Des Devoirs des Propriétaires et Fermiers !
ARTICLE PREMIER.
Les propriétaires et fermiers des terres sont tenus d'agir envers les agriculteurs en bons pères de famille, obligation qu'il est de leur intérêt de remplir dans toute son étendue.
La ferme volonté du roi étant, qu'en cas de mauvais traitemens de la part des propriétaires et fermiers envers les agriculteurs, le lieutenant de roi, commandant la paroisse, soit tenu d'accueillir les plaintes qui lui auront été portées par les agriculteurs ; les griefs, bien constatés et dûment reconnu par ledit lieutenant de roi, il les soumettra au général commandant l'arrondissement, et celui-ci en instruira le conseil privé du roi, qui statuera sur la plainte portée par les agriculteurs, et prononcera, s'il y a lieu, la peine à infliger aux propriétaires et fermiers.
[…]
3. Nul propriétaire ou fermier ne pourra renvoyer un agriculteur de son habitation, pour cause de maladie ou d'infirmité, ce dernier devant y demeurer comme étant sa résidence.
[…]
CHAPITRE II
Des Obligations des agriculteurs et de laPolice des Ateliers.
16. La loi ayant imposé aux propriétaires et fermiers des terres des devoirs, tout paternels envers les agriculteurs, exige aussi des devoirs réciproques de la part des agriculteurs envers les propriétaires et fermiers.
17. La loi punit l'homme oisif et vagabond ; tout individu devant se rendre utile à la société. Indépendamment des personnes comprises dans l'art. 19 ci-après, seront considérés comme vagabonds, les agriculteurs des deux sexes qui sortis ou sortiront des habitations où ils ont choisi leur demeure habituelle, pour al1er se réfugier, sans cause valable, sur une autre habitation, dans les bourgs, villes ou dans tout autre endroit, dont la résidence leur est interdite par la loi ; par conséquent ceux d'entre eux qui se trouveront sous le coup du présent article, seront punis conformément à l'art. 114.
Titre VIII.
18. Le mariage des agriculteurs sera essentiellement encouragé et protégé, étant la source des bonnes mœurs.
Les agriculteurs laborieux qui auront le plus d'enfans bien élevés et éduqués, provenans de leur union légitime, seront distingués par le gouvernement, et obtiendront des encouragemens.
19. La mendicité est sévèrement prohibée ; tous gens oisifs, mendians, femmes de mauvaises vies et moeurs, tous divagans dans les villes, bourgs et grands chemins, seront arrêtés par la police, pour être renvoyés sur leurs habitations ; ceux qui ne sont attachés à aucune habitation, seront envoyés sur l'habitation ou la manufacture qui leur sera désignée par les autorités supérieures.
Les gouverneurs, les lieutenans de roi, commandans des places et de police, tiendront sévèrement la main à la pleine et entière exécution du présent article ; et tous les bons et fidèles sujets de sa majesté sont invités à dénoncer aux autorités les individus mentionnés ci-dessus.
22. Les heures du travail des agriculteurs sont irrévocablement fixées ainsi qu'il suit :
Le matin, dès la pointe du jour, les travaux commenceront, et dureront sans interruption jusqu'à huit heures ; l'espace d'une heure sera consacrée au déjeûner des agriculteurs, qui aura lieu dans l'endroit même j où ils sont occupés ; à neuf heures, ils reprendront leurs travaux jusqu'à midi, alors deux heures de repos leur seront accordées ; à deux heures précises, ils reprendront leurs travaux, pour ne les abandonner qu'à la nuit fermante.
23 Les femmes enceintes ou nourrices ne sont point assujetties aux règles ci-dessus établies.
24 Tous les soirs, les propriétaires, fermiers ou gérans, sont tenus de faire faire la prière aux agriculteurs, et les inviteront d'assister, les dimanches et fêtes, aux prières publiques, dans leur paroisse.
25. Les propriétaires, fermiers, gérans et conducteurs des habitations, sont tenus de veiller à ce que les places à vivres distribuées aux agriculteurs, soient toujours bien entretenues ; dans le cas contraire, ils obligeront les agriculteurs de le faire dans leurs heures.
[…]
TITRE V.
Des Travaux publics et des Services fonciers,
CHAPITRE PREMIER.
Des Travaux publics.
Article 72.
Les travaux et corvées établis par la loi, ont pour objet l’utilité publique.
73 II y aura dans le cours de l'année, dans toute l'étendue du royaume, deux grandes réparations générales des chemins royaux.
74. Les travaux de ces chemins se feront, autant que possible, dans les mortes saisons de l’année, sans nuire aux plantations des vivres, des roulaisons et des récoltes.
75. Lorsque le temps pour réparer les chemins sera venu, le général commandant la division ordonnera aux lieutenans de roi commandans les paroisses de fixer les bras que devront fournir indistinctement toutes les habitations et hattes suivant ce qui aura été jugé nécessaire pour l'exécution des travaux publics.
76. Lorsqu'il sera nécessaire de faire des travaux aux digues, fleuves et rivières, l’on prendra les mêmes précautions pour fixer le nombre de bras qui devront y être employés.
[…]
H E N R Y
Par le Roi
Le Secrétaire d'État, Ministre des Affaires étrangères Comte de Limonade (Julien Prévost)
Annexe 8. L’élection d’Alexandre Pétion
Annexe 8.1. Discours du sénateur Jean-Louis Barlatier le 10 mars 1807, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VII, p. 13-14. Disponible en Wikisource.
Citoyen général,
Le sénat ayant senti la nécessité d’organiser le gouvernement, a procédé, dans la séance d’hier, à la nomination du Président d’Haïti ; le suffrage de ses membres a réuni la majorité en votre faveur, et vous avez été proclamé Président de la République haïtienne.
Le sénat, en vous élevant à la première magistrature de l’État, a cru rendre un hommage public à vos vertus et aux sentimens républicains qui vous ont toujours caractérisé. Chargé du dépôt des lois et de la force armée, vous deviendrez, président, un sujet d’émulation pour tous ceux de vos compagnons d’armes qui parcourent la même carrière que vous. Votre attachement à la République, votre soumission aux lois, et votre zèle à les faire exécuter, sont les puissans motifs qui ont déterminé le corps législatif à vous placer à la tête du gouvernement et de la force armée. Puisse Dieu vous conserver l’heureux caractère qu’il vous a départi, et vous rendre toujours l’objet de l’admiration publique !
N’oubliez jamais, président, que le salut de la République dépend de l’harmonie qui doit exister entre le pouvoir exécutif et le corps législatif : s’en écarter, ce serait compromettre le salut de l’Etat, et l’exposer à des déchiremens. La crise politique doit cesser quand le gouvernement est organisé.
Annexe 8.2. Discours d’Alexandre Pétion en réponse au discours du sénateur Jean-Louis Barlatier le 10 mars 1807, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VII, p. 14-15. Disponible en Wikisource.
Sénateurs,
Elevé, par votre choix, à la première magistrature de l’Etat, devenu, en quelque sorte, le dépositaire du bonheur et des destinées de notre pays, j’ai l’honneur de vous déclarer que je serais effrayé de l’étendue des obligations que vous m’imposez, si je n’étais certain de trouver dans vos lumières, dans votre sagesse et dans votre énergie, toutes les ressources dont j’aurai besoin. Cette idée, sénateurs, doit me rassurer ; et, acceptant avec confiance la nouvelle mission dont vous m’honorez, mon cœur va prononcer dans le sein du sénat, le serment que la constitution prescrit au Président d’Haïti :
Je jure de remplir fidèlement l’office de Président d’Haïti, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution.
Que les armes confiées au peuple pour la défense de sa liberté, se dirigent contre ma poitrine, si jamais je concevais le projet audacieux et impie d’attenter à ses droits ; si jamais j’oubliais que c’est après avoir contribué à punir de mort un tyran dont l’existence était un tort de la nature, que c’est après avoir contribué à en proscrire un autre, qui, par sa folle ambition, a allumé parmi nous le feu de la guerre civile, que je me vois élevé à la Présidence d’Haïti !
Annexes 9. Les présidences d’Alexandre Pétion
Annexe 9.1. Décret du 1er juillet 1807, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VII, p. 85-86. Disponible en Wikisource.
Le sénat, voulant donner au pouvoir exécutif toute la latitude nécessaire pour profiter des heureuses dispositions qui se manifestent dans le département du Nord, et terminer d’une manière avantageuse la guerre contre Christophe ;
Décrète ce qui suit :
Conformément à la constitution, qui autorise le sénat à s’ajourner lorsqu’il le juge nécessaire, le sénat s’ajournera à partir du 16 juillet jusqu’au 1er janvier 1808, à moins que le bien public n’exige sa convocation avant cette époque.
Durant l’ajournement du sénat, le président est autorisé à faire provisoirement toutes les nominations et remplacemens que les circonstances pourraient exiger dans les corps, tant civils que militaires.
Les tribunaux continueront à rendre la justice dans leurs ressorts respectifs, jusqu’à ce que le sénat les organise de nouveau.
Le président est autorisé à faire provisoirement tout règlement de police qu’il croira nécessaire pour la discipline de l’armée, à fixer le traitement des militaires de tous grades, et la manière de le leur répartir.
À la convocation du sénat, le président lui soumettra tous les actes et règlemens faits durant son ajournement.
Les sénateurs Mode, Barlatier, Manigat, Leroux, Pélage, Neptune et Depas Médina composeront le comité permanent du sénat.
Signé : Th. Trichet, président, Leroux et Neptune, secrétaires.
Annexe 9.2. Décret du 28 juillet 1808, rédigé par le sénateur Daumec, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VII, p. 172-179. Disponible en Wikisource.
Président d’Haïti,
Quoiqu’il n’existe nulle part dans la constitution de l’Etat, le cas où les représentons du peuple doivent députer leurs membres vers le pouvoir exécutif, ils ont cependant, en plus d’une circonstance, fait des démarches près du gouvernement, tendantes à maintenir l’harmonie qui devait toujours régner entre les deux pouvoirs, présumant que par ce moyen, le gouvernement, sans cesse éclairé par le corps législatif, devait marcher d’accord et concerter des mesures qui pouvaient nécessairement mettre la République sur un pied respectable. Mais, hélas ! combien de fois ne l’avons-nous pas vue aux bords du précipice !
Aujourd’hui, justement effrayé de la situation alarmante de l’Etat, de l’impéritie des moyens employés dans nos finances, l’agriculture, l’armée, la police des villes et des campagnes, le sénat se croit autorisé, d’après l’engagement qu’il a contracté de travailler au bonheur d’un peuple qui lui a confié ses destinées, de venir en corps s’expliquer avec le chef du pouvoir exécutif, et lui demander, enfin, s’il est possible d’oublier les puissans motifs qui ont occasionné l’événement du 17 octobre 1806 ? À Dieu ne plaise que le corps législatif veuille ici imputer au chef du gouvernement, des vues attentatoires à la souveraineté du peuple et au système représentatif établi par une constitution pour laquelle des flots de sang coulent encore ! Mais le sénat peut-il rester indifférent sur le sort futur du pays qui nous a vus naître, quand tout semble incliner vers une subversion totale ? Sans armée, sans finances, sans culture et sans police, que manque-t-il donc pour nous convaincre que la République est plongée dans le plus noir chaos ? Non loin de ce triste tableau, nous voyons l’anarchie accompagner la licence qui menace de tout confondre… L’insubordination est à son comble ; et bientôt les officiers supérieurs regarderont l’obéissance de leurs subordonnés comme une faveur signalée. Nos lois sont sans vigueur, et la République est dans un état d’incertitude qui détruit toute sécurité.
Dans le mois de mai de l’année dernière, le sénat, présumant que de la confusion qui existait dans nos finances il devait nécessairement naître un déficit effrayant dans les caisses publiques ; voulant tout prévenir, le corps législatif adressa au Président d’Haïti un message détaillé, par lequel il l’invitait à lui faire parvenir, par la voie du secrétaire d’Etat, le cadastre des maisons et des habitations de la République, les noms des fermiers, les sommes dues à l’Etat par ces fermiers, l’état de la force armée, celui enfin de tous les objets de guerre, etc. etc ; et ce message, qui fut imprimé par ordre du gouvernement, n’eut aucun effet ; le corps législatif, pressé de chercher les moyens de couvrir les dépenses publiques, et ne suivant que son amour pour le bien public, fut obligé de procéder dans les ténèbres et sans aucun document qui pût l’éclairer.
Au mois de juillet dernier (1807), le sénat, en séjournant, délégua au pouvoir exécutif une partie de ses attributions, avec injonction de lui rendre compte à l’ouverture de la session de 1808. Pendant l’ajournement du sénat, une grande conspiration éclata ; le général Yayou en fut le chef ; il était membre du sénat ; et grâce à la fidélité de l’armée, cette puissante conspiration fut renversée. Les principaux auteurs subirent le châtiment dû à leur crime, et le sénat n’en eut aucune connaissance officielle ; il n’a vu aucun acte public du gouvernement à ce sujet : cependant, un de ses membres fut impliqué dans cette affaire.
Pendant l’ajournement du sénat, le gouvernement, usant des pouvoirs qui lui avaient été délégués, nomma un secrétaire d’Etat. Le sénat, en reprenant les travaux dé la session actuelle, n’eut encore aucune connaissance officielle de cette importante nomination : il n’a vu aucun compte rendu du précédent secrétaire d’Etat.
L’art. 42 de la constitution dit textuellement que c’est au sénat qu’il appartient de définir et punir les pirateries commises en mer et les violations du droit des gens, d’accorder des lettres de marque et de représailles. — Cependant, sans égard à la constitution, des bâtimens de guerre sont achetés et expédiés, sans que le sénat en ait la moindre information ; des sommes considérables sont sorties des caisses publiques, pour l’acquisition de ces bâtimens, faite par le président, et sans la participation du secrétaire d’Etat, auquel seul la manutention des deniers publics appartient : la responsabilité de ce fonctionnaire n’est-elle point illusoire, s’il ne peut agir librement ?
L’art. 125 de la constiution ne reconnaît au pouvoir exécutif que le droit de surveiller la perception et le versement des contributions publiques : il donne tous les ordres à cet effet. — Au mépris de cet article, le chef du pouvoir exécutif dirige les finances de l’Etat, il en ordonne la direction. D’après la constitution, ce droit n’appartient qu’au secrétaire d’Etat, qui ne peut les répartir que par un décret du sénat, qui met à la disposition du ministre une somme annuelle pour couvrir les dépenses exigées par tel ou tel département du service public.
Dans un État libre, c’est dans l’administration des deniers publics que les citoyens trouvent une garantie réelle dans l’exercice de leurs droits ; et, pour nous convaincre de cette vérité, il nous suffira de citer ici ce paragraphe du beau Rapport de la constitution qui fut lu à la tribune, le 27 décembre 1806, par Alexandre Pétion :
Nous vous proposons, citoyens, qu’aucune somme ne sorte du trésor public sans la signature du secrétaire d’État qui, placé auprès du sénat, sera toujours prêt à lui rendre compte de ses opérations. Il est juste que le peuple, dont les contributions forment les revenus de l’État, soit instruit de l’emploi qui en a été fait. S’il en était autrement ; si, comme dans les monarchies, le trésor public devenait le trésor d’un individu, la corruption s’introduirait jusque dans le sénat, etc. »
Dans le mois de décembre dernier, le général Magloire, après Yayou, conspira à son tour contre la République. Ce factieux, malgré sa caducité, méditait en secret l’assassinat des deux plus fermes appuis de la République, qui n’a existé, pendant un moment, que dans deux individus, Bonnet et David-Troy. S’ils eussent succombé, c’en était fait de la patrie. Dans cette dernière conjuration, nous le disons à regret, un autre membre du sénat, Magloire, y fut impliqué, et le sénat reste dans la plus profonde ignorance sur cette affaire.
Informé qu’un des artisans de la conspiration de Magloire avait trouvé asile dans le district de Léogane, sous les auspices de l’adjudant-général Marion, le sénat vous adressa un message tendant à avoir des renseignemens sur la conduite de cet officier supérieur ; il n’eut pour toute réponse du Président d’Haïti, qu’un silence fâcheux.
Aujourd’hui, le sénat ne peut plus douter que Michel a trouvé asile chez le général Marion ; il y est choyé, il est de notoriété publique que ce complice de Magloire marche à front découvert dans les rues de Léogane ; il brave les lois, l’opinion publique et le gouvernement. Le sénat n’est point avide du sang des hommes ; mais il demande si ce n’est pas la plus déplorable partialité d’avoir fait juger et punir, pour le même délit, les Ghervain, Sanglaou, J.-C. Cadet, Avril, et tant d’autres qui avaient conspiré contre le gouvernement ? Il demande comment pourra-t-on punir désormais ceux qui pourraient conspirer contre la République, lorsque Michel jouit de l’impunité ? Il paraît que bientôt l’on ne punira que la maladresse et non le crime.
Si nos lois interdisent à tous les pouvoirs la faculté de commuer la peine d’un condamné, comment peut-on ne pas craindre de se mettre au-dessus d’elles, en tolérant un délit qui porte manifestement un caractère si sérieux ? N’est-ce pas commander l’insurrection, encourager les factieux, quand les lois restent muettes sur des conjurés toujours armés d’un poignard pour assassiner la liberté et ses défenseurs ?…
Des individus condamnés par la commission militaire, ont été mis en liberté par ordre du gouvernement, contrairement à toutes les formes judiciaires. En instituant une commission de révision, le sénat a voulu détruire les funestes effets de l’arbitraire et donner aux accusés toute la lattitude possible pour faire triompher l’innocence, quand les lois sont violées dans la personne d’un prévenu ; mais les assassins, aussi bien que les conspirateurs, bravent les lois, et l’impunité enhardit aux crimes !…
Cependant, le sénat conçoit qu’il a existé une circonstance où le gouvernement a dû se trouver embarrassé sur le choix des moyens à employer pour gouverner l’Etat, environné de factieux, attaqué sourdement par des ambitieux qui voulaient tout pervertir en égarant l’opinion ; mais ces temps sont passés ; les antagonistes de la constitution ont disparu, et le gouvernement suit néanmoins toujours les mêmes erremens. Ce système, nous avons lieu de le croire, va changer : la sûreté des personnes et celle de la République l’exigent. L’anarchie sera toujours le désespoir des vrais patriotes, de tous les gens de’bien ; ce point est déjà décidé, — que les gouvernemens sont responsables des fautes de la nation. Le peuple d’Haïti est libre ; ses droits sont garantis par une constitution pour laquelle il combat ; mais il n’est point affranchi du joug des lois.
Triomphant toujours des idées oiseuses, les membres du sénat, en dédaignant les sarcasmes, les misérables ridicules qu’on leur a malignement prêtés, et, sans être de sages sénateurs,[1] ont, depuis longtemps, fait le sacrifice de tout ce qui leur était personnel, pour ne songer qu’au bonheur commun ; et leur patriotisme, ils osent le croire, forcera l’ingratitude même à être reconnaissante ; et quelle que soit la destinée que le sort leur prépare, ils ne feront pas moins leurs efforts pour éclairer le peuple sur ses droits, et rentrer avec le pouvoir exécutif dans le cercle constitutionnel. Ah ! par combien de titres ne mériterons-nous point l’amour de nos concitoyens, si, toujours attentifs à notre devoir, nous travaillons toujours à leur bonheur !
Constamment abreuvé d’amertumes, le sénat ne peut passer sous silence combien il a été affecté du peu de cas que le pouvoir exécutif a fait de ses différens messages[1]. Ceux qu’il vous a adressés sur le commandement de la place du Port-au-Prince, sur l’inexécution des lois, sur la police des villes et des campagnes, sur les administrateurs qui ont diverti les deniers publics, sur le commerce de Cube : tous ces messages sont restés sans réponse et sans effet[2].
Le commerce de Cube est trop contraire aux intérêts d’Haïti, pour le tolérer. Il favorise l’écoulement du numéraire et la dépopulation de la République, en y enlevant des familles entières ; il introduit chez nous un système de traite incompatible avec nos lois ; il enlève des enfans trop crédules par leur âge, et qui sont tramés en captivité dans les colonies espagnoles ; ce commerce, enfin, ne produit rien pour le souffrir d’après ses dangers. À Jérémie, où il est plus actif, il n’a produit dans l’espace de neuf mois que 15000 et tant de cents gourdes à l’État ; et ceux qui le font, enlèvent nos jeunes compatriotes pour les convertir en troupeaux d’esclaves chez l’étranger.
Voilà, Président d’Haïti, le résultat d’une police trop négligée. Dans la circonstance où se trouve la République, tous les étrangers doivent être scrupuleusement examinés ; les Esclavons, Génois, Napolitains et Italiens, qui fréquentent nos ports, doivent fixer l’attention de la police : ce sont des mercenaires qui viennent moins chez nous pour commercer, que pour établir un système d’espionnage et d’embauchage.
Le sénat, citoyen président, est loin de vouloir criminaliser toutes les opérations du gouvernement ; il y voit moins des fautes volontaires que des erreurs ; mais prévoyant les funestes conséquences qui pourront naître de l’éloignement des deux pouvoirs, des fausses interprétations données à la constitution, ses membres viennent aujourd’hui pour en redresser tous les articles qui ont souffert, et mettre chacun dans ses attributions.
La constitution n’a point été mesurée au caractère de tel ou tel individu ; elle a été faite à la mesure des principes ; elle est calculée de manière à couvrir la liberté publique ; et si les attributions données au pouvoir exécutif ne sont pas plus extensives, il doit vous en souvenir, Président d’Haïti, vous les avez vous-même restreintes par vos observations judicieuses. Et en admirant les principes qui vous ont toujours caractérisé, — principes qui ont décidé le sénat à vous placer à la tête du gouvernement, — ses membres ne pourront jamais trop déplorer l’instant et le motif qui ont fait naître une tiédeur entre les deux pouvoirs de la République, qui sont liés à la constitution par un serment solennel ; ils ne cesseront de gémir sur la lutte que le gouvernement a établie entre le corps législatif et des administrateurs infidèles ; sur la protection ouverte accordée aux vautours qui ont dévoré les deniers provenant des contributions établies par la loi sur les citoyens ; sur celle accordée aux conspirateurs qui voulaient plonger la patrie dans un fleuve de sang. Non, citoyen président, ce système d’administration est trop contraire à la sûreté de la République, pour y persévérer. Il est dû six mois de solde aux troupes, et bientôt le gouvernement ne saura où prendre une gourde pour aider aux dépenses que nécessite une guerre légitime, mais ruineuse ; nos caisses appauvries détruisent toute espérance, tandis que les concussionnaires sont assis sur un piédestal élevé par la timide indigence.
Voilà, Président d’Haïti, le tableau que le corps législatif avait à mettre sous les yeux du gouvernement : ne nous faisons point illusion, nos finances sont dans un état inquiétant.
La misère publique aussi bien que l’armée, doivent fixer toute l’attention du gouvernement. Les maux qui menacent la patrie ne sont point sans remède, mais le sénat ne veut rien entreprendre sans connaître l’arrière-pensée du chef du gouvernement. Et si, par une fatalité inconcevable, la situation de la République ne devait point changer, plutôt que de s’associer aux malheurs à venir, le sénat va abdiquer toute mission. Mais non, il est plus doux de croire que celui qui posa la première pierre à la constitution, la soutiendra de tout son pouvoir : il y est lié par le serment qu’il prêta dans le sein de la représentation nationale, le 10 du mois de mars 1807.
Puisse le jour que nous citons, faire époque dans les annales de notre révolution ! Puisse-t-il bannir de tous nos cœurs tout ressentiment, et nous porter plus que jamais à nous presser autour de la constitution, avec laquelle nous avons juré de périr. Jetons le voile sur le passé, et faisons cingler, dès aujourd’hui, le vaisseau de l’État vers le port de la félicité publique.
Annexe 9.3 La réélection d’Alexandre Pétion le 9 mars 1811, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VII, p. 393-394. Disponible en Wikisource.
Le sénat, usant des droits que lui donne l’art. 109 de la constitution, voulant témoigner la gratitude nationale à celui qui, par sa sagesse, par ses vertus, par ses talens militaires, et par son mérite personnel, a si bien soutenu l’État dans les momens les plus critiques, a réélu et proclamé, à ce l’unanimité, le citoyen Alexandre Pétion, Président d’Haïti pour quatre années.
Annexe 9.4 Discours du sénateur Lys le 10 mars 1815, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VIII, p. 148-150. Disponible en Wikisource.
Général,
La plus importante obligation du Sénat est de placer à la tête du gouvernement de la République, un citoyen qui, par ses talens, ses vertus, son patriotisme et son dévouement, puisse procurer à la nation la somme de bonheur dont l’homme est si avide dans l’état social.
C’est cet esprit qui animale corps législatif, lorsqu’en mars 1807 il vous proclama Premier Magistrat de la République. Le Sénat ne crut alors mieux remplir le vœu de la nation et mieux récompenser vos vertus, qu’en vous plaçant à la tête du gouvernement avec le titre constitutionnel de Président d’Haïti.
Celui qui, le premier, prit les armes pour combattre et expulser les Français du pays qui nous a vus naître, et qui, bientôt après, s’arma contre un tyran sanguinaire qui déshonorait la nation, et qui, successivement, a repoussé loin de nos frontières l’usurpateur qui désole le Nord de cette île, devait nécessairement être proclamé le chef immédiat de la République. Dans cette première élection, le Sénat, heureux de son choix, en a connu toute l’importance par la sagesse de votre administration paternelle.
Les premières années qui ont suivi la fondation de la République devaient nécessairement être orageuses. Le vaisseau de l’Etat, confié à vos habiles mains, longtemps ballotté par les tempêtes révolutionnaires, est sorti sans danger de la tourmente qui l’agitait. Il voguait encore paisiblement, lorsque, par une cruelle fatalité, une main imprudente a agité le brandon de la division dans la République, une et indivisible. Ce système trop déplorable aurait précipité la patrie dans un abîme de maux, sans la sagesse de vos mesures et les profondes méditations d’une politique raisonnée et basée sur l’humanité.
Dans ces momens difficiles, général, vous avez senti qu’un remède violent ne pouvait qu’aggraver nos maux. Jamais, en politique, homme ne fut placé dans une circonstance plus délicate que vous ! Et la République, roulant pour ainsi dire au milieu des flots qui l’agitaient du Nord au Sud, est sortie triomphante, sans que le père ait versé une larme sur la tombe de son fils, et sans que l’épouse désolée ait pleuré son époux. Tous ces bienfaits sont votre ouvrage ; et le Sénat, qui a partagé l’allégresse publique, devait nécessairement continuer le pouvoir dans vos mains, puisque, d’après notre constitution, le même citoyen appelé à la Présidence de la République, peut être indéfiniment réélu d’après sa bonne administration.
La pacification du Sud sera toujours regardée comme un chef-d’œuvre de modération et de magnanimité. Le siège du Port-au-Prince, qui eut lui en même temps, où vous avez donné tant de marques de valeur, de prudence et de talent, sera aussi à jamais regardé comme une des époques les plus glorieuses de votre vie.
Celui qui sait faire respecter la République, en faisant la conquête des cœurs, et qui expose sans cesse ses jours pour le bonheur de ses concitoyens, est bien fait pour gouverner un peuple longtemps persécuté par ses devanciers.
Le terme prescrit par l’article 105 de la constitution pour la présidence, étant expiré le 9 de ce mois, le corps législatif ayant procédé, dans sa séance d’hier, à l’élection du Président d’Haïti, le suffrage libre de ses membres vous appelle de nouveau à la Présidence de la République. Vous êtes dans le sanctuaire des lois, en présence des mandataires du peuple, au milieu des magistrats de la nation et de toutes les autorités civiles et militaires, pour remplir les formalités prescrites par l’article 107 de la constitution.
Président d’Haïti,
En vous proclamant pour la troisième fois Premier Magistrat de la République, le Sénat aurait désiré qu’il fût en son pouvoir de vous dispenser de ce serment, attendu que vous en avez surpassé les obligations.
Ce jour, consacré à l’allégresse publique, fera époque dans les fastes de la République, par la nouvelle élection du plus vertueux des chefs que la Providence appelle à gouverner les hommes.
Puisse l’Eternel vous conserver les sublimes principes qui vous caractérisent ! Consolidez la liberté publique, la propagation de la morale, de la religion, de l’instruction publique, l’encouragement de l’agriculture et du commerce.
Annexe 9.5 Discours d’Alexandre Pétion en réponse au discours du sénateur Lys le 10 mars 1815, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VIII, p. 150-151. Disponible en Wikisource.
Citoyens Sénateurs,
L’expression des sentimens du Sénat, en m’élevant à la première Magistrature de la République, par le vœu de mes concitoyens dont vous êtes les organes, m’est d’autant plus agréable, qu’il justifie le zèle avec lequel je me suis sans cesse occupé de faire leur bonheur.
Vous retracer les époques marquantes de mon administration, est un devoir d’usage dans tous les gouvernemens. Dans le nôtre, c’est rappeler des actions communes à tous les citoyens de la République ; et la gloire qui en rejaillit sur le chef étant leur ouvrage, leur appartient autant qu’à lui-même. C’est dans cette idée que je la partage avec eux.
La bonté divine a permis que l’instant choisi par notre implacable ennemi, Henry Christophe, pour nous attaquer, fût celui d’une heureuse réunion entre le Sud et l’Ouest : réunion qui brillera dans nos annales à l’honneur de tous. Cet ennemi qui croyait trouver dans ses affreux projets une exécution facile, n’a rencontré qu’un mur d’airain contre lequel il est venu abaisser son front orgueilleux. Il s’est retiré couvert de honte, de rage et de confusion.
La loyauté, la bravoure, l’héroïsme, sont les traits les plus saillans du siège du Port-au-Prince. Que de hauts faits d’armes ! Que de grandes actions, d’efforts, de patriotisme et de courage n’a-t-il pas produits ! Que ne dois-je pas aux braves qui ont figuré dans cette occasion ! Rien n’a été perdu pour mon cœur : tout est gravé dans ma mémoire. C’est dans ce jour solennel, où je me plais à épancher mes sentimens, que je leur offre, avec la reconnaissance nationale, les éloges qu’ils ont si bien su mériter.
Ces éloges appartiennent aussi à nos frères de l’armée du Nord, qui, refusant de seconder le bras qui voulait nous écraser, se sont joints à la cause de la liberté. Cette conduite nous a donné la mesure de l’opinion publique dans le Nord, et a démontré que s’il est possible d’asservir un peuple, il ne faut souvent qu’un instant pour la chute d’un tyran.
Privés d’un commerce régulier, par les événemens de la guerre continentale de l’Europe, nous sommes parvenus, par une sage économie, à éteindre la dette publique. L’armée a été habillée, secourue, autant que les temps ont pu le permettre : les troupes sur nos frontières, qui se sont agrandies par la jonction de l’arrondissement du Mirebalais et du quartier des Grands-Bois, reçoivent régulièrement leurs besoins. Les transactions du gouvernement ayant été exactement acquittées, nous avons trouvé, dans les commerçans étrangers, le zèle et la bonne volonté que nous pouvions désirer.
Je croirais n’avoir rien dit, citoyens Sénateurs, si je ne faisais l’aveu public de tout ce que l’État doit au généreux dévouement que vous n’avez cessé de manifester dans toutes les circonstances, et combien il est glorieux pour vous d’avoir coopéré, dans les momens les plus difficiles, à la prospérité et au bonheur de la République.
Je jure de remplir fidèlement l’office de Président d’Haïti, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution.
Annexe 10 - « Contestations de l’empire espagnol (1780-1830) »
Annexe 10. « Contestations de l’empire espagnol (1780-1830) », Christian Grataloup, Atlas historique mondial, Paris, Les Arènes – L’Histoire, 2019, p. 377.
Annexe 11. Proclamation au peuple et l’armée de Jean-Pierre Boyer d’avril 1818
Annexe 11. Proclamation au peuple et l’armée de Jean-Pierre Boyer d’avril 1818, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome VIII, p. 360-361.
…Je suis devenu le chef de la plus intéressante famille, et j’ai besoin de l’assistance divine, du concours et de l’aide de mes concitoyens. Dans un gouvernement populaire, c’est le Peuple qui a est tout ; sa confiance est ce qui constitue l’autorité, et cette autorité ne peut que tourner à son avantage. Je sens, à l’amour brûlant de la patrie qui m’anime, au respect que je porte à la volonté nationale, que je ne suis plus le même être, que je suis l’homme de l’État. Oh ! mes concitoyens, couvrez-moi de votre égide ; Sénateurs, Législateurs, soyez mes guides, éclairez-moi ; généraux, mes collègues et mes frères d’armes, brave armée de la République, prêtez-moi l’assistance de vos bras pour assurer la paix et le repos de nos familles ; magistrats du peuple, comptez sur l’exécution des lois, sur mon premier respect à les observer ; agriculteurs, cultivateurs paisibles, livrez-vous sans crainte à vos précieux travaux ; plus le salaire vous sera avantageux, plus mon âme sera satisfaite : rien de ce que mon auguste prédécesseur avait établi ne peut ni ne doit être altéré. La conservation de la République repose sur le droit sacré des propriétés : que le maître d’un a carreau de terre, comme celui de cent, se croie égal aux yeux de la loi, et qu’il soit le souverain de sa possession. Que le commerce se livre sans inquiétude à ses spéculations : celui de la République, celui des étrangers seront protégés…
Annexes 12. La République haïti et la partie espagnole de l’ile
Annexe 12.1. Message de Jean-Pierre Boyer au Sénat, 23 décembre 1822, cité dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome IX, pp. 114-11. Disponible en Wikisource.
Citoyens sénateurs,
L’art. 40 de l’acte constitutionnel a donné à la République, pour limites, toute l’étendue de l’ile de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud ; et les îles qui en dépendent. Tant que nous avions à pacifier certaines parties du Sud, de l’Ouest et du Nord, il eut été imprudent de songer à donner à nos frères de l’Est la direction naturelle qu’ils doivent avoir, en les faisant rentrer sous les drapeaux de la patrie ; car il eût été raisonnable de penser que les hommes qui, dans une autre circonstance, leur avaient donné une direction opposée à leurs intérêts et aux nôtres, auraient encore cherché à faire naître en eux de l’opposition. Et plutôt que de faire gémir l’humanité en fournissant aux méchans et aux insensés l’occasion de répandre le sang humain, toutes les veilles, toute la sollicitude du gouvernement n’ont tendu qu’à opérer une révolution morale qui, en amenant nos frères de l’Est à partager les avantages de notre constitution, aurait fourni une garantie puissante aux Haïtiens général, contre ceux qui, tôt ou tard, pourraient vouloir lui disputer sa liberté et sen indépendance.
Cette révolution avait déjà commencé sa marche. Les bonnes dispositions des habitans des anciennes frontières, les communications de quelques citoyens notables des parties les plus distantes, me faisaient espérer que bientôt les choses arriveraient à leur maturité naturelle, lorsque tout à coup, des hommes qui paraissaient être vendus aux cabinets étrangers ont proclamé à Santo-Domingo, le 1er de ce mois, une déclaration d’indépendance et une constitution provisoire, toutes diamétralement opposées aux intérêts communs du peuple de toute l’Ile.
Sénateurs, vous connaissez les deux actes qui nous sont parvenus sur cette affaire ; il n’est pas besoin d’en rappeler ici le contenu.
Voilà la République placée dans une crise politique de la plus haute importance, et qui demande un concours aussi prompt qu’énergique de toutes les autorités auxquelles sont confiées les destinées d’Haïti.
Si la responsabilité de la tranquillité publique, du maintien de l’État dans son intégrité pèse sur moi, sénateurs, le dépôt sacré de la constitution est aussi sous votre responsabilité. Je viens donc proposer à vos sages délibérations les solutions écrites aux questions suivantes :
1° Pouvons-nous souffrir que, contre les dispositions de l’art. 40 de la constitution, un État séparé de la République se forme et se maintienne dans l’Est de notre territoire ?
2° Si les habitans de l’Est de notre territoire étaient, en tout ou en partie, sourds à la voix pacifique du gouvernement, quel parti faudrait-il prendre à leur égard ?
3° Pouvons-nous, dans aucun cas, souffrir que des principes constitutifs contraires à ceux qui nous régissent et que nous avons tous juré d’observer, soient établis sur la même terre que la nôtre ?
Voilà ce qu’il importe de décider avec la plus grande promptitude.
N’oublions pas que nous occupons une île dont toutes les côtes, étant accessibles, nécessitent que toute sa population soit une et indivisible et sous une même direction, pour fournir à son indépendance des garanties indispensables à son maintien.
Le cas est urgent, citoyens sénateurs ; vos délibérations doivent être promptes, et j’attendrai vos avis pour me décider sur ce que mon devoir m’impose de faire en cette circonstance extraordinaire.
J’ai l’honneur, citoyens sénateurs, de vous saluer avec une considération bien distinguée.
Signé : Boyer.
Annexe 12. 2. Proclamation adressée au peuple haïtien par Jean-Pierre Boyer le 9 février 1822 (extrait), citée dans Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, 1856 [Gallica], réédition Port-au-Prince, ed. Dalencour, 1958, Tome IX, pp. 133-134. Disponible en Wikisource.
[…] Haïtiens ! en vain nos ennemis prétendraient alarmer les puissances étrangères sur la réunion de tout notre territoire les principes établis par les articles 40 et 41 de notre constitution, qui nous donnent l’Océan pour limite, sont aussi généralement connus que ceux consacrés par l’article 5 du même acte et par lesquels nous nous sommes engagés à ne former jamais aucune entreprise tendant à troubler la paix de nos voisins. — Peuple agriculteur et guerrier, les Haïtiens ne s’occuperont que des intérêts de leur patrie, ils ne se serviront de leurs armes que pour défendre leur indépendance nationale si on était assez injuste pour l’attaquer ; toujours généreux, toujours hospitaliers, ils continueront d’agir avec loyauté envers ceux des étrangers qui, habitant parmi eux, respecteront les lois du pays. […]
Annexe 13 - Carte géographique, statistique, historique et politique de l'île de Saint-Domingue
Annexe 13. Darmet J.M., Carte géographique, statistique, historique et politique de l'île de Saint-Domingue, aujourd'hui République d'Haiti, Paris, 1826 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530937177].
Annexe 14. La dette
Annexe 14. La dette (voir les Annexes 7 à 11 de la séquence « La dette de l’indépendance ou le néocolonialisme par la dette »)
Annexe 14.1. Lettre d’Abel Aubert Dupetit-Thouars à Jean-Pierre Boyer, 8 mai 1821, Justin Joseph, Les relations extérieures d’Haïti. Études historiques et diplomatiques, Paris, Albert Savine, 1895, pp. 49-52 [https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uiug.30112109168432&view=1up&seq=68]. Ces extraits sont aussi cités dans Blancpain François, Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922), Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 50-51.
Les prétentions de la France sont si modérées, si justes ; sa conduite avec Haïti, depuis la restauration, a été telle, que V. Ex. est beaucoup trop éclairée pour ne pas y voir le désir le plus sincère de terminer y à l'amiable cette lutte déjà trop longue.
[…] Je dois faire connaître à Votre Excellence que Sa Majesté désirant le bonheur des habitants de la partie de l'île soumise à votre domination, et non de porter parmi eux le trouble et la guerre civile, avait pensé qu'une telle reconnaissance serait peut-être funeste à la réunion et à la paix que vous venez d'établir avec tant de succès. Sa Majesté a voulu donner une preuve de son désir sincère de la réconciliation, de sa bienveillance pour Votre Excellence, et en même temps de sa sollicitude pour un pays qu'elle regarde toujours comme français ; elle s'est décidée à consacrer l'indépendance de la République d'Haïti.
« En prenant une telle résolution, Sa Majesté s'est attendue à trouver dans Votre Excellence et son gouvernement des dispositions analogues ; elle s'attend à voir reconnaître sa simple suzerainetė, ou à la France un droit de protection semblable à celui que l'Angleterre exerce à l'égard du gouvernement des Iles Ioniennes. Ce droit ne peut qu'être avantageux à la République, et utile à son indépendance, en écartant toutes les prétentions que l'on pourrait élever sur elle ; d'un autre côté, il assure à la France la libre jouissance du commerce avec Haïti.
Sa Majesté ne désire le commerce qu'aux conditions établies pour la Puissance la plus favorisée ; car, dans l'intérêt d'Haïti, qui sera aussi celui de la France, après le traité, il importe qu'il ne soit pas fait de conditions qui puissent, par suite, troubler l'ordre de la République. Ces derniers motifs font tenir aux indemnités pour le territoire et les propriétés.
Annexe 14.2. Lettre de Jean-Pierre Boyer à Esmangart, 10 mai 1821, Justin Joseph, Les relations extérieures d’Haïti. Études historiques et diplomatiques, Paris, Albert Savine, 1895, pp. 49-52 [https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uiug.30112109168432&view=1up&seq=68]. Cet extrait est aussi cité dans Blancpain François, Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922), Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 50-51.
Vous avez dû, M. le Préfet, pendant votre séjour au Port-au-Prince, en 1816, vous bien convaincre que le gouvernement de la République ne faisait qu'interpréter l'inébranlable volonté du peuple, en demandant que la reconnaissance de l'indépendance d'Haïti, de la part S. M. T. C. fût pure et simple ; car la prospérité du pays et l’honneur national ne permettent pas qu'il soit porté la moindre atteinte à cette indépendance, soit en admettant la suzeraineté directe ou indirecte, soit en se plaçant sous la protection d'aucune puissance quelconque. A cet égard, mon prédécesseur s'est trop bien ouvert aux commissaires du roi de France, du nombre desquels vous faisiez partie, pour qu'il soit nécessaire d'entrer aujourd'hui dans d'autres explications. « C'est au moment où la République jouit de la paix intérieure, où elle est fréquentée par le commerce de toutes les nations, que la question de la reconnaissance de son indépendance est, de nouveau, vivement agitée ; et c'est pour donner au monde entier une preuve de la loyauté haïtienne que je serai disposé à faire revivre l'offre d'une indemnité raisonnablement calculée, qu'avait faite mon prédécesseur à l'époque de la première mission que la France envoya ici, et qui fut écartée en 1816, dans le cas ou S. M. T. C. reconnaîtrait la nation haïtienne, comme elle l'est de fait, libre et indépendante ; alors, le commerce français pourra être, en Haïti, traité sur le pied de l'égalité avec celui des nations qui y sont le plus favorisées ; mais il sera bien entendu que la République d'Haïti conservera une neutralité parfaite dans toutes les guerres que les puissances maritimes se feraient entre elles.
Annexe 14.3. Déclaration de Jean-Pierre Boyer 1824. Justin Joseph, Les relations extérieures d’Haïti. Études historiques et diplomatiques, Paris, Albert Savine, 1895, p. 54 [https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uiug.30112109168432&view=1up&seq=68]. Cet extrait est aussi cité dans Blancpain François, Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922), Paris, L’Harmattan, 2001, p. 53.
En 1814, on voulait nous imposer la souveraineté absolue de la France ; en 1821, on ne demandait plus qu'une simple suzeraineté ; en 1823, lors de la négociation du général Boyé, on se bornait à réclamer comme condition sine qua non, l'indemnité que nous avions offerte précédemment ; par quel retour à un esprit de domination, veut-on en 1824 nous assujettir à une souveraineté extérieure ? Cette souveraineté nous paraît injurieuse, et contraire à notre sécurité ; c'est pourquoi nous la rejetons.
Annexe 14.4. Ordonnance de Charles X Roi de France concernant l'indépendance de l'île de St. Domingue, du 17 avril 1825.
Charles par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre,
A tous ceux qui ces présentes verront, salut :
Vu les articles 14 et 73 de la charte.
Voulant pourvoir à ce que réclament l'intérêt du commerce français, les malheurs des anciens colons de St. Domingue, et l'état précaire des habitants actuels de cette île ;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Article premier.
Les ports de la partie française de St. Domingue seront ouverts au commerce de toutes les nations. Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous les pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits seront réduits de moitié.
Article 2.
Les habitants actuels de la partie française de St. Domingue verseront à la caisse générale des dépôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d'année en année, le premier échéant au trente un décembre mil huit cent vingt - cinq, la somme de cent cinquante millions de francs, destinés à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité.
Article 3.
Nous concédons à ces conditions par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de l'île de St. Domingue l'indépendance pleine et entière de leur gouvernement.
Et sera la présente ordonnance, scellée du grand sceau.
Donné à Paris, au château des Tuileries, le 17 avril, l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier.
CHARLES.
Par le Roi,
Le pair de France, ministre secrétaire d'état du département de la marine et des colonies,
Comte de Chabrol.
Vu au sceau
Le garde - des - sceaux de France, ministre secrétaire d'état au département de la justice,
Comte de Peyronnet.
Visa
Le président du conseil des ministres,
J. de Villèle.
Annexe 14.5. Note de Jean-Pierre Boyer au baron de Mackau, 8 juillet 1825, cité in R. Lepelletier de Saint-Rémy, Saint-Domingue. Etude et solution nouvelle de la question haïtienne, Paris, Arthus Bertrand, 1846, Tome II, Livre troisième, Indemnité Indépendance, pp. 53-54 [http://www.manioc.org/patrimon/SCH13080]. La note est aussi citée dans Blancpain François, Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922), Paris, L’Harmattan, 2001, p. 59.
Monsieur le Baron,
Les explications contenues dans votre note officielle en date d'hier, prévenant tout malentendu sur le sens de l'article 1er de l'ordonnance du roi de France qui reconnait l'indépendance pleine et entière du gouvernement d'Haïti, et confiant dans la loyauté de Sa Majesté Très-Chrétienne, j'accepte au nom de la nation cette ordonnance, et je vais faire procéder a son entérinement au sénat avec la solennité convenable.
Recevez, monsieur le Baron, etc.,
Signé B O Y E R
Au palais national du Port-au-Prince,
Le 8 « juillet 1825
An 22e de l'indépendance.
Annexe 14.6. Proclamation du président Boyer acceptant l'ordonnance française, in Outre-mers, tome 90, n°340-341, 2e semestre 2003, Haïti Première République Noire, p. 250 [https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2003_num_90_340_4059]. D'après Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1988, tome VI, p. 468-469 (réimpression de l'édition de 1847-1848).
« Haïtiens ! Une longue oppression avait pesé sur Haïti ; votre courage et des efforts héroïques, l'ont arraché, il y a 22 ans à la dégradation pour l'élever au niveau des États indépendants. Mais il manquait à votre gloire un autre triomphe. Le pavillon français en venant saluer cette terre consacre en ce jour la légitimité de votre émancipation. Il était réservé au Monarque aussi grand que religieux qui gouverne la France de signaler son avènement à la couronne par un acte de justice qui illustre à la fois et le trône dont il émane et la nation qui en est l'objet.
Haïtiens, une ordonnance spéciale de sa majesté Charles X, en date du 17 avril dernier, reconnaît l'indépendance pleine et entière de votre gouvernement. Cet acte authentique en ajoutant la formalité du droit à l'existence politique que vous aviez acquise, légalisera aux yeux du monde, le rang où vous vous êtes placés et auquel la Providence vous appelait.
Citoyens, le commerce et l'agriculture vont prendre une plus grande extension. Les arts et les sciences qui se plaisent dans la paix s'empresseront d'embellir vos nouvelles destinées de tous les bienfaits de la civilisation. Continuez, par votre attachement aux institutions nationales, et surtout par votre union, à être le désespoir de ceux qui tenteraient de vous troubler dans la juste et paisible possession de vos droits.
Soldats ! Vous avez bien mérité de la patrie. Dans toutes les circonstances, vous avez été prêts à combattre pour sa défense, vous serez toujours fidèles à vos devoirs. La confiance dont vous avez donné tant de preuves au chef de l'État est la plus douce récompense de sa sollicitude constante pour la prospérité et la gloire de la République
Haïtiens ! Montrez-vous toujours dignes de la place honorable que vous occupez parmi les nations. Et plus heureux que vos pères, vous léguerez à votre postérité le plus bel héritage qu'elle puisse désirer : la concorde intérieure, la paix au dehors, une patrie florissante et respectée ! Vive à jamais la liberté ! Vive à jamais l’indépendance ! »
Annexe 14.7. Déclaration de la Chambre des représentants, le 20 février 1826, loi acceptée par le Séant le 25 février 1826 et promulguée le 26 février 1826, cité in Madiou Thomas, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, JH. Courtois, 1847, vol.6 [consultable en Google Book], p. 508. Disponible en Wikisource.
La Chambre des Représentants des Communes,
"Considérant qu'il a été consenti en faveur de la France une indemnité de 150 millions de francs pour la reconnaissance de l'Indépendance pleine et entière de la République d'Haïti et qu'il est de l'honneur national d'assurer l'exécution d'un engagement qui, sans porter atteinte à la dignité du peuple haïtien, consacre à jamais son existence politique ;
"Sur la proposition du Président d'Haïti et sur le rapport de sa section des finances ;
"A arrêté et arrête ce qui suit
"Article 1er.- L'indemnité de 150 millions de francs consentis à la France pour la reconnaissance pleine et entière de l'indépendance nationale, est reconnue dette nationale.
"Article 2.- Le Président d'Haïti prendra les mesures que sa sagesse lui suggérera pour libérer la nation de cette dette."
Annexe 15.8. Convention conclue à Paris, le 2 avril 1831, entre la France et Haïti, pour le règlement des indemnités, in Léger Jacques Nicolas, Recueil des traités et conventions de la République d'Haïti, Imprimerie de la Jeunesse, Maison Athanase Laforest, 1891, pp. 7 [accessible en Google Book].
Le Président de la République d'Haïti, après avoir exprimé à S. M. le Roi des Français tous ses regrets de l'impossibilité où s'était trouvée, et se trouve encore la République, d'acquitter sans des délais suffisants, les quatre derniers cinquièmes de l'indemnité stipulée par l'ordonnance du 17 Avril 1825, aussi bien que de faire le service de l'emprunt contracté à Paris, le 14 Novembre de la même année, pour le paiement du premier cinquième de la dite indemnité, a fait connaitre qu'une somme annuelle de 4 millions de francs était aujourd'hui, et serait pendant longtemps le maximum des ressources que la République pourrait appliquer à l'extinction de ces deux dettes, ainsi que de la dette nouvelle résultant d'avances qui lui ont été faites par le trésor public de France pour le service de son emprunt.
[…] En conséquence, S. M. le Roi des Français a nommé M. le baron Louis André Pichon, Conseiller d'Etat, Officier de la Légion d'honneur ; Et le Président de la République d'Haïti le citoyen Saint-Macary, Administrateur des finances.
Lesquels, après avoir échangé leurs pouvoirs qu'ils ont trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :
Art. 1er. La dette d'Haïti envers la France se compose :
1° De la somme de cent vingt mallions sept cent mille francs pour le solde de l'indemnité, savoir : cenl-vingt millions, montant des quatre derniers cinquièmes de la dite indemnité et une somme de sept cent mille francs qui, sauf règlement de compte définitif, entre le trésor d'Haïti et la Caisse des dépôts et consignations, restait dûe pour compléter le premier cinquième.
2° De la somme de quatre millions huit cent quarante-huit mille francs, pour les avances faites par le trésor public de France pour le service de l'emprunt :
3° Enfin des obligations non remboursées de l'emprunt, montant à vingt sept millions sis cent mille francs, et des intérêts dûs sur cette somme, depuis le 31 Décembre 1828, lesquels, au 31 Décembre prochain, s'éleveront à la somme de cinq millions sept cent quatre vingt-seize francs ; ce qui, en capitalisant les dits intérêts jusqu'au 31 Décembre 1831, formera à celte même époque , un total de trente trois millions trois cent quatre vingt seize francs , pour le capital du dit emprunt.
Art . 2. - Le Gouvernement d'Haïti s'engage à employer annuellement, et à partir du premier Janvier 1832, à l'extinction des diverses parties de la dette ci-dessus exprimée, la somme de quatre millions de francs .
Art. 3. - Sur ces quatre millions, S. M. le Roi des Français consent à ce qu'il soit affecté, par préférence, au service de l'emprunt, une somme de deux millions, qui seront à cet effet, versés chez les banquiers chargés des affaires de la République à Paris, en deux paiements égaux, de six mois en six mois, le premier devant se faire le 30 Juin 1832.
L'autre somme de deux millions sera versée en deux paiements semblables et aussi de six mois en six mois, à la Caisse des dépôts et consignations à Paris pour venir, jusqu'à due concurrence, en déduction du solde restant dû sur l'indemnité ; et après le remboursement de l'emprunt, le Gouvernement d'Haïti s'engage à continuer le paiement de l'annuité ci-dessus stipulée de quatre millions et à la verser, à Paris, à la Caisse les dépôts et consignations, jusqu'à parfait paiement de l'indemnité. Le premier des paiements à faire pour l'indemnité aura lieu immédiatement après l'acquittement en la manière qui va être énoncée ci- après, des avances mentionnées au paragraphe 2 de l’art. premier de la présente convention.
Art. 4. - Le Gouvernement Haïtien s'engage à rembourser, d'ici au 31 Décembre 1883, tant en capital qu'en intérêts, (les dits intérêts fixés à 3 %) sa delle envers le trésor public de France, pour les avances faites pour le service de l'emprunt. Ainsi, en outre des deux millions, affectés par le premier paragraphe de l'article 3, au paiement de l'emprunt, et qui seront remis aux banquiers de la République à Paris, le Gouvernement Haïtien versera, à la Caisse des dépôts et consignations, pendant les deux premières années, aux époques et dans les proportions indiquées audit article, les sommes nécessaires pour parfaire ce remboursement dans ledit délai.
Art. 5. – S. M. désirant faciliter encore la libération de la République, consent à faire acheter, chaque année, du Gouvernement d'Haïti, par l'Administration les contributions indirectes de France, des tabacs en feuilles des qualités, pour des quantités, et aux prix qui seront convenus entre les agents des administrations respectives. La valeur des tabacs qui seraient livrés par Haïti, en vertu de ces contrats, viendra en déduction des paiements à faire par la République pour l'acquittement de ses dettes.
Annexe 14.9. Les deux traités de 1838, in Outre-mers, tome 90, n°340-341, 2e semestre 2003, Haïti Première République Noire, pp. 251-252 [https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2003_num_90_340_4059]. D'après Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1988, tome VII, p. 213-215 (réimpression de l'édition de 1847-1848).
Premier traité
Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité.
S.M. le roi des Français et le Président de la République d'Haïti, désirant établir sur des bases solides et durables les rapports d'amitié qui doivent exister entre la France et Haïti, ont résolu de les régler par un Traité, et ont choisi à cet effet pour Plénipotentiaires, savoir :
S.M. le roi des Français : les sieurs Emmanuel-Pons-Dieudonné, baron de Las Cases, et Charles Baudin, Capitaine de vaisseau de la marine royale.
Le Président de la République d'Haïti : le Général de brigade Joseph-Balthazar Inginac, Secrétaire-général ; le sénateur Marie-Élisabeth-Eustache Frémont, Colonel, son aide-de-camp ; les sénateurs Dominique-François Labbée et Alexis Beaubrun Ardouin, et le citoyen Louis-Mesmin Seguy Villevaleix, Chef des bureaux de la Secrétairerie générale.
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs, et les avoir trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :
Article premier.
S.M. le roi des Français reconnaît pour lui, ses héritiers et successeurs, la République d'Haïti comme État libre, souverain et indépendant.
Article 2.
Il y aura paix constante et amitié perpétuelle entre la France et la République d'Haïti, ainsi qu'entre les citoyens des deux États, sans exception de personnes ni de lieux.
Article 3.
S.M. le roi des Français et le Président de la République d'Haïti se réservent de conclure le plus tôt possible, s'il y a lieu, un traité spécialement destiné à régler les rapports de commerce et de navigation entre la France et Haïti. En attendant, il est convenu que les Consuls, les citoyens, les navires et les marchandises ou produits de chacun des deux pays jouiront à tous égards, dans l'autre, du traitement accordé ou qui pourra être accordé à la nation la plus favorisée ; et ce, gratuitement, si la concession est gratuite, ou avec la même compensation, si la concession est conditionnelle.
Article 4.
Le présent Traité sera ratifié et les ratifications en seront échangées à Paris, dans un délai de trois mois ou plus tôt, si faire se peut.
En foi de quoi, nous Plénipotentiaires, soussignés, avons signé le présent Traité et y avons apposé notre sceau.
Emmanuel, Baron de Las Cases, Membre de la Chambre des Députés de France,
Charles Baudin.
B. Inginac, E. Frémont, Labbée, B.Ardouin, Seguy Villevaleix.
Deuxième traité
« Au nom de la Très Sainte et indivisible Trinité. Sa Majesté le Roi des Français et le Président de la République d'Haïti, désirant d'un commun accord mettre un terme aux difficultés qui se sont élevées relativement au paiement des sommes que la république d'Haïti doit à la France sur l'indemnité stipulée en 1825, ont résolu de régler cet objet par un traité, et ont choisi à cet effet pour plénipotentiaires, savoir, Sa Majesté le Roi des Français, les sieurs Emmanuel Pons Dieudonné, baron de Las Cases, officier de l'ordre royal de la Légion d'honneur, et Charles Baudin, officier du dit ordre royal de la Légion d'honneur et capitaine de vaisseau de la Marine Royale. Le Président d'Haïti, le général de brigade Joseph Balthazar Inginac, secrétaire général ; le sénateur Marie Elizabeth Eustaches Frémont, colonel, son aide de camp ; les sénateurs Dominique François Labbée et Alexis Beaubrun-Ardouin et le citoyen Louis-Mesmin Seguy Villevaleix, chef de bureau de la Secrétairerie générale. Lesquels après avoir échangé leurs pleins pouvoirs et les avoir trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :
Article 1er. Le solde de l'indemnité dû par la République d'Haïti demeure fixé à la somme de 60 millions de francs. Cette somme sera payée conformément au mode ci-après : pour chacune des années 1838, 1839, 1840, 1841 et 1842, un million cinq cent mille francs. Pour chacune des années 1843, 1844, 1845, 1846 et 1847, un million six cent mille francs. Pour chacune des années 1848, 1849, 1850, 1851 et 1852, un million sept cent mille francs. Pour chacune des années 1853, 1854, 1855, 1856 et 1857, un million huit cent mille francs. Pour chacune des années 1858, 1859, 1860, 1861 et 1862, deux millions quatre cent mille francs. Pour chacune des années 1863, 1864, 1865, 1866 et 1867, trois millions de francs.
Les dites sommes seront payées dans les six premiers mois de chaque année. Elles seront versées à Paris, en monnaie de France, à la Caisse des dépôts et consignations.
Article 2. Le paiement de l'année 1838 sera effectué immédiatement.
Article 3. Le présent traité sera ratifié et les ratifications seront échangées à Paris dans un délai de trois mois, ou plus tôt si faire se peut.
En foi de quoi, nous plénipotentiaires soussignés, avons signé le présent traité et y avons apposé notre sceau.
Fait au Port-au-Prince, le 12e jour du mois de février de l'an de grâce 1838. Emmanuel, baron de Las Cases, Charles Baudin, B. Inginac, Frémont, Labbée, B. Ardouin, Seguy Villevaleix. »
Annexe 15.10. Thomas Madiou, Histoire d’Haïti 1492-1843, Port-au-Prince, Port-au-Prince, JH. Courtois, 1847, vol. 6, pp. 476-477 [consultable en Google Book].
La nouvelle de la reconnaissance de l’Indépendance d’Haïti par le roi de France, moyennant une indemnité de 150 millions de francs, était parvenue au Cap le 17 juillet, en même temps que la proclamation du président au peuple et à l’armée. La plupart des généraux du Nord se montrèrent mécontents de la conduite du président Boyer et le bruit circula aussitôt dans les villes et les campagnes qu’il avait livrées le pays aux Français. Il y eut des conciliabules dans le but de travailler à son renversement. Cependant le général Magny, commandant de l’arrondissement du Cap, réunit le 19 juillet, au Champ de Mars, les troupes de ligne et la garde nationale et leur donna lecture de la proclamation du Président qui annonçait la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti. Les troupes accueillirent cet acte avec froideur, mais les citoyens avec enthousiasme. Pendant trois jours, la ville fut illuminée et il y eut de nombreux bals et festins.
Dans le département de l’Artibonite que commandait le général Bonnet, l’ordonnance de Charles X fut accueillie avec moins de désapprobation. Le général Bonnet était heureux de ce qui s’était accompli au Port-au-Prince. Il sentait, il est vrai, péniblement que les conditions de l’ordonnance étaient onéreuses ; néanmoins, il y voyait la consécration de l’œuvre de Dessalines et la fin des appréhensions d’une nouvelle existence barbare et demi-sauvage dans les plaines et les mornes. Il inspira ces sentiments à la plupart des autorités de l’Artibonite, et dans ce quartier, il y eut de grandes fêtes populaires pour solenniser la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti.
Boyer, dès le 22 juillet, fut informé qu’une vaste conspiration s’était formée contre lui dans le Nord parce qu’il avait, prétendait-on, livré le pays aux blancs.
Annexe 15.11. Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti ; suivies de la vie du général J.-M. Borgella, Paris, Dezobry et Magdeleine et chez l’auteur, tome X, 1860. Disponible sur Gallica et en Wikisource.
Le gouvernement haïtien avait pris une grande résolution, en se décidant à accepter l’ordonnance rendue par Charles X sur la question qui se débattait entre la France et Haïti depuis la paix générale de 1814. Mais, si le président Boyer personnellement hésita à souscrire à cet acte, parce qu’il ne lui sembla pas réunir toutes les garanties désirables pour l’indépendance et la souveraineté de son pays ; s’il crut cependant pouvoir se confier en la loyauté du gouvernement français pour terminer définitivement ce long litige par un traité subséquent, d’après la note officielle qu’il obtint de son envoyé, expliquant les clauses de l’ordonnance, il ne pouvait pas raisonnablement espérer qu’aucune répugnance ne se manifesterait dans le pays, à propos de cette transaction, et par les mêmes motifs qu’il avait eus pour ne pas vouloir la conclure.
Quelque confiance qu’un chef d’État inspire à ses concitoyens, l’opinion publique ne saurait abdiquer son droit d’examen de ses actes, surtout lorsqu’ils se rattachent à l’existence politique de la nation. Elle le pouvait d’autant moins en cette circonstance, que, durant toute l’année 1824, elle avait été surexcitée à l’endroit de la France, par le Président lui-même. Ses discours à la fête de l’indépendance et à l’ouverture de la session législative ; ses proclamations du 6 janvier, du 14 avril et du 18 octobre ; ses instructions aux commandans d’arrondissement pour mettre la République en état de défense ; la réunion de ces généraux à la capitale où ils conférèrent avec lui secrètement : tout avait préparé les esprits à résister vigoureusement à toutes prétentions injustes de la part de la France. Est-il donc étonnant, qu’en apprenant les particularités relatives à l’acceptation de l’ordonnance ; en lisant cet acte sur le journal officiel du gouvernement sans y trouver aussi la note de M. de Mackau ; en sachant que cet officier avait emmené à sa suite une force maritime qui pénétra dans la rade du Port-au-Prince ; est-il étonnant qu’on ait montré presque partout un sentiment de mécontentement, sinon d’indignation, de la conduite mal comprise de Boyer ?
Mais il était plus naturel que ce sentiment éclatât dans le Nord, où le long régime de H. Christophe avait toujours excité la méfiance et la haine contre la France, où existait une opposition permanente contre le système du gouvernement, surtout parmi les anciens généraux du régime déchu qui avaient essayé d’y établir un État distinct de la République. Au Cap-Haïtien, le général Magny, qui ne partageait pas leur sentiment, qui s’était pénétré des grandes vues politiques de Pétion, suivies par son successeur à l’égard de la France, en recevant l’information officielle de ce qui s’était passé à la capitale, avait fait publier avec pompes la proclamation du Président, du 11 juillet ; par ses soins, le chef-lieu du Nord fut illuminé pendant trois jours de suite. Ces démonstrations, calculées sans doute pour rallier l’opinion en faveur du gouvernement, déplurent singulièrement aux généraux du Nord et à d’autres officiers, à des fonctionnaires publics et à des particuliers : ils manifestèrent si hautement leur désapprobation de la conduite tenue au Port-au-Prince, que Magny jugea la situation assez grave pour la mander à Boyer et l’engager à se transporter au Cap-Haïtien.
[…] il n’y eut que trop de gens satisfaits de cette espèce d’échec subi par son gouvernement, parmi ceux qui lui étaient opposés personnellement. Malheureusement, — nous l’avons déjà dit. — il avait eu le tort de ne pas imiter la conduite de Pétion, il avait négligé ce qui pouvait le plus excuser, sinon justifier la sienne ; et quand il apprit que de tous côtés on lui jetait la pierre, quand les journaux étrangers vinrent augmenter cette fâcheuse situation par leurs réflexions plus ou moins acerbes sur l’acceptation de l’ordonnance, le Président se laissa aller à une sorte de dégoût dans ses rapports avec les fonctionnaires et les citoyens. Dès cette époque, il n’eut plus cet enthousiasme qu’il avait toujours montré dans les affaires publiques. Il continua, certainement, de prouver la fermeté, l’énergie de son âme dans les circonstances difficiles qui survinrent ensuite ; mais on peut dire qu’il était désenchanté du pouvoir. Son caractère était trop impressionnable pour ne pas l’être.